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Citroën CX 22 TRS : le charme discret du juste milieu

Par Nicolas Fourny - 17/01/2025

« Profitant d’un moteur moderne, les CX 22 s’avèrent suffisamment performantes et demeurent difficilement égalables en termes de confort postural »

À la fin de l’été prochain, la CX fêtera ses cinquante ans. Désormais solidement installée en collection, l’auto s’est peu à peu extraite de l’ombre écrasante du mythe DS pour s’épanouir à partir d’un charisme spécifique que les amateurs ont appris à redécouvrir. Et bien sûr, comme pour tous les modèles déclinés en de multiples variantes, au sein d’une gamme tentaculaire on recense des stars, des seconds rôles – et même des déclinaisons un peu oubliées en dépit de solides vertus. C’est un peu le cas de la 22 TRS qui nous occupe aujourd’hui : version de milieu de gamme, dotée d’une mécanique simple à entretenir, paisible sans être placide et adaptée à la plupart des usages, cette CX « raisonnable » présente des caractéristiques aptes à séduire ceux qui désirent avant tout rouler, voire même utiliser leur Citroën au quotidien…

Le temps, cet assassin

Au milieu des années 80, la CX a déjà dix ans et, si elle conserve une avance incontestable dans le domaine des qualités routières, l’auto a notablement vieilli à plusieurs égards – à commencer par un design désormais daté, car très inspiré du concept car BMC Aerodinamica conçu par Pininfarina en 1967. Au fil du temps, des rivales aux dents longues ont fait leur apparition et ont peu à peu démodé la grande Citroën ; on songe en particulier à l’Audi 100 « C3 » présentée à l’automne 1982 et surtout à la redoutable Renault 25 commercialisée début 1984 – deux voitures dont le style et les performances aérodynamiques ringardisent sans vergogne la CX, qui doit justement son nom à l’abréviation du coefficient de pénétration dans l’air… Pourtant, les responsables de l’ex-Quai de Javel ne sont pas restés inactifs et, depuis 1974, la gamme CX n’a cessé de s’étendre et de se diversifier. Berlines à châssis court ou long, breaks, moteurs essence ou Diesel, avec ou sans suralimentation, l’amateur de grandes routières se voit offrir un catalogue parvenu à maturité et susceptible de satisfaire les besoins les plus variés, dans un éventail de prix allant du simple au double. Mais rien n’y fait et, surtout après le second choc pétrolier, les résultats commerciaux de la CX s’érodent sans cesse : entre 1982 et 1984, la production diminue ainsi de 30 % !

Un restylage en demi-teinte

Dans ces conditions, et à défaut d’un renouvellement dont la nécessité se fait cruellement ressentir, un restylage d’ampleur s’avère indispensable pour permettre au modèle de subsister jusqu’à son remplacement ; hélas, celui-ci va se faire attendre plusieurs années durant, les études de la future XM n’ayant débuté qu’en 1984. Ainsi que le confiera plus tard Xavier Karcher, alors dirigeant de Citroën, le développement de la BX était vital pour la marque ; la succession de la CX n’était pas prioritaire, d’où la relative obsolescence de la voiture telle qu’elle apparaît désormais à une clientèle puissamment sollicitée par l’offensive de Renault comme par la concurrence étrangère. Néanmoins, la CX « série 2 », élaborée sous la férule de Carl Olsen, ne va répondre qu’imparfaitement aux espoirs des citroënistes les plus fervents – eux qui n’ont par exemple jamais compris pour quel motif la firme aux chevrons avait toujours refusé de doter sa grande berline du hayon que suggérait sa silhouette… Les restrictions budgétaires étant ce qu’elles sont, pas question de toucher à la structure de la carrosserie : l’auto conserve un coffre classique et l’intégralité de la tôlerie originelle est donc reprise pour la CX restylée (à l’exception des emboutis des ailes), dont la physionomie n’évolue qu’à grand renfort de matériaux composites, que l’on retrouve dans les nouveaux boucliers et les protections latérales, ce qui alourdit quelque peu le profil de la voiture. Les projecteurs comme les optiques arrière demeurent identiques, de même que l’ensemble des vitrages et la CX conserve donc une apparence familière, sans doute trop vue aux yeux de certains (à la veille de la présentation de la « série 2 », l’auto avait déjà dépassé les 900 000 exemplaires).

Profanes s’abstenir

Il n’en va toutefois pas de même à l’intérieur qui, en revanche, a été entièrement revu, avec en particulier une planche de bord inédite, le bloc instrumental généralisant pour sa part les compteurs à aiguilles précédemment réservés à la GTi Turbo – on connaît cependant des amateurs ayant greffé les anciens instruments à rouleaux dans la nouvelle lunule (tel est le nom donné au tableau de bord de l’engin par son concepteur, le génial Michel Harmand)… Fort heureusement, l’ensemble demeure typiquement Citroën, c’est-à-dire adoré par les uns et abhorré par les autres ; jusqu’au bout, la CX exigera ainsi des béotiens un temps d’adaptation pour maîtriser une ergonomie et une philosophie fonctionnelle sans aucun rapport avec ce que l’on trouve ailleurs, qu’il s’agisse des commandes d’éclairage ou d’essuie-glace, de l’implantation de l’autoradio, de la direction à rappel asservi commandée par un volant monobranche ou d’un système de freinage d’élite mais demandant lui aussi un minimum d’apprentissage. On l’aura compris, tout cela n’est pas fait pour aider un modèle vieillissant à s’en aller conquérir une nouvelle clientèle au-delà des disciples de la marque, de toute façon indifférents à la modernité d’une vulgaire R25. Et ce n’est pas l’éventail des motorisations proposées à l’été 1985, lorsque la CX « série 2 » est officiellement présentée, qui risque de les désorienter : la nouvelle gamme reprend la totalité des moteurs de sa devancière, la seule nouveauté concernant l’adoption d’un 2,2 litres en milieu de gamme.

Le retour du 2,2 litres

Au vrai, cette cylindrée n’est pas réellement nouvelle : il a existé, de 1974 à 1976, une CX 2200 dont le positionnement équivalait peu ou prou à celui de la 22 TRS qui nous intéresse ici. Sauf que, si feue la 2200 était encore animée par le groupe à arbre à cames latéral issu de la DS 21, la nouvelle venue – tout comme la CX 20 chargée d’ouvrir la gamme – reçoit un moteur nettement plus moderne, puisqu’il s’agit du fameux quatre-cylindres « J », conçu chez Renault mais construit à Douvrin par la Française de Mécanique, filiale détenue à parité par la Régie et PSA. Entièrement en alu, ce moteur à arbre à cames en tête, en version 2 litres, est apparu dès 1977 dans la Renault 20 TS avant d’équiper la Peugeot 505 STi puis les CX Reflex et Athéna présentées en 1979. Dans la CX 22 TRS présentée pour le millésime 86, sa cylindrée atteint les 2165 cm3 déjà connus – entre autres – des possesseurs de 505 GTi ou de R25 GTX mais, contrairement à celles-ci, la Citroën ne bénéficie pas d’une alimentation à injection et s’en remet à un bon vieux carburateur; d’où une puissance en retrait par rapport à ses rivales françaises : gréée de la sorte, la CX ne peut en effet compter que sur 115 ch à 5600 tours/minute, versus 126 ch pour la Renault et 130 ch pour la Peugeot. Il est vrai qu’une CX 22 à injection aurait sans doute fait trop d’ombre à la GTi, forte de « seulement » 138 ch malgré son gros 2,5 litres… S’ils se situent honorablement par rapport à la concurrence, les chronos revendiqués par Citroën (186 km/h en pointe, 32,5 secondes au kilomètre départ arrêté, le 0 à 100 en 10,6 secondes) n’ont donc rien de particulièrement ébouriffant, mais là n’est pas la vocation de la 22 TRS, modèle familial chantre du « juste milieu », pour reprendre un vieux slogan cher à Hotchkiss !

Une CX pour tous les jours

Car, du point de vue tarifaire, la nouvelle CX est plutôt bien placée. À la rentrée 1986, il faut débourser 103 500 francs – environ 31 200 euros d’aujourd’hui – pour repartir au volant d’une berline 22 TRS, alors qu’une Renault 25 GTX exige 118 100 francs, une 505 GTi 113 600 francs, une Volvo 740 2 litres 116 900 francs et une Ford Scorpio 2.0i GL 119 300 francs. Bien sûr, les Mercedes-Benz 200 (148 820 francs), et BMW 520i (128 000 francs) demandent comme de coutume un effort financier supplémentaire mais elles ne s’adressent pas exactement à la même clientèle. En dépit des efforts de Citroën pour maintenir vaille que vaille son navire amiral à flot, les acheteurs de la CX vont de plus en plus se circonscrire à une petite tribu d’irréductibles répétant à qui veut l’entendre que les rivales de leur chère auto ne sont que des tape-culs incapables de tenir correctement la route sous la pluie. Malheureusement, ce qui était encore vrai en 1974 avait cessé de l’être dix ans plus tard et le restylage ne fera que ralentir le naufrage commercial du modèle : en 1981, le marché français avait permis d’écouler plus de 75 000 CX ; en 1986, et malgré le restylage, il s’en vendra moins de la moitié. Il n’empêche qu’en ces années difficiles, la 22 TRS (également déclinée sous la forme d’un break désigné 22 RS) aura su tenir son rang en étant alors la plus vendue des CX à essence. Profitant d’un moteur moderne et relativement sobre, les CX 22 s’avèrent suffisamment performantes et demeurent difficilement égalables en termes de confort postural, même si la suspension hydropneumatique n’est pas appréciée de tous les estomacs. Et, à condition d’avoir compris le mode d’emploi d’une direction pour le moins déroutante pour les non-initiés, les qualités routières de l’auto restent très convaincantes sur le sec et impériales sur le mouillé. Ces constats sont toujours valables de nos jours, où l’acquisition d’une CX 22 TRS peut tout à fait se concevoir dans l’optique d’une utilisation quotidienne. Il reste à en trouver une : moins performante qu’une Turbo, moins recherchée qu’une Prestige, la 22 TRS est moins facile à dénicher que ces deux têtes d’affiche… et aussi moins onéreuse, 8000 euros constituant un plafond pour les plus beaux exemplaires. Du moins pour l’instant…

2165 cm3Cylindrée
115 chPuissance
186 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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