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Ferrari F80 : retour aux sources du futur

Par Nicolas Fourny - 14/01/2025

« Quand on la regarde évoluer sur un circuit, la F80 semble exactement à sa place »

Les supercars de Maranello, c’est un peu comme les films de Francis Ford Coppola : on ne sait jamais exactement quand elles vont sortir, mais on est toujours sûr d’assister à la naissance d’un nouveau chef-d’œuvre. Ainsi en est-il de la F80 qui, après la 288 GTO, la F40, la F50, l’Enzo et la LaFerrari (à ce sujet, il est d’ailleurs heureux que l’auto ait hérité, cette fois, d’une dénomination moins ridicule), constitue la sixième incursion de Ferrari dans ce territoire si peu fréquenté que la notion de concurrence, à ce niveau, finit par ne plus avoir de sens : celui des automobiles superlatives, pensées uniquement pour la performance et construites en séries (très) limitées. Pour être désormais connu après quatre décennies de pratique, l’exercice n’en demeure pas moins fascinant…

L’avenir est à l’hybridation

Il est intéressant de constater qu’à quelques semaines d’intervalle, Ferrari a dévoilé deux modèles extrêmement divergents dans leur approche. Si la 12Cilindri ressemble à l’un des derniers avatars d’une longue tradition dont elle respecte scrupuleusement les principes en s’affranchissant des triviales contraintes de l’époque, la F80, tout au contraire, se projette sans vergogne dans l’avenir. Un avenir qui risque fort de se terminer en impasse, objecteront les grincheux qui ne ratent jamais une occasion de rappeler qu’à brève échéance, les moteurs thermiques seront tout bonnement interdits en Europe… On pourra aisément leur rétorquer que le reste du monde ne se sent pas obligé de suivre les diktats les plus absurdes de l’Union européenne et qu’il y a fort à parier qu’en Asie ou en Amérique, Ferrari, Porsche, McLaren ou Pagani pourront encore longtemps distribuer des modèles animés par des moteurs à combustion. Cela n’empêche pas la F80 de s’inscrire dans les pas de sa devancière immédiate en rejoignant elle aussi le clan des supercars hybrides.

Un chef-d’œuvre par décennie

« Rien de nouveau sous le soleil », soupirerez-vous peut-être, faisant ainsi allusion – outre la glorieuse berlinette précitée – à la Porsche 918 ou à la McLaren P1, toutes trois ayant été présentées il y a déjà plus de dix ans. Dix ans, c’est certes un peu plus court que l’éternité mais c’est tout de même suffisamment long pour que les ingénieurs trouvent les ressources nécessaires à l’évolution des techniques les plus raffinées. Et à chaque fois, c’est un peu le même refrain : chacun se demande comment Ferrari s’y prendra pour faire mieux au prochain épisode, devant à la fois faire face à une concurrence toujours plus affûtée, aux attentes d’une clientèle singulièrement exigeante et à une évolution réglementaire ne facilitant pas la vie des constructeurs, qu’ils produisent des voitures populaires ou des sportives inaccessibles au commun des mortels. Pourtant, personne ne sera surpris d’apprendre qu’une fois encore, les sorciers du Cavallino ont réussi leur coup !

De la fureur, mais pas de bruit

Disons-le sans ambages : nous n’avons pas lu que des propos élogieux au sujet de la F80, ni après sa première présentation statique, ni même – et c’est sans doute plus préoccupant, d’un certain point de vue – alors que l’engin eut effectué ses premiers tours de roue sur le circuit d’Imola, il y a quelques semaines, dans le cadre des Finali Mondiali. D’une part, le design de la F80 divise les observateurs : il semble évident que l’auto n’a pas été dessinée pour être « belle » au sens académique du terme, mais que sa grammaire n’est lisible qu’en gardant à l’esprit la quête obsessionnelle de l’efficacité aérodynamique dont témoigne le travail réalisé par ses concepteurs. Dessinée en interne, la nouvelle supercar de Maranello ne se soucie pas d’élégance formelle et – à l’instar de la F50 en son temps – suscite, assez logiquement, des commentaires aigres-doux quant à sa physionomie, certains s’étant même demandé si des employés de chez Lego n’avaient pas été débauchés pour l’occasion. Pour autant, il suffit d’examiner la voiture avec toute l’attention qu’elle mérite pour en déceler la philosophie…

Quand la fonction dicte les formes

Contrairement à la vogue actuelle des bagnoles origamisées jusqu’à l’indigestion – tous ces plis de tôle parfaitement gratuits dont trop de stylistes sans imagination usent et abusent parce qu’ils n’ont rien trouvé d’autre pour « dynamiser » les silhouettes –, rien n’est gratuit dans le design de la F80, même si le panneau strictement vertical à l’aplomb de la portière évoque très explicitement la F40… La maîtrise des aérodynamiciens de Ferrari atteint ici un nouvel apogée, l’usine annonçant la valeur exceptionnelle de 1050 kilos de déportance. Étant donné les chronos revendiqués (350 km/h en pointe et le 0 à 100 en 2,15 secondes), cela peut rassurer ceux qui tenteront d’aller chercher les limites de l’auto, à ce jour la plus puissante des Ferrari de route jamais construites. L’ensemble mécanique, constitué d’un V6 ouvert à 120 degrés – dans les grandes lignes, celui de la 296 –, suralimenté par deux turbocompresseurs et développant à soi seul 900 ch, reçoit le renfort de trois machines électriques, dont deux, greffées sur le train avant, font donc de la F80 une quatre roues motrices. Tout cela aboutit à la puissance faramineuse de 1200 ch (rappelons, pour fixer les idées, que la 499P de course, qui a gagné au Mans en 2023 puis cette année, et à laquelle la F80 doit beaucoup, ne dépasse pas les 680 ch). Et – les vocalises du traditionnel V12 ayant été remisées au grenier – à une sonorité étouffée, presque banale et veuve de tout charisme, qui en a déconcerté plus d’un au passage de l’auto.

Fille de la course

Il n’empêche que quand on la regarde évoluer sur un circuit, la F80 semble exactement à sa place – plus encore que ses aînées et bien davantage, à la vérité, que sur route ouverte. Nous sommes ici loin du grand tourisme : avec un coffre de seulement 35 litres, chacun aura compris que ce n’est pas une compagne de voyage idéale… La radicalité que suggère cette carrosserie taillée à coups de serpe et scarifiée par les exigences de l’aérodynamique se confirme à l’intérieur, auquel on accède par des portes à ouverture en élytre et qui est tout entier organisé autour du pilote, installé dans un siège légèrement avancé par rapport à la place du passager, cette dernière n’étant pas rapportée ; elle fait partie intégrante de la coque en carbone. Sombre, fonctionnel, élégant dans son dépouillement et dépourvu de tout maniérisme esthétique, l’environnement est entièrement dévolu à l’écoute et au contrôle sans faille de l’inouïe sophistication technique de l’engin, dont le patronyme a été choisi en référence au quatre-vingtième anniversaire de Ferrari, en 2027, qui coïncidera avec l’arrêt de la fabrication de la F80. Collector immédiat, comme celles qui l’ont précédée dans ce rôle, la supercar Ferrari, tarifée à 3,6 millions d’euros, ne sera construite qu’à 799 exemplaires. Et inutile de vous précipiter pour passer commande : ils sont déjà tous vendus. Parfois, la vie est mal faite…

2992 cm3Cylindrée
1200 ch cumulésPuissance
5,75 secondes0 à 200 km/h



Texte : Nicolas Fourny

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