Lancée il y a bientôt vingt ans (eh oui…), la première génération de BMW Série 1 aura fait couler beaucoup d’encre, avant tout en raison d’un design pour le moins controversé car établi sous l’égide de Chris Bangle. Il s’agit toutefois de la première véritable incursion de la firme bavaroise dans le segment des compactes premium – une catégorie inaugurée dès 1979 par la Lancia Delta, mais qui ne s’est véritablement épanouie qu’à partir du lancement de l’Audi A3 dix-sept ans plus tard. Proposée en quatre carrosseries et disposant d’une gamme étendue de motorisations essence et Diesel, l’auto a connu un grand succès commercial et n’a pas déçu les fanatiques de la marque, y compris les plus sportifs d’entre eux, en comportant presque dès ses débuts l’une des BMW les plus attachantes que l’auteur de ces lignes ait conduites – j’ai nommé la 130i !
La rupture Chris Bangle
Nous sommes au Mondial de l’Automobile 2004. Durant les journées presse, sur le stand BMW, un homme suscite une attention particulière de la part des journalistes spécialisés : il s’agit de Chris Bangle, l’un des designers les plus contestés de son temps – à cette époque, des pétitions circulent encore sur Internet pour exiger son renvoi. Bangle a pris la tête du style BMW dès 1992 en succédant à Claus Luthe et c’est peu dire qu’aussi bien les concept-cars que les modèles de série créés sous sa supervision ont déconcerté les amateurs, à commencer par la Série 7 E65 présentée à l’automne 2001, suivie de la Série 5 E60 puis de la Série 6 E63. Des voitures qui ont toutes suscité d’ardentes polémiques mais, manifestement, quand j’échange quelques mots avec lui sur le stand parisien de la marque, Bangle ne semble pas particulièrement impressionné par l’intensité des querelles que son travail a provoquées ; il défend celui-ci fermement, mais sans véhémence. Il ne faut en effet pas oublier qu’aucun designer ne choisit en solitaire les propositions de ses collaborateurs : c’est toujours la direction générale qui a le dernier mot et, si le style BMW a connu un tel bouleversement au début de ce siècle, c’est avant tout au board de la firme qu’on le doit. Bangle – qui a également commis le style extérieur du coupé Fiat de 1993 – n’a pas été recruté par hasard ; ennemi du consensus mou, partisan d’une forme de radicalité esthétique, il considère que le design d’un constructeur doit régulièrement se réinventer et la nouvelle compacte BMW va jouer un rôle-clé dans cette offensive stylistique.
Une Série 3 raccourcie
Jusqu’alors, Munich n’avait semblé aborder ce segment de marché qu’à contrecœur, sans vraiment s’en donner les moyens. Lancée en 1994 puis réactualisée en 2000, la Série 3 Compact – exclusivement proposée en 3 portes et avec une gamme restreinte de motorisations – n’avait été qu’un dérivé anecdotique des générations E36 et E46. Il aura donc fallu une dizaine d’années à BMW pour aboutir à une offre véritablement structurée et cohérente dont les cibles sont multiples : les conducteurs d’Audi A3 bien sûr, mais aussi les propriétaires de VW Golf ou d’Alfa Romeo 147, sans oublier ceux qui rêvent d’une BMW mais pour qui les tarifs d’une Série 3 demeurent inaccessibles. Dans une catégorie plutôt conservatrice, la Série 1, dont le design avait été défriché par la CS1 Concept présentée à Genève en 2002, prend le risque d’assumer une personnalité décalée ; elle ne ressemble à aucune de ses rivales, ni à aucune BMW – pas même à la Série 3 E90 dont elle dérive pourtant étroitement. Trapue, nerveuse, présentant des porte-à-faux réduits à la portion congrue, la seule propulsion de sa catégorie réinterprète les codes de la marque et se les approprie à l’aplomb d’une modernité échevelée. Et les disciples de la marque ne sont pas dépaysés lorsqu’ils lèvent le capot : l’auto emprunte sans vergogne à la Série 3 la plupart de ses moteurs, jusqu’aux plus performants d’entre eux – ce qui signifie que les six-cylindres maison sont de la partie !
C’était le bon temps…
Dans un premier temps, seule la 130i qui nous intéresse aujourd’hui, présentée au printemps 2005, vient chapeauter la gamme. En ce temps-là, la nomenclature BMW est encore compréhensible et c’est donc bien un six-cylindres de 3 litres – 2996 cm3 pour être précis – qui est venu se blottir sous son long capot, inusité dans ce segment où toutes les concurrentes de la Série 1 sont animées par des moteurs implantés transversalement. De profil, la E87 s’éloigne résolument du typage de ses rivales, qui accordent toutes une importance particulière au rapport encombrement/habitabilité. Pas plus encombrante que la moyenne mais présentant un empattement singulièrement long, la Série 1 ne propose qu’un espace habitable médiocre, en particulier à l’arrière, car elle doit ménager de la place pour accueillir, en long, les six cylindres du moteur N52B30. Combinant le système Valvetronic (système de levée et d’ouverture variable des soupapes d’admission) au double VANOS (VAriable NOckenwelle Steuerung – système de distribution variable agissant à la fois sur l’admission et l’échappement), il développe ici 265 ch à 6600 tours/minute – soit 7 ch de plus que dans la 330i E90 – et son couple de 315 Nm est disponible dès 2750 tours, ce qui installe d’emblée la 130i au firmament de sa catégorie. Faut-il le préciser ? Encore épargné par les ravages du downsizing, ce groupe atmosphérique ne peut compter que sur sa cylindrée pour afficher une puissance supérieure à celle d’une Audi A3 3.2 ou d’une Alfa 147 GTA, toutes deux fortes de 250 ch (et toutes deux semblablement dépourvues de turbo), tandis que la S3 contemporaine tutoie la BMW à cet égard et annonce déjà de quoi l’avenir sera fait, avec son quatre-cylindres 2 litres suralimenté…
… et il n’est pas fini
Contrairement à cette dernière, la BMW existe en plusieurs finitions et il est tout à fait possible, par le jeu des nombreuses options (encore disponibles isolément à cette époque) de se concocter une 130i à la carte, sans tapage superflu et impossible à distinguer d’une 116i de base par le profane. Fréquemment stationnée sous les frondaisons bourgeoises des quartiers résidentiels, qui pourrait soupçonner que cette Béhème aux coloris souvent neutres – le gris métallisé Titansilber règne alors en maître – abrite un moteur aussi fantastique ? Car le N52 sait tout faire : ronronner paisiblement dans les embouteillages, assurer les déplacements urbains avec toute la civilité requise, puis se transformer en bête de course dès que le profil de la route et la circulation l’autorisent. D’autant que le châssis d’origine – qui ignore aussi bien les problèmes de motricité de la 147 GTA que le sous-virage bien connu des conducteurs de Golf R32 – se montre déjà fort compétent, même si BMW propose aussi un pack M abaissant la caisse de 15 mm et gratifiant l’engin de réglages de suspension plus fermes. À réserver aux férus de pilotage et aux habitués de la Nordschleife, à notre humble avis, car même avec la suspension « de base », la 130i propose un package à peu près idéal en termes de polyvalence d’usage. Laquelle reste d’actualité alors que le modèle, après avoir végété dans le purgatoire des voitures d’occasion, commence à intéresser les amateurs de youngtimers : les plus beaux exemplaires se rapprochent ainsi doucement de la barre des 20 000 euros. Un seul conseil si vous aimez conduire et goûter aux joies d’une propulsion que sa compacité rend diaboliquement maniable : ne tardez pas !
Texte : Nicolas Fourny