Dans la longue histoire des « petites » berlinettes Ferrari à moteur central, commencée officieusement avec la Dino 206 en 1967, la 296 incarne indéniablement une rupture, certes invisible pour le profane mais qui saute aux yeux du connaisseur dès qu’il prend connaissance de la fiche technique de l’engin. Première Ferrari « officielle » à moteur six-cylindres, mettant un terme à plus de quatre décennies de modèles V8, l’auto est par surcroît hybridée – pas une première à Maranello, mais en tout cas une solution inédite à ce niveau de gamme, qui démontre la vitalité de la marque et sa volonté de ne rien céder sur le front de l’innovation et des pressions inouïes qui s’exercent à l’encontre de l’industrie automobile, en particulier celle qui, malgré tout, s’astreint encore à construire chaque année quelques milliers de bolides aussi fascinants qu’inutiles. À notre sens, c’est ce qui constitue une bonne part de leur attrait…
Trente ans de progrès
À chaque fois que Ferrari présente une nouveauté, les plumitifs dans mon genre doivent se creuser la tête pour renouveler leur stock de qualificatifs dignes du travail accompli par la firme italienne, tant chaque génération s’avère synonyme de très impressionnants progrès. En particulier pour ce qui concerne les modèles d’entrée de gamme – rôle longtemps joué par les berlinettes à moteur V8 qui, de la 308 GTB de 1975 à la F8 Tributo de 2019, ont servi d’accès à l’univers Ferrari. Aujourd’hui, c’est le coupé Roma, à moteur avant, qui détient le titre de modèle le moins onéreux ; par rapport à celle-ci, la 296 demande un effort financier non négligeable mais ne s’adresse de toute façon pas à la même clientèle. Il faut remonter à la 348 tb, présentée en 1989, pour trouver une Ferrari pas tout à fait à la hauteur de sa légende ; depuis lors, chaque nouvelle voiture – qu’il se soit agi de modèles inédits ou d’actualisations plus ou moins significatives – a immanquablement fait figure de mètre étalon dans sa catégorie, il est vrai peu populeuse. La 296 ne fait pas exception et, à tous égards, fait indéniablement mieux que feue la F8, que l’on s’intéresse à la puissance brute, aux performances chiffrées ou au comportement général de l’engin.
Du V8 au V6
Il faut bien le dire, certains – dont l’auteur de ces lignes – ont a priori un peu de mal à assimiler l’idée d’une voiture de sport (a fortiori lorsqu’elle s’appelle Ferrari) relevant de la famille des hybrides, comme le plus trivial des SUV familiaux. Bien sûr, me direz-vous, les contraintes environnementales et l’évolution réglementaire sont les mêmes pour tout le monde et, de la sorte, chacun s’attendait à ce qu’un jour ou l’autre une Ferrari ainsi gréée sorte des ateliers de Maranello. La 296 est donc une voiture « à pile », bien que rien ne vienne le spécifier dans sa dénomination. Au contraire, elle renoue avec une nomenclature ancienne inaugurée par les Dino 206 puis 246 (« 296 » signifie ainsi « 2,9 litres – 6 cylindres) et revendique sans ambages le fait d’être passée au V6. Au vrai, le downsizing avait déjà fait des siennes en 2015, lorsque la 458 Italia s’était muée en 488, troquant son V8 atmosphérique de 4,5 litres pour une unité suralimentée de 3902 cm3 mais, cette fois, Un nouveau pas est franchi avec la 296 qui, pour la première fois depuis 1985, revient à une cylindrée inférieure à 3 litres. Ce qui n’empêche pas la puissance disponible d’évoluer (très) favorablement !
De quoi se réconcilier avec l’hybridation
En lieu et place des 720 ch développés par le huit-cylindres de la F8, on en trouve désormais 830 – c’est-à-dire 15 % de puissance supplémentaire (un pas de géant à ce niveau), sans parler du couple maximal de 740 Nm… Vous l’aurez compris toutefois, ce sont là des données qu’il convient de relativiser comme pour tous les modèles hybrides, dans la mesure où la machine électrique qui équipe la 296 ajoute 167 unités aux 663 ch délivrés par le V6 biturbo. C’est grâce à elle qu’en mode « E-drive », l’auto est capable d’évoluer sans rejeter un seul gramme de CO2 et propose une autonomie de 25 kilomètres en tout électrique – de quoi pouvoir affronter en toute quiétude les obsédés de l’écologie punitive, même si conduire une telle auto sans entendre autre chose que le bruiteur réglementaire s’avère quelque peu déstabilisant (mais on s’y fait). Pour en finir avec le green washing, la plus petite des berlinettes Ferrari peut même atteindre 135 km/h dans ces conditions – mais, vous vous en doutez, telle n’est pas la plus attrayante de ses caractéristiques. Dans les trois autres modes de conduite disponibles (« Hybrid », « Performance » ou « Qualify »), l’électrification cesse d’être un alibi spécieux pour devenir une alliée, sa contribution aux chronos réalisés par la 296 n’étant pas niable !
Vous n’y résisterez pas
Avec une vitesse maximale de 330 km/h et, surtout, un 0 à 200 abattu en 7,3 secondes, l’auto efface sans difficultés le léger embonpoint (plus 35 kg) qu’elle accuse par rapport à la F8. En témoigne le temps réalisé sur la Nordschleife en juin dernier, passant sous la barre symbolique des 7 minutes au tour (pour une Ferrari de série, c’est carrément une première !). Disponible en berlinette GTB ou en spider GTS, la 296 renouvelle profondément son design par rapport à la famille des F142 apparue en 2009 avec la 458. Toujours plus orienté vers l’efficience aérodynamique (entrée d’air à l’avant et spoiler à l’arrière, tous deux actifs), le style de l’engin a cependant perdu en agressivité par rapport à ses devancières. Plus ramassée, légèrement plus compacte (l’empattement a perdu cinq centimètres), la voiture demeure immédiatement identifiable comme une Ferrari et recèle des citations subtiles à l’histoire de la firme, sans jamais se montrer passéiste. Son architecture transparaît dès l’abord et l’inscrit dans la continuité d’une longue histoire. Si, comme moi, vous nourrissiez des regrets quant à l’abandon du V8, il vous aura suffi d’en prendre le volant pour les oublier en quelques kilomètres. Diablement aboutie, terriblement rapide et d’une facilité de prise en main déconcertante, la 296 sait s’adapter aux compétences de son conducteur et n’a pas de véritable défaut hormis, bien entendu, ce fichu câble qu’il faut songer à brancher de temps à autre. Personne n’est parfait…
Texte : Nicolas Fourny