Mercedes SL W113 : Pagode mon amour !
D’une certaine manière, la 300 SL et sa “soeur” 190 SL sont apparues dans la gamme Mercedes un peu par hasard, grâce notamment à l’insistance de l’importateur américain Max Hoffman. Pour remplacer ce duo, Daimler-Benz allait réfléchir de façon stratégique pour proposer un modèle “universel” capable de séduire tant les Américains que les Européens tout en présentant une plastique beaucoup plus moderne. Adieu les rondeurs très typées “fifties”, place à un style plus anguleux et à un hard top au dessin caractéristique qui lui vaudra le surnom de Pagode. Retour sur la Mercedes SL (nom de code W113).
Retour dans les années 50 : la Mercedes 300 SL de compétition (W194) impressionne tant l’importateur de la marque aux USA, Max Hoffman, qu’il met tout son poids dans la balance pour en obtenir une version routière destinée au marché américain. Ainsi naît la 300 SL (W198), présentée à New York en 1954. Mais il s’agit quasiment d’une voiture de course inaccessible pour toute une frange de la clientèle. Aussi lui crée-t-on une “soeur” plus accessible lui ressemblant pourtant, la 190 SL (W121 BII) : un joli cabriolet tout à fait adapté à l’Amérique, mais bien moins performant.
Préparer la relève !
Pour la seconde génération, on décide donc de moins laisser de place au hasard et à l’urgence et de réussir une synthèse pouvant tant remplacer l’une, la 300 SL, par ses performances que l’autre, la 190 SL, par sa capacité à séduire l’Amérique tout en restant “abordable” (tout est relatif bien sûr). Déjà, l’ingénieur Fritz Nallinger avait tenté en 1957 de créer un modèle faisant la synthèse avec le projet W127 (une sorte de 190 SL, mais dotée d’un 6 cylindres) sans concrétiser le projet. La naissance de la nouvelle berline W111 (fintail) en 1959 sera donc l’occasion de concevoir une toute nouvelle voiture sur la base de son châssis moderne (mais raccourci).
Pour ce nouveau projet récupérant le nom de code W113, toute l’équipe de développement, sous la houlette de Nallinger se met au travail. On trouve l’ingénieur Rudolf Uhlenhaut, le chef du style Freidrich Geiger, mais aussi les stylistes Paul Bracq (pour le dessin général de la voiture) et Béla Barényi (pour la réalisation du fameux hard-top). Parlons du style justement, l’occasion d’être un petit peu chauvin. Alors que les précédentes SL approchaient de la perfection stylistique, la petite équipe ose sortir des sentiers battus : pas question ici de faire évoluer le dessin précédent pour le remettre au goût du jour. La décision est prise de partir d’une feuille blanche et Paul Bracq réalise une voiture totalement nouvelle, tout en conservant un air de famille avec la berline dont elle dérive, la W111. Basse et plate, elle s’offre un regard particulièrement expressif avec ses phares tout en verticalité. Avec son hard-top, elle offre espace intérieur et visibilité tout en lui assurant son originalité.
Une Pagode élégante et moderne
La “Pagode” s’avère être, dans le dessin, d’une modernité bienvenue dans les années 60, mais recèle aussi une modernité plus “cachée”. Car il ne suffit pas d’être belle pour séduire les Américains, il faut aussi être sécurisante. La SL W113 masque sous son élégante robe une cellule passager rigide et des zones de déformation. À son lancement en juin 1963, elle n’est disponible qu’en une seule motorisation sous le nom de 230 SL. Sous le capot, on trouve donc un 6 cylindres en ligne de 2,3 litres développant 150 chevaux grâce à une injection mécanique Bosch. Elle est disponible en boîte manuelle 4 vitesses (5 vitesses en option à partir de 1966) ou en automatique 4 vitesses (marché américain oblige). Rapidement, la voiture rencontre son public et sera fabriquée jusqu’en janvier 1967 à 19 831 exemplaires, près d’un quart de la production partant pour l’Amérique.
À la fin de l’année 1966, Mercedes présente une évolution de la 230 SL, dotée d’un 6 en ligne réalésé à 2,5 litres, d’où son nom, 250 SL. Il s’agit alors surtout de proposer plus de couple car la 250 SL conserve le même niveau de puissance de 150 chevaux. Un différentiel à glissement limité est aussi proposé en option tandis que la transmission passe par une boîte manuelle à 4 ou 5 vitesses ou une boîte automatique 4 vitesses. Mais cette version n’est que temporaire : elle ne restera en production qu’un an à peine, jusqu’en janvier 1968, à hauteur de 5 196 exemplaires, cédant sa place au nouveau modèle, la 280 SL.
De plus en plus puissante, mais de plus en plus bourgeoise
Cette dernière place la barre encore un peu plus haut. Présentée en novembre 1967, elle propose désormais un moteur de 2,8 litres développant 170 chevaux. Avec cette puissance respectable, la 280 SL peut enfin prétendre remplacer “un peu” la 300 SL de 1954 ! Pas tout à fait cependant, Mercedes ayant clairement fait le choix avec la W113 de s’embourgeoiser et de tourner un peu plus le dos au sport pour devenir une Grand Tourisme, dans la philosophie de la 190 SL. Désormais, on privilégie le style, le confort et la sécurité au détriment de la performance pure : une stratégie qui se vérifiera à chaque nouvelle génération de SL.
La 280 SL restera en production jusqu’en 1971, date à laquelle la série R107 (puis C107 quelques mois plus tard) prendra la relève. Au total, 23 885 exemplaires sortiront des chaînes, dont près de la moitié traverseront l’Atlantique. On peut dire que c’est ce dernier modèle qui envahira le plus l’Amérique. Au total, la production de la W113 représentera près du double de celle de la W121 BII ! Autant dire qu’aujourd’hui une SL “Pagode” n’est pas rare, mais cela ne l’empêche pas d’être particulièrement recherchée par les collectionneurs. Elégante et racée, plutôt confortable, sécurisante et parfois performante (surtout en 280 SL), elle est en plus particulièrement représentative des années 60, avec toute la puissance nostalgique que cela apporte. Dans le même style, on trouvait en France Facel-Vega et sa Facellia (puis la Facel III), mais en beaucoup moins fiable et dotée seulement d’un 4 cylindres.
Comme tout ce qui est recherché, la cote s’en ressent et il est loin le temps où une SL “Pagode” se trouvait à pas cher. C’est cependant un investissement plaisir d’un côté et sans beaucoup de risques de l’autre. Alors pourquoi ne pas se laisser tenter par le charme des sixties, le R107 lui succédant étant, lui, très (trop ?) marqué années 70.