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Trophée Andros : un truc de perché

Par Julien Hergault - 02/02/2020

Dans les années 1990, la course sur glace parvient à tirer la couverture médiatique sur elle grâce au Trophée Andros. Elle descend même de sa montagne, jusque dans la capitale. Pourtant, la discipline ne parviendra pas à se structurer sur le plan international, demeurant une spécialité française. Un truc de perché.

Le sport automobile est né dès que la seconde voiture a été posée sur ses roues. C’est Henry Ford qui l’a dit. Au début, tout était donc très simple : des voitures, un départ, une arrivée. Paris-Madrid par exemple. Puis, comme souvent, l’homme a voulu compliquer les règles en créant toutes sortes de variantes : course de côte, stock-car‎, rallycross, dragster‎, drift… De toutes ces disciplines, la course sur glace est sans doute l’une des plus difficiles à situer. Elle est peu répandue, peu prestigieuse, mais tire son épingle du jeu par un savant dosage de technologie, de sport et de spectacle.

Raclette, vin chaud et travers de porc

Logiquement, ces compétitions se développent d’abord dans les pays froids – Suède, Norvège, Canada. Elles se disputent sur des lacs gelés, les circuits étant délimités par des cônes et des bottes de paille. Trop lisse, trop plats, trop larges… Ces tracés manquent assurément de piment.

En France, on n’a pas de lac gelé, mais on a des idées. Prenez un parking goudronné en altitude. Laissez tomber la première neige de novembre. Tracez, tassez, damez, arrosez, puis renouvelez l’opération autant de fois que possible. En janvier, vous obtenez une belle piste glacée de 50 centimètres d’épaisseur, naturellement bordée par deux hauts murs de neige. Ainsi constitué, le circuit du Grépon de Chamonix accueille la première Ronde Hivernale en 1970, une épreuve conviviale qui attire d’entrée les constructeurs nationaux Renault (Alpine Berlinette A110) et Citroën (DS), ainsi que des vedettes comme Jean-Pierre Beltoise, Björn Waldegård, Henri Pescarolo, Jean-Claude Andruet, Bob Wollek ou Robert Neyret. Ce dernier, spécialiste du Rallye du Maroc, deviendra paradoxalement expert en matière de courses sur neige verglacée. D’autres se spécialiseront dans les batailles de boules de neige, contribuant à l’image « bon enfant » que véhicule toujours la discipline. En 1972, la Ronde de Serre Chevalier reprend le même concept sur un circuit de 800 mètres tracé dans la station de ski. Si l’idée d’un championnat germe déjà dans la tête du président de la FFSA Bernard Consten, deux courses ne suffiraient à le constituer. Il faudra attendre près de 20 ans.

Que tombe la neige au Sahara

Le lancement du Trophée Andros se fait le 7 janvier 1990… en plein désert ! C’est une idée Max Mamers, créateur du championnat, qui profite ainsi de la notoriété du Paris-Dakar pour présenter son projet aux journalistes. Pour la photo, il est venu de France avec un glaçon géant dans sa glacière. Le 27 janvier 1990 marque le coup d’envoi d’une série de quatre rendez-vous : Serre Chevalier, Chamonix, Lans en Vercors, Chamrousse. Des courses de jour, de nuit, avec ou sans pneus cloutés, le spectacle est toujours assuré… Un peu trop même ! Les bagarres, en mode stock-car, nuiront parfois à l’image d’une discipline dans laquelle dépasser rime souvent avec bousculer, comme en témoigne la retransmission des 24 Heures de Chamonix 1991 en direct dans Auto Moto, avec Loulou Bernardelli en cabine et Roger Zabel en passager dans la Lancia Delta de Bruno Saby : « Comment ça se passe Roger ? Et bien sa touche. Oui-oui ça touche. »

Concours Lépine

Qu’importe, la formule prend de l’ampleur et compte déjà sept rendez-vous en 1992, dont une finale sur la pelouse de Reuilly à Paris. Progressivement, les vénérables voitures du Groupe B (Peugeot 205 T16MG Rover Metro 6R4Ford RS200) laissent place à des « silhouettes » d’environs 400 cv pour 950 kg définies par un règlement spécialement créé pour la glace, le T3F. De drôle de solutions techniques apparaissent, à commencer par les quatre roues directrices qui démontrent des aptitudes qu’aucun essayeur n’avait entrevues sur les premiers modèles de séries à en être équipés, à savoir la Nissan Skyline R31 (1985) et la Honda Prelude 4 WS (1987). Plus insolite, l’essuie-glace de vitre latérale se révèle indispensable pour qui veut prendre un virage « à l’équerre » au sens strict du terme. Et il y a plus exotique encore. Un jour, Philippe Gache s’étonne du comportement inconstant de sa voiture dont la suspension parait trop raide en début de course, puis trop mole ensuite. La solution ? Un amortisseur chauffant pour combattre les variations extrêmes de températures. CQFD.

Effet boule de neige

Très vite le charme opère, attirant des constructeurs qui confient l’engagement de leurs voitures à des structures spécialisées comme Oreca (BMW 318i CompactBMW Z3), Promo Concept (Nissan Micra), Promotec (Daewoo Nexia), SMG (Mega Glace) ou Snobeck (Opel Astra, Opel Tigra). Un peu comme au Dakar, les artisans tiennent leur rang derrière les grands et savent même capter l’attention des caméras avec des machines atypiques comme savent en faire Gérard Dillmann (VW New Beetle V8 Cosworth F1), Olyméca Sport (Renault Twingo V6), ou Team DMO (Venturi 400). Signalons au passage que ces voitures existent encore aujourd’hui et continuent souvent leurs vies en rallycross. Méfiance donc, une belle peinture d’usine peut dissimuler un châssis ayant perdu de son intérêt par une accumulation de modifications.

Leconte est bon

Certains pilotes aussi se spécialisent comme Marcel Tarrès, François Chatriot et surtout Yvan Muller qui donne un nouvel essor à sa carrière. Des pistards se laissent tenter par l’expérience à l’image de Jean Alesi (ex-professeur à l’école de Chamonix), Nigel Mansell, René Arnoux ou Jacques Laffite. La glace devient aussi le terrain de jeu préféré des vedettes venues d’horizons divers comme l’humoriste Jean-Marie Bigard, l’animateur Christophe Dechavanne ou le tennisman Henri Leconte. Dans la deuxième moitié des années 1990, le monde entier commence à nous envier le Trophée Andros, notamment les Anglais – dépourvus de montagne et de neige – qui y voient une sorte de BTCC collection hiver.

De gauche à droite : Alexandre Debanne, Jean-Marie Bigard, Max Mamers, Christophe Dechavanne, Jacques Laffite, Patrick Tambay, Paul Belmondo, Cyril Neveu et Pierre Lartigue.

Quand te reverrais-je ?

Alors, comme à son habitude, la FIA s’en mêle et déstabilise l’écosystème. L’instance annonce en 2001 la création de l’IRSI (Ice Race Series International) avec un calendrier de cinq courses : Chamonix (France), Oschersleben (Allemagne), Sherbrooke (Canada), Kuopio (Finlande) et Kiev (Ukraine). Un bide ! Les Peugeot 206, Seat Cordoba et autres Toyota Corolla, conformes au règlement WRC, se révèlent moins spectaculaires que nos bonnes vielles T3F. Le championnat disparait en 2003, faute de concurrents. Pas mieux pour les 24 Heures de Chamonix, faute de neige. Et puis, comme déverser 700 tonnes de glace à Paris n’est plus vraiment dans l’ère du temps, le Trophée Andros reste désormais dans ses montagnes. Un truc de perché.

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