Renault Safrane Long Cours by Heuliez : petite histoire d’un proto qui aura marqué les esprits !
En octobre 1994, au salon de Paris, j’étais surexcité : le foisonnement de nouveautés cette année là me faisait croire au renouveau de l’automobile française ! Venturi 300 Atlantique (lire aussi: Venturi 300 Atlantique), Hobbycar Passport (lire aussi : Hobbycar Passport), Hommell Berlinette (lire aussi : Berlinette Hommell) et j’en oublie ! Et sur le stand Heuliez trônait une superbe version break de la Safrane Biturbo sortie en 1993 (lire aussi : Renault Safrane Biturbo): la Renault Safrane V6 Biturbo Long-Cours !
J’avoue, mon éducation automobile m’avait plutôt entraîné vers Peugeot ou Citroën, à une époque où l’on se transmettait une marque de père en fils. Mais la Biturbo d’abord, puis cette version break élégante et racée me fit presque devenir un ardent défenseur du losange. Pour tout vous dire, la Safrane Long Cours est l’une de mes voitures préférées de cette époque ! La ligne un peu pataude de la Safrane était sublimée par ce coffre bulbeux et plongeant à la fois. « Ca ne marchera jamais » disait la pub : elle ne sera jamais lancée en série, mais des années plus tard, la mode des berlines/coupés ou des berlines/break de chasse prouvera que Heuliez avait raison trop tôt !
C’est à Patrick Le Quément que l’on doit cette fabuleuse Long Cours. La petite histoire raconte qu’au salon de Genève, le directeur du style de Renault repère une esquisse de Safrane break sur le stand Heuliez, et demande alors à la firme picto-charentaise d’en réaliser un prototype roulant, pour se faire une idée ! Aussitôt dit, aussitôt fait. Une Biturbo est prélevée des chaînes pour rejoindre Cerizay afin d’être transformée.
C’est la filiale France Design, le centre de style d’Heuliez, qui réalisera le boulot. Et quel beau boulot ! Aperçue dans la presse courant 1994, elle est présentée au Salon de Paris et fait chavirer les foules : sa ligne est superbe, équilibrée, sa teinte originale va bien avec son nom évocateur de grands voyages et d’espaces, et son luxe intérieur en jette. Comme ses sœurs Biturbo, elle dispose d’une transmission intégrale, et du V6 PRV revu et corrigé par Hartge développant 250 chevaux grâce à ses deux turbos.
Pour l’anecdote, Madame Calvet, femme du président de PSA Jacques Calvet, resta en arrêt devant la Long Cours, déclarant à son mari : « Jacques, c’est exactement la voiture qu’il nous faut, il faut absolument en commander une ». Le staff du boss de Peugeot dut expliquer à Madame qu’il ne s’agissait pas d’une production du groupe dirigé par son mari. Malgré ce succès d’estime, la Long Cours, ou du moins une Safrane break dérivée du concept, ne sera jamais produite en série. La faute sans doute au succès croissant des monospaces qui ringardisaient les break traditionnels. En outre, son design si racé n’offrait pas une si grande capacité à l’arrière.
Après ce salon de Paris 94, la Long Cours fut remisée dans la collection Heuliez, et on entendra plus jamais parler d’elle jusqu’en 2012. A cette époque, Heuliez, en grande difficulté financière, décida pour se renflouer de vendre ses bijoux de familles : 43 prototypes seront mis aux enchères par la célèbre maison de vente Artcurial, dirigée par Maître Poulain. A l’époque je n’avais pas plus d’argent que maintenant et c’est bien dommage car je me serais bien payer cette Long Cours. Estimée entre 30 et 50 000 euros, elle partira pour 22 636 euros, frais compris. Dommage pour moi, et bien heureux l’acquéreur de ce fabuleux bijou !