Lotus-2-Eleven : une voiture de dingue
Avec son poids plume, son moteur central, sans toit ni pare-brise, entièrement dédiée à la piste (bien que parfois homologuée route), la Lotus-2-Eleven est une dinguerie. Comment peut-on croire un seul moment au succès d’un tel modèle, à moins d’être un constructeur anglais ? Comme si l’Elise ou l’Exige d’alors ne suffisaient pas, la petite firme, alors propriété du constructeur malaisien Proton, n’hésite pas à proposer un modèle encore plus fort, encore plus radical (à défaut d’être plus joli) avec cette 2-Eleven lancée en 2007.
On aurait pu croire que le rachat de Lotus en catastrophe auprès d’un Romano Artioli alors en pleine déconfiture en 1995 avec Bugatti n’aurait donné qu’un peu de sursis à Lotus avant une faillite retentissante. Le nouveau propriétaire, l’obscur constructeur malaisien Proton, dont la production d’alors dérivait essentiellement de la gamme Mitsubishi et qui proposait en entrée de gamme une simple Citroën AX adaptée aux conditions locales, la Tiara, semblait un bien étrange candidat au rachat. Pourtant, un petit miracle allait se produire. D’une part, Proton amenait un peu d’argent frais généreusement octroyé par le gouvernement malaisien (l’entreprise était nationalisée) et par le producteur pétrolier Petronas. D’autre part, se trouvait dans les cartons un projet incroyable développé sous l’ère Artioli (et portant le prénom de sa petite-fille) : l’Elise.
Le succès de l’Elise change la donne
Grâce à l’argent de Proton, l’Elise entra en production. Le succès fut au rendez-vous, et Lotus put initier un cercle vertueux : élargir sa gamme avec une Exige encore plus sportive (un succès) puis une Europa censée être plus bourgeoise (un échec), élaborer une nouvelle version de l’Elise, la S2, et enfin développer des projets fous comme seuls les Anglais en ont l’idée : la 2-Eleven. Certes, le potentiel de cette dernière semblait réduit mais ce projet ne demandait pas beaucoup d’investissements tout en satisfaisant une clientèle dingue de circuit, de pilotage et du fameux adage de Colin Chapman, “light is right”.
Pour réaliser ce projet, Lotus va tout bêtement rassembler la structure en aluminium de l’Elise, les trains roulants de l’Exige, et le fameux 4 cylindres 2ZZ-GE issu de l’Exige S et en provenance de chez Toyota (255 chevaux). Côté carrosserie, l’air de famille est là mais la 2-Eleven ne ressemble à rien. Il y a assurément une parenté conceptuelle avec le Spider Renault de la fin des années 90, mais avec bien plus de watts et une volonté extrême d’en faire une bête de circuit. Certes, quelques exemplaires seront homologués pour la route, essentiellement en Grande-Bretagne, selon le principe cher aux Anglais de pouvoir aller de chez soi au circuit avec sa monture mais, en réalité, cette 2-Eleven n’a pas d’autres ambitions que de taquiner de l’asphalte bien lisse et pas un vulgaire bitume partagé avec n’importe quelle Renault Clio.
Une Lotus radicale respectant le light is right
Elle n’est pas vraiment belle, la 2-Eleven. Elle n’est pas moche non plus, mais n’a pas un physique facile comme dirait, c’est cela oui, Monsieur Mortez. Avec ses arceaux qui dépassent, on la sent prête à bondir plus qu’à défiler dans un concours d’élégance mais, à vrai dire, peu importe tant la voiture distille du plaisir pur dès lors que la piste est à vous. Bondissant de virage en virage, il sera difficile d’aller chercher les limites d’une voiture aussi efficace, prouvant une fois encore que 255 chevaux suffisent largement pour se faire plaisir. Enfin, ne cherchez pas de confort tant l’intérieur est minimaliste : de toute façon, elle n’est pas vraiment faite pour les longues distances et, si vous cherchez une voiture polyvalente, concentrez vos recherches sur une Elise, ou même une Alpine A110 de nouvelle génération.
Exclusive et rare
Produite pendant à peine trois années (à partir de fin 2006), la Lotus 2-Eleven est rare, mais n’est pas un échec commercial, loin de là. Entre 250 et 300 exemplaires ont été produits (le chiffre exact n’est pas connu), essentiellement en conduite à droite à destination de l’Angleterre ou du Japon (seuls pays à l’homologuer pour la route, d’ailleurs). Quelques voitures en conduite à gauche existent mais, pour une utilisation sur circuit, peu vous importera le côté du volant, non ? Voiture de passionné, on en trouve cependant un peu partout en Europe : son utilisation sur circuit n’oblige pas à une homologation et c’est tant mieux.
En tout cas, si vous avez le budget et que le circuit vous tente plus que la balade, la 2-Eleven est faite pour vous. Radicale, inconfortable et tellement attachante, elle n’est pas si chère à l’achat mais oblige à bien d’autres frais : entretien de spécialiste, garage pour la stocker, remorque ou plateau pour l’emmener sur les circuits de France et de Navarre. Bref, un joujou extra, qui fait crac boum hue, mais qui n’est pas à la portée de tout le monde (sans parler des exigences requises en termes de pilotage). Sachez que depuis 2015, Lotus produit une 3-Eleven dont nous reparlerons.