Peugeot 407 Coupé : une difficile succession
Ayant plutôt réussi la transition post-205 et traversé les années 90 avec sérénité, Peugeot envisageait les années 2000 comme un nouvel âge d’or. Fort des succès de la série 06, la marque au Lion lançait l’offensive avec la grande berline 607 en 1999 et l’ambition de transformer les succès des années précédentes en une vraie réussite. Pourtant, ces années 2000 ne furent pas aussi sereines que prévues et, s’il est une voiture qui exprime bien les errements de ces années-là, c’est bien la 407 Coupé.
Si, au début des années 80, Peugeot était passé à deux doigts de la catastrophe (et de la disparition), la marque s’était ensuite formidablement redressée grâce à la 205 d’abord (et ses envoûtantes déclinaisons GTI ou cabriolet) puis à l’alléchante berline 405. Cette décennie fut celle du renouveau mais elle vit aussi passer à la trappe quelques produits spécifiques : le haut de gamme propulsion (505, 604) mais aussi les grands coupés et cabriolets si chers à la marque. Adieu donc les délicieux coupés et cabriolets 504 dessinés et produits par Pininfarina, comme leurs prédécesseurs 404 ou 403 dans les années 50 puis 60.
Peugeot a le vent en poupe
Les années 90 furent celles de la stabilisation et de la consolidation. Dès 1989, Peugeot faisait un retour remarqué (mais un peu raté) dans le haut de gamme avec une 605 traction, développait sa gamme vers les niches avec la 306 cabriolet, remplaçait habilement la 205 par la 206 ainsi que la 405 par la 406. Une continuité bienvenue et réussie permettant à la marque d’envisager un retour sur le marché du coupé (le cabriolet restera aux oubliettes). Avec la baraka de cette décade et l’appui toujours bienvenu de Pininfarina, la marque sochalienne lançait un chef-d’œuvre (du moins pour un constructeur généraliste) en la personne du coupé 406. Habilement dessiné, doté de l’excellent châssis de la berline, et convenablement motorisé (même s’il aurait mérité plus encore de chevaux), ce dernier compensait une finition moyenne par un sex-appeal évident. Le public ne se fit pas prier puisque 107 631 clients prirent livraison de leur 406 coupé, faisant mentir les stratèges qui pensaient en vendre 70 000 au maximum.
L’entrée dans les années 2000 voyait donc Peugeot en pleine confiance. Cependant, décliner et faire progresser une gamme particulièrement aboutie n’est jamais facile. La nouvelle série 07 fut lancée par la grande berline 607 en 1999. On mit toutes les chances de son côté en retardant plus que de raison sa cousine Citroën C6 mais cela ne suffira pas à en faire le succès : même sans concurrente directe au sein du groupe, elle ne réussira même pas à égaler les scores d’une 605 ayant pourtant souffert de son début de carrière manqué. Vint ensuite la 307 en 2001. Succédant à l’élégante 306, elle fit évidemment mieux que sa devancière en bénéficiant d’une carrière plus longue et surtout plus internationale (Argentine, Brésil, Chine), mais elle caricaturait le style Peugeot en voulant compenser l’absence de monospace compact (une primeur laissée à Citroën avec la Xsara Picasso) par une silhouette perturbante et pas forcément très réussie. En 2004, la 407 prenait la relève de la 406, suivant la même tendance que la 307, mais avec plus de réussite grâce à sa taille et à son empattement plus long. Pourtant, on sentait déjà la perte d’une certaine élégance au profit d’un profil plus outrancier.
Un héritier pour le coupé 406
En 2005, Peugeot entreprit donc de renouveler son coupé 406. Pininfarina avait tiré, avec ce dernier, toute la substantifique moëlle du style Peugeot de l’époque mais les designers Peugeot, emmenés par Gérard Welter, crurent pouvoir faire encore mieux pour cette nouvelle génération. Or, la nouvelle tendance du style sochalien se prêtait beaucoup moins à l’exercice. Et puis, qu’il est difficile de succéder à celui qui reçut tous les éloges durant sa carrière ! Le Coupé 407 partait déjà avec un handicap avant même d’être présenté au public.
Celui-ci fut présenté à Francfort à l’automne 2005. Premier constat : ce dérivé de 407 ressemblait bien à une 407, écueil qu’avait évité habilement la 406 Coupé (comme en leur temps les 504 coupé et cabriolet, très éloignés de leur sœur berline). C’est sans doute le premier reproche qu’on lui fit. Deuxième constat : comme avec la 307, la 407 Coupé semblait en faire trop, tombant à côté du sujet. Un exemple ? Le nouveau coupé inaugurait une nouvelle signature (qu’on retrouvera plus tard, mais intégrée de façon plus habile et pour tout dire plus intelligente dans les années 2010), celle des 3 griffes de lion. Malheureusement, placées sur l’aile avant de la voiture, elles firent immédiatement penser à des branchies de requin. À la place d’un lion, on retrouvait un squale. Cet exemple est symptomatique du design Peugeot de cette époque : pas foncièrement raté, mais toujours un peu à côté de la plaque. Trop haut (307), trop mou (607), trop fade (407), trop bizarre (1007). Seule la 207 sortie en 2006 semblait suivre la bonne tendance.
Un lion qui ressemble à un squale
La 407 Coupé, elle, n’était pas moche : si évoquer un squale à la place d’un félin n’était pas volontaire, ce n’était pas rédhibitoire, offrant l’agressivité que n’avait pas la 406 Coupé. Globalement, le dessin s’avérait cohérent, mais paraissait moins dynamique que celui de sa devancière (sans doute était-ce dû à une hauteur ressentie – et réelle – plus élevée, ainsi qu’à un popotin rebondi), moins abouti aussi et d’une certaine manière plus maladroit. Très bien équipée, plus longue, plus large, plus haute que la 406 Coupé, elle accusait aussi un embonpoint plus prononcé : entre 100 et 200 kg de plus selon les versions.
Côté moteur, le client avait le choix entre cinq blocs : deux moteurs à essence et trois diesels ! Certes, la 406 Coupé avait inauguré le gasoil sous le capot, mais de là en faire l’essentiel de l’offre sur un tel segment, voilà un choix étonnant. Concernant le sans plomb, on trouvait donc un 4 cylindres 2.2 litres de 163 chevaux et un V6 3 litres de 210 chevaux. Pour le diesel, le 2 litres HDi se déclinait en deux niveaux de puissance (136 et 163 chevaux), tandis que deux V6 complétaient l’offre, un 2.7 litres de 204 chevaux et un 3 litres de 240 chevaux. Une offre variée, certes, mais un peu incongrue aussi, surtout quand le moteur le plus puissant s’avère être un diesel, motorisation peu glamour pour un coupé, fût-il V6.
L’échec au bout du compte
Ce qui devait arriver arriva : produite de 2005 à 2012, la 407 Coupé ne se vendit qu’à 36 000 exemplaires, presque trois moins que la 406. Attention cependant à ne pas faire de raccourci : ce grand coupé griffé arrivait dans une période bien moins favorable à ce type de carrosserie (sa concurrente Laguna Coupé en fera les frais elle aussi). L’objet de tous les désirs devenait, au fil des ans, le SUV au détriment des grands coupés et cabriolets 4 places d’abord, des berlines traditionnelles ensuite. À l’heure de sa retraite, il fut décidé de ne pas reconduire ce type de carrosserie. Déjà, dès 2010 Peugeot avait fait le choix d’un coupé plus sportif se contentant de deux places avec le RCZ. Une carrosserie qui elle aussi sera abandonnée pour des raisons plus stratégiques que d’échec commercial : il fallait se recentrer pour relancer la machine après une quasi-faillite.
Aujourd’hui, la Peugeot 407 Coupé est entre deux eaux. Moins réussie que la 406 qui, elle, est déjà rentrée de plein fouet dans la catégorie youngtimer (et qui devient même collector au fil du temps), pas aussi rare ni bizarre qu’une Renault Avantime, peu recherchée, elle peut s’avérer un excellent choix pour s’offrir une ligne différente et un peu d’espace dans un budget limité. Elle ne restera sans doute pas dans les annales mais après tout, on a vu des physiques plus ingrats retrouver grâce aux yeux des collectionneurs (et des nostalgiques) : j’en veux pour preuve la Fuego.