Triumph TR3 : filer, cheveux au vent, à l’anglaise !
Avec sa TR2, Triumph fit une entrée remarquée dans le monde des roadsters à l’anglaise. En lançant la TR3, Triumph pérennise sa position sur le marché et affirme sa propre identité. Ce modèle fut le plus emblématique d’une saga qui dura plusieurs décennies en incarnant l’art de vivre du gentleman turbulent. Une aura qui s’exporta dans le monde entier, principalement aux États-Unis.
En plein dans le mille !
Avec la Triumph TR2, Sir John Black a réussi son pari ! Le succès rencontré par la Jaguar XK 120, en particulier aux États-Unis, lui a en effet donné l’idée de lancer son propre roadster à la mode de son île, en proposant une sportivité brute qui manquait au modèle félin, et plus de modernité, pour un tarif équivalent à celui d’une MG TF. Les huit mille TR2 produites en deux ans sont une preuve significative de la réussite du modèle. Les États-Unis ayant absorbé 90% de la production, tous les efforts de la marque vont donc aller dans le sens de ce marché où la clientèle s’avère plus exigeante. La version revue et corrigée de la Triumph TR2 ne s’appellera pas Mark II, comme le veut la tradition britannique à chaque modification d’un modèle automobile, mais TR3, afin de davantage donner une impression de nouveauté, stratégie marketing à laquelle les Américains accrochent mieux. De plus, l’arrivée des Austin-Healey 100 BN2 et MG A sur le marché invite Triumph à marquer plus fortement le coup face à cette concurrence qui s’étoffe. Ainsi, la nouvelle Triumph TR3 apparaît en octobre 1955.
Esthétiquement, les modifications se traduisent par une calandre grillagée plus avancée, masquant le fameux Bomb Hole de la TR2, des joints d’aile avant en inox et un nouvel insigne de capot. Côté moteur, le 1 991 cm3 reste fidèle au poste mais passe de 90 à 95 chevaux par un élargissement des conduits d’admission et de nouveaux carburateurs. La vitesse de pointe passe à 177 km/h, performance très honorable pour son époque et qui provoque son lot de sensations lorsque l’on conduit cheveux au vent et le postérieur au ras du sol. Pour répondre encore plus à la demande du marché américain, une banquette arrière d’appoint est installée, faisant officiellement de la TR3 une 2+2. Libre à chacun, ensuite, d’effectuer une pratique intense du yoga pour trouver les contorsions miraculeuses permettant de s’y installer ou même d’y faire voyager des enfants au risque de s’en voir retirer la garde.
La maturité
Malgré sa jeunesse, le marché du roadster anglais est en plein boom et, sur le marché américain tant convoité, il est obligatoire de proposer de la nouveauté pour chaque millésime. Ainsi, à l’automne 1956, la puissance du moteur passe aux symboliques 100 chevaux et la TR3 a l’honneur d’être, à partir du 13 000e exemplaire de la série TR, la toute première voiture de série anglaise à être équipée de freins à disques à l’avant. En parallèle est lancé le Kit GT. Constitué d’un hard top métallique et de poignées de portières extérieures, il permet également à la TR3 de pouvoir s’engager en compétition au sein de la catégorie Grand Tourisme. Nouvelle révolution à l’automne 1957 : la Triumph TR3 change son look et gagne en équipements. La principale modification se note au niveau de la face avant, où la calandre béante laisse place à un nouveau modèle au dessin plus large et plus fin, intégrant également les clignotants. L’arrière se voit également muni d’indicateurs de direction, tandis que les portières reçoivent enfin des poignées d’ouverture extérieures. Cette nouvelle variante reçoit l’appellation officieuse de TR3A, censée signifier America. Les États-Unis sont en effet à l’honneur car, représentant le vivier principal de clients, ils ont l’honneur d’être livrés dès la présentation du modèle tandis que les autres marchés devront attendre janvier 1958. Les cadences de production grimpent jusqu’à atteindre 2 000 unités mensuelles mais l’euphorie retombe dès 1960, tandis que la Standard-Vanguard est au plus mal. Malgré ses toutes ses vertus sportives, la TR3 accuse le poids des ans, tant au niveau de ses lignes que de son confort spartiate. La production de la Trumph TR3 cesse donc pendant l’été 1961 alors que la marque devient propriété du groupe British Leyland. La nouvelle Triumph TR4 prend le relais, mais la TR3 n’a cependant pas dit son dernier mot.
Coup de théâtre !
La Triumph TR4, œuvre du grand Giovanni Michelotti, est moderne, gagne en confort… mais ne convainc pas les la clientèle de purs et durs américains qui la trouvent bourgeoise et trop en rupture avec l’esprit de sa devancière. Triumph décide alors de satisfaire cette demande encore tenace et relance la production de sa TR3 en mai 1962. Cette série reçoit l’appellation, à nouveau officieuse, de TR3B, et reprend l’intégralité des caractéristiques du modèle… jusqu’au 530e exemplaire. Les TR3 suivantes reçoivent le 2 138 cm3 de 105 chevaux de la TR4. Ce sursis fut bref puisque la toute dernière TR3 tombe des chaînes en octobre 1962, au terme de près de 75 000 exemplaires assemblés. La saga des TR perdurera ensuite, se munissant d’un nouveau numéro à chaque nouveau modèle avant de s’achever avec les TR7 et TR8 fin 1981. Le marché des roadsters à l’anglaise va ensuite rester quelques années en léthargie avant d’être à nouveau redynamisé… par une marque japonaise, Mazda, et sa fameuse MX5.
Une institution !
Dans le monde du sport automobile, la Triumph TR3 fit également parler d’elle. Cela n’était pas joué d’avance car, suite à la tragédie qui se produisit lors des 24 Heures du Mans en 1955, le gouvernement français limita drastiquement les engagements des constructeurs en catégorie Sport, dans laquelle la Triumph TR2 s’était auparavant illustrée. Ken Richardson, directeur du département compétition de Triumph, greffa donc un toit en acier à la TR3 afin que celle-ci puisse courir en catégorie Grand Tourisme. Ainsi, la Triumph TR3 put s’illustrer au sein des plus grandes courses telles que le Rallye du Royal Automobile Club, le Rallye de Monte Carlo, le Liège-Rome-Liège, le Tour de Corse, le Rallye de l’Acropole et, bien évidemment, aux 24 Heures du Mans en 1959. Parmi ses nombreuses victoires, la TR3 peut s’enorgueillir d’avoir obtenu pas moins de six distinctions au Rallye de la Coupe des Alpes.
Johnny Halliday au volant de sa Triumph TR3, sur les Champs ElyséesL’autre raison du succès de la Triumph TR3 était qu’elle collait furieusement à son époque. A titre d’exemple, le cinéma de la Nouvelle Vague en fit l’une de ses protagonistes de choix, le célèbre Johnny Hallyday en posséda deux et il était fréquent de la croiser à Saint-Germain-des-Prés ou à Saint-Tropez. Aujourd’hui, de nombreux collectionneurs la considèrent comme la plus authentique des Triumph de la série TR. Choyée et fiable, disposant d’une multitude de clubs autour du globe, elle continue de faire vivre l’automobile simple et sportive du parfait gentleman et de faire le bonheur de ses propriétaires… et de leurs ostéopathes !