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Triumph TR2 : et le roadster triomphe !

Par Aurélien Charle - 13/10/2020

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Triumph est, à l’instar de l’Europe, en ruine. Récupérée par la Standard Motor Company, la marque va maladroitement tenter de faire son trou avant de lancer son génial concept de roadster bien british : la TR2. Ainsi naquit une longue saga qui donna finalement une âme bien particulière à l’une des nombreuses marques de Coventry.

Le Roadster Triumph 1800, produit de 1946 à 1948 à 2 501 exemplaires

Renaître de ses cendres

Nées dans l’entre-deux guerres, les automobiles Triumph se firent principalement connaître pour leur aspect luxueux et novateur. Malgré cela, la rentabilité n’était pas au rendez-vous et, pendant l’été 1939, la marque se retrouve en faillite. Rachetée par l’entreprise de mécanique et de ciment Thos W. Ward, la marque fabrique du matériel militaire avant que ses ateliers ne soient bombardés. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Triumph n’est plus qu’un nom en perdition. La marque est alors rachetée fin 1944 par la Standard Motor Company, dirigée par Sir John Black. Cette firme produisait des moteurs pour SS Cars Ltd. qui, au lendemain du conflit, eut le bon sens de se rebaptiser Jaguar. A la suite d’un différend avec William Lyons, fondateur et propriétaire de ce nouveau félin de l’automobile, Sir John Black décide de ressusciter le nom de Triumph pour en faire une marque concurrente.

La petite Triumph Mayflower lancée en 1949 rencontrera un certain succès.

Les premiers modèles à arborer le nom de Triumph après la guerre étaient le Roadster 1800 et la berline 1800 Town & Country Saloon, respectivement rebaptisés Roadster 2000 et Renown un peu plus tard. Pourvus d’un style résolument daté et torturé, ces modèles aux prétentions luxueuses ne rencontrent que peu de succès. Un modèle de petit gabarit lancé en 1949, la Triumph Mayflower, connaîtra un succès nettement supérieur et invitera la marque à revoir ses critères. Entre-temps, Jaguar lança sa XK 120 dont l’apparition fit énormément de bruit. Voiture de série la plus rapide du monde au prix d’achat ridiculement bas, elle devient très vite la coqueluche des stars américaines et, de ce fait, connaît un insolent succès outre-Atlantique. Bien décidé à ne pas se laisser faire, Sir John Black tente un rapprochement avec Morgan mais se fait envoyer sur les roses. Il décide alors de créer son propre roadster sportif et lance la conception d’un modèle dont le prototype est exposé au salon de Londres 1950. Muni de phares rétractables, d’une panoplie de gadgets électriques et d’une ligne futuriste, ce roadster est baptisé TRX et inaugure donc l’appellation TR, qui ne signifie ni plus ni moins que Triumph Roadster. Malgré cela, le coût de revient élevé d’une mise en production fait redescendre Sir John Black sur terre et ce projet passe la trappe des oubliettes.

Changement de stratégie

Il n’échappe toutefois pas au directeur de Triumph que, sur le marché américain des roadsters à la british, un créneau peut être saisi entre la moderne et luxueuse Jaguar XK 120 et l’antique et spartiate MG TD. Les équipes de Triumph se retrouvent donc face à un nouveau challenge, consistant à concevoir un nouveau roadster aux coûts de fabrication les moins élevés possible et qui devra être dévoilé au British Earls Court Motor Show de 1952. C’est donc dans le cadre de cet événement qu’est dévoilée la Triumph 20TS, officieusement dénommée TR1 par la suite. Construite à la hâte, elle possède déjà toute l’aura du futur roadster de la marque mais doit être revue en profondeur, notamment au niveau de sa mécanique. La TR de série conservera toutefois la plate-forme héritée de la Standard Eight. La cylindrée de son moteur passe de 2 088 à 1 991 cm3 par une réduction de l’alésage afin de pouvoir également s’insérer dans la catégorie des moins de deux litres lors de futurs engagements en compétition. Deux carburateurs SU H4 ainsi qu’un nouvel arbre à cames permettent d’augmenter le taux de compression. La puissance finale atteint 90 chevaux à 4 800 tr/min. Du côté des lignes, seule la poupe est modifiée, voyant sa roue de secours apparente logée désormais dans un compartiment spécifiquement aménagé derrière la plaque minéralogique, et le porte-à-faux est allongé pour équilibrer l’ensemble.

Prologue d’un mythe 

Bien que pas tout à fait au point, la nouvelle Triumph TR2 est présentée au Salon de Genève en février 1953. Son style présente un parfait intermédiaire entre les roadsters MG et la Jaguar XK 120, notamment par ses phares semi-encastrés. Elle ajoute sa petite touche personnelle en adoptant, en guise de calandre, une large et profonde ouïe de refroidissement qui recevra vite le surnom de Bomb Hole (trou de bombe). Il faudra toutefois attendre le mois de juillet pour qu’explose véritablement le phénomène. Grâce à un tarif insolemment bas, elle incarne le meilleur rapport prix/performances du moment. La vitesse de pointe d’environ 170 km/h reste en deçà de certaines de ses concurrentes mais la Triumph TR2, par sa position de conduite cheveux au vent et postérieur au ras du sol, offre des sensations bien à elle, rythmées par une sonorité unique. Malgré un aspect quelque peu dépouillé, la TR2 offre une instrumentation de bord complète incluant un indicateur de pression d’huile, de température d’eau, une jauge à essence et un compte-tours. Concernant le reste des équipements, le gentleman pilote est invité à se pourvoir d’une grosse écharpe et d’une casquette en tweed à moins qu’il daigne s’acquitter de 10£ pour recevoir le chauffage, uniquement disponible en option. En sus sont également facturés l’intérieur cuir, les pneus spéciaux ainsi que le fameux overdrive. Le succès ne se fait pas attendre et l’indécrottable Sir John Black finit par gagner son pari puisque les États-Unis absorbent 70 % de la production.

Le roadster tremplin 

La Triumph TR2 n’évolue que peu. Les 500 premières unités reçoivent un capot en aluminium, les freins sont légèrement revus et, à partir de fin 1954, les portières sont raccourcies et les feux arrière redessinés. Il n’a fallu que très peu de temps pour qu’un véritable marché se soit créé autour du roadster à l’anglaise. La concurrence est alors plus étoffée et ne manque pas d’arguments. Les Américains sont les plus friands de ce concept et sont encore plus demandeurs de performance et d’améliorations. La Triumph TR2 s’éclipse alors en plein succès pour laisser place à la nouvelle Triumph TR3, qui n’en est qu’un restylage un peu plus puissant mais qui booste les ventes en donnant une impression de nouveau modèle. La saga TR se poursuivra ensuite, chaque nouvelle mouture arborant l’appellation numérotée suivant celle de sa devancière, avant de s’achever en 1981. Bien que quelque peu évincée par la notoriété des modèles qui l’ont suivie, la Triumph TR2 reste celle par qui tout a commencé et sans laquelle Triumph n’aurait jamais eu cette aura si particulière. Elle connut également un beau succès puisque, en un peu plus de deux ans, 8636 exemplaires ont trouvé preneur.

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