Peugeot 304 : une arnaque si désirable
Petit, vous l’avez adorée… Elle a rythmé vos vacances, vous paraissait rutilante avec sa couleur grise, et son intérieur marron, et votre père, ce héros de l’enfance, avait fière allure à son volant. Vous avez souvent joué au conducteur, à l’arrêt, bruitant un moteur bien plus puissant dans votre esprit qu’il ne l’était en réalité, et puis un jour, patatras, tout s’écroule, le mythe se fissure : vous venez de découvrir que la peugeot 304 de votre père n’était qu’une immense arnaque, une escroquerie. Celle que vous croyiez plus proche d’une 504 grâce à son regard quasi identique se révèle n’être qu’une 204 rallongée (2 cm à l’avant, et 13 à l’arrière), dotée d’un nouveau tableau de bord, de moteurs plus puissants, et bien entendu un peu plus lourde (65 kg).
Votre serviteur, fier comme Artaban aux côtés de sa soeur, dans la 304 familiale, une SL phase 2
Et oui, en 1969, lorsque Peugeot révèle sa « nouvelle » auto s’intercalant entre la 204 et la 504, elle y va à l’économie. La 304 va donc cohabiter avec la 204 jusqu’en 1976, représentant la famille de « 7CV » et comblant le principal grief fait à la 204 : son trop petit coffre. Il est vrai que ce nouveau coffre, plus long et plus carré, permettait d’y fourrer l’ensemble des valises d’une famille de 5 personnes (la mienne en l’occurrence), ce qui n’était pas vraiment le cas sur la « petite » 204, qui sera remplacée in fine par la 104 5 portes (lire aussi : Peugeot 104). Oui je sais, c’est un peu obscur cette nomenclature chez Peugeot, puisqu’ensuite la 205 reprendra la place des « petites ».
Au Salon de Paris 1969
Bref, la firme du Doubs va faire un joli coup avec cette 304 : sans investissements majeurs (l’essentiel ayant déjà été amorti avec la 204), elle va écouler 1 178 425 jusqu’en 1980. Etudiée dès 1967 sous le nom de projet D18, elle est présentée au Salon de Paris 1969, soit un an après la 504. En 1970, les 304 Coupé et Cabriolet remplaceront leurs homologues 204 (tandis qu’une version break sera lancée en 1971 (en fait, une 204 Break avec l’avant remanié façon 304, encore une arnaque). Elle connaîtra même une courte carrière aux USA (lire aussi : Peugeot 304 USA).
Inspiration de la Peugeot 204
En revanche, côté moteur, y’a du neuf. Tandis que la Peugeot 204 conserve son 1103 cm3 (53 puis 55 ch), la 304, elle, récupère un 1.3 litre de 65 ch ! En 1972, les versions S (berline, coupé ou cabriolet) recevront une version poussée à 74 ch (grâce à deux carburateurs double corps). A la disparition de la 204, la 304 break GL recevra le petit 1.1 poussé à.. 59 ch. Cette même année, les diesels font leur apparition dans la gamme (1.4 de 45 ch puis 1.5 de 47 ch en 1980). En 1979, les berlines disparaissent pour laisser totalement la place à la 305, que mon père possédera aussi (lire aussi : Peugeot 305). Là encore, Peugeot fera des miracles en créant une nouvelle voiture sur la base de la… 304… elle-même basée sur la 204 : on ne s’embête pas chez Peugeot !
N’appelait-on pas la 304 la « 504 du pauvre » ?
Bon, je crie à l’arnaque, mais ce n’était pas une mauvaise voiture cette 304. Et finalement, malgré l’entourloupe, ce modèle modernisait sacrément la 204. Et après tout, n’est-ce pas le concept qui domine aujourd’hui avec les plate-formes modulaires : base identique, mais carrosserie différente ? En tout cas, il s’agissait bien d’un véhicule plus grand et plus statutaire malgré la ressemblance avec sa devancière, et cela n’avait pas échappé à mon œil de gamin : je regardais avec condescendance les pauvres conducteurs de 204… Sans m’apercevoir que les conducteurs de 504 regardaient avec condescendance mon père ! N’appelait-on pas la 304 la « 504 du pauvre » ?
Un retour à l’enfance
Magie de l’enfance, où l’on ne perçoit que ce qui nous arrange, et où l’on se satisfait de ce qu’on a en imaginant de nombreuses qualités à la voiture de son papa, et c’est bien là l’essentiel. Aujourd’hui, mes enfants sont d’ailleurs persuadés que la Saab de leur papa est le meilleure véhicule du monde : la tradition familiale se respecte !
En attendant, j’avoue que si j’avais quelques euros de plus sur mon compte en banque, je m’achèterai volontiers une 304 SL phase 2 (avec les feux rectangulaires à l’arrière) grise intérieur marron, par pure nostalgie et revivre mon enfance à son volant (enfin!). Aujourd’hui, une 304 « berline » en bon état ne coûte pas grand chose (même si les beaux exemplaires se font rares, malheureusement). Je favoriserai bien entendu le modèle de mon père, mais objectivement, la plus intéressante serait une S au moteur plus puissant. Allez, on s’offrira ce petit plaisir dans quelques années, fortune faite !
Texte : CLÉMENT-COLLIN