CLASSICS
CABRIOLET
ITALIENNE

L’Alfa Romeo Spider Duetto 1750 de Léon : une “love affair” de famille

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 04/02/2019

L’Alfa Romeo Spider (dite Duetto) est une voiture qui aura accompagné pas mal d’amateurs d’automobiles : normal, avec presque trente années de production, elle aura eu le temps de séduire ou de diviser au rythme de ses restylages, de ses arrières longs (“coda longa”) ou courts (“coda tronca”). Avec le Duetto, plus connu (lorsqu’il est longa) sous le nom d’os de seiche, le spectre va des années 60, de la dolce vita fellinienne à Simon & Garfunkel, Mrs Robinson et Dustin Hoffman, aux années 80 (voire début des années 90), Sabrina, Finzi Contini, Ryan Paris et la pop italienne de l’époque. Léon n’a pas échappé au fléau : le voilà tatoué au trèfle à cause d’une Duetto achetée par ses parents !

“Cette Alfa est dans la famille depuis 1980, cadeau de fiançailles de mon père à ma mère. A l’époque ça devait faire presque radin quand on sait qu’elles s’échangeaient 3 000 francs (aujourd’hui, comptez plutôt 50 000 euros). Mon père avait à ce moment-là un Spider « coda tronca », la 2e série du modèle, aussi en 1750 et à l’arrivée de ma sœur ainée, ils ont dû troquer un cabriolet pour une Golf MK1. En en 1983, une Coda Tronca cote davantage qu’une coda longa, alors démodée. C’est décidé, la Coda Tronca financera la Golf familiale et on garde la vieille « longa » : mon père triste de se séparer de son Spider chéri, ma mère ravie de garder celle dont elle préfère la ligne. Elle a eu du nez, il faut parfois en automobile écouter les femmes”.

Voilà comment une simple “occasion” rentre dans une famille, pour finir par ne plus jamais la quitter et marquer un petit garçon, Léon, au fer rouge, un trèfle sur la fesse.

Un trèfle sur la fesse

“Deux à trois fois par an, nous sortions cette voiture qui était stockée sous un auvent en bois à côté de la maison. Puis, chassée par une voiture hippomobile (l’attelage étant une passion de mon père), elle s’est retrouvée dans un parking de la ville la plus proche, à 5 km de là. C’est à cette période, alors que je n’ai que douze ans, que je deviens presque obsessionnel avec l’Alfa. Oui, on l’appelle « L »Alfa » dans la famille, encore aujourd’hui. Je tanne mon père pour que régulièrement nous allions la faire tourner, un rituel s’instaure : nous prenons les câbles de batteries, on monte dans la BMW E34, on manoeuvre dans l’entrée du parking presque trop étroit pour une R4 et on met l’allemande et l’italienne nez-à-nez. Généralement, et comme par miracle il fallait à peine 5 minutes pour qu’elle démarre dans son bruit rauque alors qu’on la réveillait seulement 2 ou 3 fois par an”.

Du rituel familial à l’amour de la bagnole, il n’y a qu’un pas rapidement franchi par Léon, qui piaffe d’impatience de conduire SON Alfa… Mais être propriétaire d’une telle voiture n’est pas anodin : il faut bien sûr le permis, mais aussi “investir” pour faire durer, des dépenses imprévues qui obligent parfois à naviguer en eaux troubles, entre choix cornéliens et garagistes peu scrupuleux.

“Ca y est, j’ai 18 ans. Et, aussitôt, j’ai le permis. Lors d’un déjeuner un samedi à la campagne, mes parents m’annoncent que pour mes 18 ans, il sont OK pour remettre en route l’Alfa qui après plusieurs années sans trop de gros entretien (vidanges/bougies/filtres seulement) a besoin d’un update. Direction un garage de Colombes dont je tairais le nom, pour lui redonner une petite jeunesse. Seulement, il y a plus qu’à faire qu’un bon check. On fait le minimum pour la sécurité, on verra pour la suite. Je me rappelle ce jour où je suis allé la chercher, au printemps, j’arrive en RER, je repars en Alfa après tant d’années d’espérance et de rêve. Je parcours Paris, je vais chercher des amis qui sont encore à l’école avec, bref je conduis à Bout de Souffle ! Ou comme dans le Lauréat « Benjamin, what are you doing all nights out? » « Mum, I just keep driving, I drive all night long ». Mais les premiers rappels à l’ordre d’une auto qui mérite + qu’un gros entretien s’annoncent : radiateur qui fuit puis tête de biellette d’accélérateur qui casse puis embrayage mal réglé… Autant de déconvenues qui me forcent à retourner dans ce garage peu scrupuleux de Colombes. Qu’importe pourvu qu’on est l’ivresse du Bialbero !”

Paris-Biarritz sous le cagnard

A l’évocation de cette Alfa, Léon ne cesse de parler, livrant les souvenirs un à un :

“C’est l’été, le premier été de mes 18 ans. Je demande à mes parents si je peux prendre l’Alfa pour l’été. Directement, j’ai un « Oui ». Je leur suis reconnaissant de ce « oui » mais quelle inconscience quand j’y pense, donner cette auto qui a alors 36 ans quand j’ai 6 mois de permis, qui n’est pas « full checkée », que ma petite amie de l’époque a 16 ans. Nous voilà partis Paris-Biarritz à 6h00 du matin, à la fraîche, merveilleux ! Des pointes à 180 « compteur », des freinages un peu brutaux, la rocade de Bordeaux embouteillées avec 32° au mercure. J’avais mis de la crème solaire partout sur les bras mais mon tee-shirt est remonté sur les épaules et deux énormes cloques sont apparues après 10 de routes sous le cagnard”.

“Par la suite, j’ai utilisé l’auto très régulièrement l’Alfa, pour partir en week-end ou en vacances, été comme hiver, en lui offrant bien sûr une restauration digne de ce nom. Des moments magiques de bonheur, de frayeur, de sorties de route régulières sans jamais vraiment abîmer l’auto. L’Alfa est la seule auto que je garde quoi qu’il arrive, pour laquelle j’ai une affection particulière. En fait, je suis amoureux de cette ligne, dernier dessin de Pininfarina « himself », de son moteur brillant, de sa facilité d’utilisation, de sa légèreté de conduite. Elle m’a donné le virus Alfa et j’ai eu depuis 2 coupés Bertone 1750 et une Giulietta Spider, mais j’ai pour elle “la tendresse du premier amour et la pure affection d’un enfant pour sa mère”.

Vous le voyez, mettre le pied dans une Alfa n’est pas une affaire anodine : sachez qu’une Alfa Romeo Spider n’est plus une aussi bonne affaire aujourd’hui qu’au début des années 80 où, comme les Citroën DS, elles végétaient en occasion. Mais avouez que l’investissement pourrait valoir le coup, ne serait-ce que pour rendre vos enfants accros à la bagnole.

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