Renault-Oyak 12 Toros: la cousine anatolienne !
Aujourd’hui, la Renault 12 garde encore une image un peu ringarde malgré la cote toujours plus haute de son dérivé sportif Gordini. Elle porte encore en elle une tache indélébile pour les amateurs de sport automobile : elle condamnait la R8 (et son dérivé sportif Gordini), si amusante à conduire avec son moteur à l’arrière. Car la 12 n’est qu’une vulgaire traction (ce qui à l’époque était pourtant la voie de la modernité). En outre, elle proposait un physique bien sage, tri-corps, sans véritable charme ni audace stylistique : une voiture passe-partout quoi !
Pourtant, la Renault 12 sera pour Renault un outil de conquête international incroyable, et il suffit de se laisser emporter par une recherche Google pour voir quel engouement elle suscite encore en Argentine, en Roumanie ou en … Turquie, où elle sera fabriquée jusqu’en 1999 et commercialisée jusqu’en 2000 ! La 12 sera fabriquée dans un nombre de pays incroyable : Roumanie donc (lire aussi : Dacia 1410 Sport), Argentine (notamment en finition Alpine, lire aussi : Renault 12 Alpine), Australie (sous le petit nom de Virage, lire aussi : Renault Virage), Afrique du Sud, Canada (j’y reviendrai), Colombie, Côte d’Ivoire, Espagne, Irlande, Maroc, Madagascar, Portugal et bien sûr en Turquie.
Evolution de la Renault 12 en Turquie, jusqu’à la Toros à partir de 1989Autant dire que la Renault 12 a laissé un souvenir international important. C’est le résultat de la politique d’expansion internationale lancée par Pierre Dreyfus, le PDG de la Régie Renault, dans les années 60, dont les résultats se verront particulièrement dans les années 70. Saisissant toutes les opportunités, la Régie n’hésitait pas à l’époque à s’implanter industriellement, y compris dans les pays de l’Est comme la Roumanie (lire aussi : Dacia 1100). Le marché turc, jusqu’alors anémique, commençait à devenir prometteur, et Renault ne fut pas le seul à s’y intéresser : Ford avec Otosan, ou Fiat avec Tofas, firent de même.
Lorsqu’en 1969 apparaît l’opportunité de s’installer dans l’ancien empire Ottoman, Renault ne refusa pas cette chance. Elle s’associa avec un partenaire incongru, mais qui restera fidèle, Oyak et fut soutenue dans l’aventure par la banque Yapi Kredi. Oyak est une société qui n’a rien à voir avec l’automobile, puisqu’il s’agit d’une sorte de fond de pension gérant les retraites des officier de l’armée turque. Bref, peu importe, deux sociétés furent donc créées en 1969, Renault-Oyak, structure industrielle qui s’installe à Bursa (l’usine sera construite en deux ans), et MAIS, la structure commerciale chargée d’écouler les 12.
C’est en 1971 que la première R12 turque sort des chaînes de Bursa. Cette année-là, la production est encore relativement modeste, avec 1571 exemplaires fabriqués. Mais ce sera le début d’une longue histoire d’amour entre les turcs et la 12 ! Jusqu’en 1985, date à laquelle la Renault 9 viendra la rejoindre sur les chaînes, la 12 restera l’unique produit d’Oyak-Renault. Entre temps, en 1982, elle aura reçu un premier restylage pour moderniser son dessin.
Contrairement à Dacia, qui coupa les ponts avec Renault à la fin des années 70, et qui fit évoluer seule sa berline, Oyak-Renault reste une filiale de Renault (c’est encore le cas aujourd’hui, avec 51 % des parts) et les évolutions de la Renault 12 se font donc avec l’aval du constructeur français. La Renault 11 rejoindra la 9 et la 12 en 1987 tandis que la 21 fera son apparition sur le marché turc en 1990. Pourtant, Oyak-Renault ne veut pas abandonner son best-seller malgré une 21 bien plus moderne (mais aussi plus chère). Aussi, en 1989, la 12 a droit à un vrai traitement cosmétique, et à un changemenr de nom : elle quitte son chiffre porte bonheur pour ne plus s’appeler que Toros.
On pourrait croire qu’il s’agit du chant du cygne, mais pas du tout : elle tiendra encore 10 ans, avec ses versions berlines ou « Station Wagon », grâce à un rapport qualité/prix (mais surtout prix) imbattable, dans une Turquie en plein développement économique. Elle n’était disponible qu’avec une seule motorisation, un 4 cylindres 1,4 litres de 62 chevaux. Preuve que Renault comptait encore beaucoup sur la Toros, elle lui offrit un spot de publicité ambitieux, « à la Citroën », avec deux Toros transportées par des hélicoptères.
Les Toros furent un grand succès commercial même si les ventes commencèrent à décliner à la fin des années 90. Elles restent pourtant dans l’imaginaire turque, ayant équipées la police et l’armée de longues années durant. Lorsque la dernière Toros sortit de l’usine de Bursa, plus de 700 000 Renault 12 avaient été fabriquées depuis 1971. Pas mal pour une mamie. Aujourd’hui, si vous êtes un inconditionnel de la 12 et que vous voulez compléter votre collection par des modèles rares ou improbables, il est donc possible d’acheter en Turquie de Toros d’occasion à des tarifs imbattables !