Renault 21 Turbo 4×4 Superproduction : du sport, rien que du sport
Il fut un temps où l’automobile n’était pas diabolisée et où les compétitions “mineures” rencontraient autant de succès que la Formule 1. À partir de la fin des années 70, un drôle de championnat se déroulant sur une dizaine de circuits français se mit en place, permettant à des voitures proches de la série (et le plus souvent des berlines) de s’affronter, réunissant quelques pointures ou des pilotes en devenir et offrant un spectacle de premier plan. Appelé Production puis Superproduction avant de devenir Supertourisme, ce championnat permit l’apparition d’un monstre qui rafla tout sur son passage : la Renault 21 Turbo 4×4 Superproduction.
C’était toute la force de ce championnat : à la manière du rallye, les voitures qui y concouraient restaient très proches visuellement de la série, permettant aux jeunes spectateurs d’imaginer leur père (voire eux-mêmes) sur ces circuits mythiques. Certes, la Peugeot 505 de Papa était un diesel, mais la 505 “Production”, elle, envoyait du steak. Les stickers “sponsors”, les spoilers ou les bas de caisse en moins, la 505 “de course” gardait sa ressemblance avec sa soeur de “route”.
Un nouveau championnat “proche” de la série
Lancé en 1976, le Championnat de France de Production était ardemment soutenu par Jean-Pierre Beltoise, bien connu des circuits de Formule 1, qui fit beaucoup pour sa promotion via notamment l’agence NOSCAR. Bien sûr, les débuts furent difficiles car il fallait convaincre les constructeurs de s’investir officiellement, mais au fur et à mesure des saisons et des affluences sur les circuits, les choses commencèrent à changer.
Car le succès de la série alla croissant : il faut dire que les courses étaient spectaculaires. Certes, les voitures n’étaient pas encore des monstres de puissance, mais de nombreux pilotes vinrent “s’amuser” avec ces grosses berlines transformées en bêtes de course, rendant chaque épreuve vivante et remplie de suspense ! Sur les pistes de France, des Ford Capri affrontaient des Rover SD1, des Audi 200 Quattro, des Alfa Romeo GTV, des BMW Série 3 (E21 puis E30), des Renault 5 Turbo et des Peugeot 505 donc.
La course à la puissance
Peu à peu, la course à la puissance s’engageait, les moteurs passant de moins de 200 chevaux au départ à désormais 300, voire 400. Il faut dire que les constructeurs, de plus en plus intéressés par ce Championnat “Production”, soutenaient de plus en plus les équipes, voire intervenaient officiellement. Ce fut le cas de Peugeot, avec la 505 Production, mais ce fut encore plus vrai pour Renault avec la Renault 21 Turbo 4×4 Superproduction.
En 1986, le constructeur au losange lança sa nouvelle berline, la Renault 21, vite rejointe en 1987 par une version sportive appelée 21 2 litres Turbo. À cette époque, disposer d’une version sportive dans sa gamme de berlines n’était pas du tout incongru : tous les amateurs de sport n’étaient pas célibataires, et il fallait pouvoir proposer des voitures viriles, y compris dans cette catégorie, à même de transporter aussi les enfants. Avec 175 chevaux sous le capot, on en avait sous le pied. Il fallait vite convaincre car la concurrence s’affûtait : la Peugeot 405 était sur les starting blocks, tout comme sa déclinaison “sport”, la Mi16.
Renault s’engage pour la victoire
Pour promouvoir sa berline sportive, Renault n’avait pas 36 solutions : le rallye imposait beaucoup d’investissements, les réglements étaient à l’époque sur le point de changer, et l’ennemi Peugeot trustait les victoires avec sa petite 205 Turbo 16. Il fallait donc trouver une autre solution et c’est en Production que la 21 Turbo allait pouvoir prouver ses qualités. Renault s’engageait alors pour la saison 1988 dans le championnat tout juste devenu “Superproduction” tant les voitures étaient désormais évoluées par rapport à la série, avec deux voitures : l’une aux mains de Jean Ragnotti, l’autre confiée aux bons soins de Jean-Louis Bousquet. En parallèle, la marque lançait un championnat monotype appelé Europa Cup.
Pour concevoir la Superproduction, on fit appel à la Sodemo pour préparer le 2 litres Turbo. Des 175 chevaux d’origine, on passa à 430 chevaux (voire 480 chevaux en fin de saison). Le moteur fut largement revu : Turbo Garrett T4, pistons forgés, bielles en titane et autres petites gourmandises. Le châssis était en partie tubulaire tandis que pour passer la puissance aux roues, on optait pour la transmission intégrale, le fameux système Quadra que l’on retrouvera sur la gamme 21 et sur l’Espace, mais aussi des trains avant spécifiques (et un arbre de transmission en carbone). Au total, la voiture ne pesait que 1 220 kilos.
Ragnotti et Bousquet raflent tout
À peine arrivées dans le championnat, les Renault 21 Turbo 4×4 s’éclatèrent (au bon sens du terme) : surclassant les BMW M3 ou les Mercedes 2.5-16, sans parler des vieillissantes 505, la 21 de Ragnotti s’offrit 3 victoires, comme à la parade, sans compter Jean-Louis Bousquet souvent pas loin derrière Ragnotti, et régulièrement en pole position, qui, lui, glana 3 autres victoires, sur les 10 courses du championnat. De quoi dégoûter les adversaires. Aux points, ce fut Ragnotti qui coiffa la couronne, mais Bousquet n’était pas loin ! Une démonstration de force, d’autant que le projet n’avait été lancé qu’en octobre 1987, pour une première course en mars 1988.
Pour 1989, le championnat devint Supertourisme, et Renault cessa son implication directe. Dommage car la voiture aurait pu continuer à truster les podiums, d’autant que dès 1988, Peugeot avait engagé sa 405 Grand Raid au Paris Dakar, s’offrant le titre mais aussi la faveur des journalistes plus “grand public”. Reste aujourd’hui que la 21 Turbo 4×4 Superproduction a fait beaucoup pour l’image de la 21 2 litres Turbo, notamment auprès des spécialistes qui généralement préfèrent la sportive au losange à celle du Lion pourtant plus diffusée.