Partager cet article
Peugeot 505 V6 : berline pour initiés
Paul Clément-Collin - 29 juil. 2022En ce milieu des années 80, la 505 se retrouve dans une drôle de position dans la gamme Peugeot. Trop grande pour être classée parmi les berlines intermédiaires, pas assez statutaire pour grimper dans le segment supérieur, elle doit pourtant assurer la place de Peugeot en attendant mieux malgré le poids des ans. Honnête voiture dans la tradition de Sochaux, elle sait se montrer sportive et rageuse grâce au turbo mais manque d’une version haut de gamme capable d’occuper le terrain. Pour y remédier, Peugeot va placer sous le capot de la 505 une toute nouvelle version du PRV et offrir à “ceux qui savent” (comme le dit la publicité) la douce puissance du V6 français.
C’est en 1979 qu’apparaît notre fameuse 505. Il s’agit pour Peugeot, dans la plus pure tradition des berlines sérieuses qui la caractérise, de remplacer la 504 entre la 305 de moyenne gamme et la 604 de haut de gamme. Ainsi, avec quatre voitures au catalogue (en comptant la 104), la marque couvre un spectre suffisamment large pour compléter Citroën (plus fournie en bas de gamme avec la LNA et la Visa — et bientôt l’Axel — aux côtés de la GSA et de la CX) et la nouvelle marque Talbot (ex-Simca depuis octobre avec l’Horizon, les 1510 et bientôt les Solara, puis aussi la Tagora, ainsi que la petite Samba). En 1985, les choses ont bien changé.
Une situation post-traumatique
D’abord, Peugeot a bien failli disparaître en absorbant au mauvais moment les marques de Chrysler Europe (Rootes, Barreiros et Simca) rebaptisées Talbot dans un souci d’unification. Malgré des produits intéressants, et notamment une puissante Tagora SX, la jeune marque fait doublon avec Peugeot et Citroën tandis que l’usine de Poissy subit grève sur grève. Le nouveau patron du groupe PSA, Jacques Calvet, n’y va pas par quatre chemins, décidant la mort de Talbot pour mieux sauver les meubles. Côté produits, Citroën relance la machine en 1982 avec une convaincante BX tandis que Peugeot, un an plus tard, touche le jackpot grâce à un sacré numéro, la 205. Si le train est remis sur les rails, tout n’est pas encore rose.
La 305 vieillit et peine à convaincre face à sa petite cousine BX : son remplacement est prévu par une 405 qui n’est pas encore prête (elle sortira en 1987). La 604, elle, est purement et simplement arrêtée après une carrière en demi-teinte. Ne reste de valable en haut de la gamme que la méritante 505 qui, malgré le temps qui passe, reste une proposition alléchante pour ceux qui aiment les valeurs sûres et la propulsion. C’est en effet le dernier modèle du Lion à ne pas avoir succombé à la traction. Cette architecture plus sportive a déjà donné des idées aux ingénieurs et “marketeurs” de chez Peugeot. Dès 1982, le 2,2 litres Simca/Talbot est placé sous le capot de la 505 qui, grâce à Porsche (les relations entre les deux marques ayant pris une tournure plus amicale malgré l’épisode 901/911) et à un turbo, passe à 150 chevaux. La 505 Turbo Injection devient une alternative intéressante face aux Allemandes. En 1984, cette dernière passe à 160 chevaux (voire même 200 grâce à un kit Danielson) et récupère une petite sœur, la GTI, de 130 chevaux.
La 505 pour assurer la transition
Oui mais voilà, avec ses airs de sportive en survêtement, la 505 Turbo Injection n’a pas la classe attendue. La disparition de la 604 laisse un grand vide et la 605 n’est encore qu’un projet au long cours, prévu pour 1990. Il va falloir tenir la baraque pendant cinq longues années. D’autant que le PRV, fabriqué par la filiale commune avec Renault, la Française de Mécanique, ne trouve plus sa place que sous le capot de la Renault 25 qui, elle, truste le haut des charts depuis 1984, ainsi que sous celui, arrière, des Alpine V6 GT et Turbo. Hors de question de laisser le Losange seul avec ce moteur, enfin agréable grâce à ses manetons décalés. Pour assurer l’intérim, la 505 va donc récupérer malgré elle le rôle de vaisseau amiral en septembre 1986 avec le V6 de 2 849 cc à 12 soupapes développant tout de même 170 chevaux.
Dès lors, les rôles sont répartis : à la Turbo injection la clientèle sportive (elle passe d’ailleurs à 180 chevaux de série), à la V6 celle du prestige. En fait, elle prend la relève de la 604 STI/GTI disparue. Certes, elle n’a pas la fougue de sa sœur Turbo, mais elle gagne en confort tout en restant performante : elle atteint les 205 km/h tout de même. Avec 1 333 kg sur la bascule, elle est certes lourde (pour l’époque, aujourd’hui, un tel poids ferait rêver) mais de toute façon, on ne lui demande pas d’arsouiller et c’est tant mieux d’ailleurs, car son ABS oblige à se passer de différentiel à glissement limité.
Le luxe et la puissance en toute discrétion
A l’intérieur, la politique Mercedes semble avoir été appliquée à Sochaux. La planche de bord dessinée par Paul Bracq fait cossu, et l’essentiel est là. Pour autant, ce n’est toujours pas le grand luxe et il faut piocher dans le catalogue d’options pour arriver au standing attendu d’une telle voiture : intérieur cuir, toit ouvrant, tout se paye au prix fort et s’ajoute à une note déjà salée. La note justement, parlons en : 149 800 francs à son lancement, tout comme la Turbo Injection, puis 156 800 francs. A cela s’ajoute une vignette de 15 CV fiscaux (5 de plus que la Turbo).
Tout cela pour passer relativement inaperçu malgré le gros logo V6 à l’arrière, les jantes alu et le discret becquet ! Une vraie voiture d’initiés, un sleeper comme on dirait aujourd’hui. Les ambitions de Peugeot sont de toute façon modestes : occuper le terrain le temps que la 405 s’installe sur son marché ; tester le nouveau V6 et son implantation pour la future 605 qui se prépare en secret (et dont le PRV 12 soupapes, de 170 chevaux lui aussi, passera à 3 litres ; une version 24 soupapes viendra compléter la gamme). D’ailleurs, seuls 10 000 exemplaires environ sortiront de l’usine entre 1986 et 1989, faisant de la 505 V6 un véritable collector. Quelques exemplaires seront aussi vendus aux Etats-Unis, ces derniers faisant figure de raretés parmi les raretés.
Une V6 américaine (récupérant le sigle STX) !Car oui, en vérité je vous le dis, la 505 V6 rassemble toutes les qualités requises pour la collection : ancienneté, rareté, multicylindrée, propulsion, luxe (relatif), elle a tout pour elle, et de façon discrète. Alors que tant d’amateurs et collectionneurs se ruent sur les évidences du marché (205 GTI en tête), il est temps de s’intéresser à autre chose qu’aux petites bombinettes de cette époque. La 505 V6 est une voiture de connaisseur, héritière de la tradition Peugeot, performante et fiable. Laissez-vous tenter !