Renault 11 Turbo « kit Ferry » : pierre philosophale !
Oui je vous vois déjà ricanner à l’énoncé de la voiture de cette article ! Aujourd’hui, les Renault 9 et 11, fussent-elles Turbo, sont encore un peu coincées dans une sorte de no man’s land, plus vraiment occasion, pas tellement collection, tout juste youngtimers. Pourtant, je vous garantis qu’à l’époque, ce duo de petites bombinettes, dotées du fameux Cléon-Fonte de 1,4 litre, gavé par un turbo Garett T2 développant 105 ch (puis 115 ch à partir de 1986 et de la phase 2), faisaient tourner les têtes sur leurs passages. Bien sûr, aujourd’hui, les petites GTI ont relégué dans l’ombre ces « turbo » des années 80, mais ne nous moquons pas trop !
Preuve s’il en était besoin de leur popularité, Majorette en proposait un magnifique exemplaire rouge que je possédais (et possède encore) dans ma collection. Si les 9/11 apparurent sur le marché français dès 1981, il fallut attendre mars 1984 pour voir apparaître la Renault 11 Turbo. A l’origine, seule la 11 (uniquement en trois portes à hayon d’abord, puis en 5 portes aussi à partir de mars 1985), ciblant une clientèle plus jeune, dynamique et moderne que la 9 (tricorps plus traditionnelle), devait récupérer le fameux sigle « Turbo », mais finalement, la 9 eut aussi droit à sa déclinaison sportive à partir du millésime 1986.
La Renault 9 Turbo n’apparaît qu’avec le millésime 86.Mine de rien, la R11 Turbo (et a fortiori la R9 Turbo) se démerdait pas mal pour l’époque, avec un poids contenu sous la tonne (910 kg), et un 0 à 100 avalé en 9 secondes. Ces performances conduisirent les Gendarmes du GIGN a en acquérir un exemplaire (gris métalisé, il n’eut jamais le droit au bleu gendarmerie).
Une seule R11 Turbo équipa la Gendarmerie, pour le compte du GIGNEn mai 1985, c’est aussi la déclinaison Zender qui faisait son apparition, histoire d’apporter une touche un peu plus agressive (voire tuning) à la sportive compacte de Renault (lire aussi : Renault 11 Zender). Mais ce kit carrosserie n’était pas accompagné d’une préparation moteur.
Quelques Zender reçurent un kit FerryPour plus de pêche, il fallait se tourner vers le « Kit Ferry »… Rien à voir avec Jules Ferry. Enfin presque, car ce kit a un lien avec un autre ministre de l’éducation nationale, Luc Ferry. Oui vous avez bien lu. Car Luc, le philosophe, homme politique et donc ministre pendant un temps, était le fils de Pierre. Comme le souligne l’Express (lire aussi : Luc Ferry l’anticonformiste), Pierre Ferry était un « ouvrier aristocrate » de la trempe d’un Amédée Gordini. Mécanicien autodidacte, pilote automobile à ses heures, il bidouillait un peu de tout dans son atelier de La Garenne Colombes, construisit ses propres barquettes (15 exemplaires en tout), et modifia des moteurs de Dauphine entre autre.
La Turbo exista aussi en 5 portes !Dans les années 80, les ateliers existent toujours et proposent donc des kits pour la course notamment, et modifie toujours des modèles anciens. Pour donner un peu plus de pêche à la Renault 11 Turbo, les Etablissements Ferry vont donc proposer une modification du Turbo (pression augmentée) ainsi que quelques autres détails au sein du Cléon-fonte pour tirer 125 ch (20 de plus que la première version, et toujours 10 de plus que la version phase 2). Les freins sont eux aussi modifiés et renforcés, tandis que la R11 Turbo « kit Ferry » reçoit des jantes Rial spécifiques de 15 pouces et des pneus Yokohama 195/60 (obligeant à modifier un peu les passages de roue). Pour le reste, rien ne change.
Pourtant, avec ces 20 bourrins de plus, les performances sont sensiblement améliorées : 200 km/h en vitesse de pointe, et 0 à 100 en 7,8 secondes (soit 1,2 seconde de mieux que la Turbo « normale »). Difficile de savoir combien de R11 Turbo ont reçu le kit Ferry, sans doute une ou deux dizaines maximum. Quelques Zender (pas beaucoup) y eurent droit aussi. D’ailleurs, il est impossible d’en trouver une photo sur le net (ce qui explique que les R11 présentes dans cette article ne soient pas des « Ferry »). Heureusement, quelques journaux prouvent son existence, comme cet exemplaire de l’AutoHebdo.
Aujourd’hui, Pierre Ferry a disparu depuis longtemps, mais son fils Luc reste un passionné de voiture, capable de démonter un V6 tout en philosophant. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le croiser et de discuter un peu lors du précédent Rétromobile : il reste un fervent amateur, rêve d’une 4CV, voire de retrouver les voitures construites par son père. Quand à l’entreprise, elle existe toujours, à Sainte Genneviève dans l’Oise, au sud de Beauvais, et continue de proposer de modifier ou d’entretenir des véhicules anciens ou de course.