C’est entendu, la Peugeot 205 GTi est définitivement une star et sa cote a littéralement flambé depuis dix ans, au point de rendre les plus beaux exemplaires inaccessibles à bien des collectionneurs – et les polémiques à ce sujet ne sont pas rares. Tout comme l’auto elle-même, d’ailleurs, qui a certes été fréquemment maltraitée par les amateurs de tuning, mais dont la brillante carrière commerciale garantit cependant une disponibilité appréciable du modèle à ceux qui recherchent un exemplaire full stock, soigneusement préservé ou restauré dans les règles de l’art. Reste à se poser la question du choix, car il n’existe pas une seule mais plusieurs 205 GTi – chacune avec ses particularismes, correspondant à autant de typages bien plus différents qu’on pourrait le croire a priori. Suivez le guide…
Les Peugeot peuvent aussi séduire
En passant de la 104 à la 205, Peugeot a indéniablement changé d’époque, l’apparition du « Sacré Numéro », en février 1983, allant bien plus loin qu’un simple renouvellement. La 104, bonne voiture au demeurant, était avant tout une Sochalienne bon teint, dissimulant de grandes qualités de fond sous une apparence excessivement luthérienne et il suffit de comparer ses performances commerciales avec celles de la Renault 5 – présentée elle aussi en 1972 – pour comprendre à quel point le design a compté dans la destinée de ces deux modèles. Par surcroît, le projet M24, qui va aboutir à la 205, est d’autant plus vital pour une marque dont la situation financière n’a cessé de se dégrader depuis la fin des années 70, jusqu’à constituer une menace existentielle pour l’ensemble du groupe PSA. Le Lion n’a donc absolument pas le droit de se louper et va opérer, dans la conception de sa nouvelle citadine, une véritable révolution culturelle en s’astreignant enfin à séduire – et plus seulement à convaincre – en entrée de gamme. Le résultat s’avère largement à la hauteur des enjeux et la 205, très joliment dessinée par Gérard Godfroy sous la férule de Gérard Welter, mais qui reprend pour l’essentiel les composants de sa devancière, va très vite connaître un très grand succès, s’appuyant dès l’abord sur une gamme déjà complète et qui ne cessera de se diversifier !
Une locomotive nommée GTi
En observant attentivement l’évolution du segment des petites voitures européennes tout au long de la décennie 70, les dirigeants de Peugeot ont compris la pertinence des dérivés sportifs à ce niveau de gamme – voire de l’engagement en compétition –, au premier rang desquels trône avec insolence une certaine VW Golf, dont la variante GTI s’est muée en véritable phénomène de société et qui a entraîné dans son sillage bon nombre de constructeurs généralistes soucieux de dynamiser leur image. Chez Peugeot, tant l’austérité quasiment pathologique de la firme que les limites du moteur « X » ont hélas freiné les ambitions de la 104 à cet égard, les ZS de série n’ayant jamais pu dépasser les 80 ch – la rarissime ZS 2 ne devant être considérée que comme un sympathique épiphénomène… Avec la 205 toutefois, ce n’est plus la même limonade, comme la Turbo 16 et la GTi vont brillamment se charger de le démontrer. Dévoilée en février 1984, la 205 ainsi gréée ne se contente pas de s’approprier sans vergogne les trois lettres magiques popularisées par Wolfsburg ; la fiche technique de l’engin s’avère extrêmement séduisante, en dépit d’une puissance nominale en léger retrait par rapport à la Golf. La toute première GTi franc-comtoise dispose d’un moteur moderne alimenté par une injection Bosch L-Jetronic – il s’agit du groupe XU inauguré dans sa version Diesel par la Talbot Horizon en 1982 –, entièrement en alu, à arbre à cames en tête et, surtout, fort d’une cylindrée inaccessible au groupe « X ». Les 1580 cm3 de l’ensemble délivrent une puissance maximale de 105 ch à 6250 tours/minute tandis que le couple s’élève à 134 Nm dans les meilleures conditions. Les chronos sont à l’avenant : pour sa dernière-née, Sochaux revendique 190 km/h en pointe, 31 secondes au kilomètre départ arrêté et le 0 à 100 en 9,5 secondes.
Une vraie voiture de sport
Loin des pudeurs rigoristes de la 104 ZS, la 205 GTi s’approprie sans ambages tous les codes esthétiques de sa catégorie : jantes alu de série – au design très proches de celles de la Turbo 16 – montées sur des pneus de 185, projecteurs longue portée, spoiler avant, becquet de hayon, et des élargisseurs d’ailes dont la fonction n’est pas seulement décorative : les voies sont plus larges que dans les 205 « civiles ». Par-dessus le marché, le train avant est très différent de celui des autres 205 : c’est à ce moment que les ingénieurs Peugeot commencent d’acquérir une solide réputation dans le domaine des liaisons au sol et, en l’espèce, l’enveloppe budgétaire allouée par les responsables du projet leur a permis de pousser la plaisanterie assez loin, avec une triangulation qui fait toute la différence. La presse spécialisée est immédiatement conquise : lors de son premier essai de l’auto pour l’Auto-Journal, le 1er mars 1984, André Costa est à ce point séduit qu’il conclut son article par cette formule iconoclaste : « Oserai-je écrire que, sur certains itinéraires de ma connaissance, abondamment tortueux bien entendu, je ne me chargerais pas, de nuit et sous la pluie, d’aller aussi vite avec la Porsche 911 Carrera qu’avec la petite 205 GTi ? ». Pas plus performante qu’une Golf II du même acabit – dont la mécanique demeure globalement plus convaincante, notamment en matière de souplesse –, la petite Sochalienne réjouit surtout les amateurs de pilotage par une agilité proprement diabolique. Avec elle, c’en est fini de la réprobation des puristes à l’égard des tractions ; non seulement la Peugeot a banni le sous-virage de son vocabulaire mais, en plus, l’auto sait se montrer survireuse à la demande, le moindre lever de pied en appui aboutissant à une dérobade aussi franche qu’immédiate du train arrière !
La GTi des puristes
Évidemment, compte tenu des options retenues par les metteurs au point de Sochaux, il faut un minimum de métier pour maîtriser la voiture et en tirer la quintessence, même si la GTi va, comme on pouvait s’y attendre, attirer bon nombre de frimeurs professionnels plus soucieux de promotion sociale que doués pour le contrebraquage. Dans l’ensemble cependant, l’objectif de départ est atteint : l’image de Peugeot s’en trouve grandement dépoussiérée et la firme va prendre un soin particulier de la 205 sommitale, qui connaîtra plusieurs évolutions significatives au fil des ans – ce qui place les collectionneurs d’aujourd’hui devant un dilemme : laquelle choisir ? Fondamentalement, il existe deux familles de GTi : les modèles à moteur 1,6 litre sont les plus répandus ; ils ont existé en trois variantes (la 105 ch des origines, la 115 ch présentée en mars 1986, auxquelles s’ajoute la plus rare de toutes, c’est-à-dire la version poussée à 125 ch par la grâce d’un kit mis au point chez PTS (Peugeot Talbot Sport) et commercialisé dans le réseau à partir de février 1985). Ces voitures sont aussi considérées comme les plus « pures » – en particulier celles du millésime 1984, que l’on reconnaît au lettrage « GTi » sur le volant et au pommeau du levier de vitesses, qui évolueront dès l’année-modèle suivante. Dans une optique « collection », certaines insuffisances – comme la présence de freins à tambours à l’arrière –, dénoncées en leur temps, n’ont plus d’importance aujourd’hui. Ces autos ont le charme de leur âge et des 205 de première série ; c’est parmi elles que l’on trouve les versions les plus recherchées.
La meilleure, c’est celle que vous aimez
C’est à la fin de 1986 qu’apparaît la 205 GTi du deuxième type, sous la forme de la 1,9 litre que l’on repère immédiatement à ses jantes de 15 pouces dont le design sera repris sur d’autres Peugeot, à commencer par la 309, semblablement motorisée par le 1905 cm3 de 130 ch qui confère à la 205 des performances d’un tout autre niveau que la 1.6 : l’auto roule à 206 km/h et passe sous la barre des 30 secondes sur le 1000 mètres départ arrêté – des valeurs qui suscitent le respect et repositionnent la petite Lionne face à sa rivale de toujours, la Supercinq GT Turbo. Les deux GTi poursuivront leur route de concert jusqu’à la disparition de la 1.6 en 1992 et sans évolution mécanique significative, hormis le passage au catalyseur qui, à partir de juillet 1992, ramènera la puissance du XU9 JA/K à 122 ch. Après le léger restylage intervenu pour 1988, c’est la luxueuse série spéciale GTi Griffe, basée sur la 1.9, lancée en octobre 1990 et à la présentation particulièrement soignée (sellerie en cuir gris à passepoils verts, volant cuir, jantes gris anthracite, peinture métallisée exclusive vert Fluorite) qui, de nos jours, retient spécialement l’attention des amateurs. Les 1,9 litre « classiques » ne déméritent pas ; elles sont sans doute les plus adaptées à un usage courant, car pouvant bénéficier d’une direction assistée optionnelle (malheureusement assez rare) dont le surcroît d’agrément n’est pas niable, et équipées des freins arrière à disques réclamés à cor et à cri depuis l’apparition du modèle. Reste l’épineuse question du prix : à titre de point de repère, CarJager a récemment vendu une très belle GTi 1.9 de 1989 au prix de 26 000 euros, ce qui est encore loin des résultats de certaines ventes aux enchères… Quelle que soit votre préférée, nos car specialists se tiennent à votre disposition si vous en cherchez une !
Texte : Nicolas Fourny