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Peugeot 204 : révolution chez Peugeot

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 19/09/2020

À force de l’avoir vue rouler sur nos nationales (elle était encore très courante au début des années 80), on avait fini par oublier combien la Peugeot 204 avait révolutionné la vénérable maison franc-comtoise, mais aussi le marché automobile français au milieu des années 60. On s’en souvient comme d’une honorable berline de milieu de gamme alors qu’en réalité, la 204 fut celle qui permit à Peugeot de s’affirmer comme un véritable constructeur généraliste, tout en imposant la traction “avant” jusqu’alors réservée à l’iconoclaste Citroën ou aux berlines du segment inférieur (Renault 4). En misant sur la modernité, Peugeot changeait alors de dimension et la 204 s’affirmait comme l’une des stars de la deuxième moitié des années 60.

Pour mesurer l’impact de la 204, il faut faire un retour au début des années 60. On a du mal à l’imaginer aujourd’hui mais, à cette époque, Peugeot n’est que le quatrième constructeur français derrière Renault, Citroën et Simca. Rien d’étonnant à cela puisque la marque se concentre sur ce qu’elle maîtrise : la berline bourgeoise, solide, fiable et rassurante. Avec la 403 puis la 404, Peugeot se complaît dans la culture monoproduit et semble s’en satisfaire, gérant ses affaires avec une légendaire prudence provinciale. Son image se confond d’ailleurs avec celle de ses clients, ceux que l’on nomme alors les “bons pères de famille” (ou pour les plus condescendants, les “petits-bourgeois”). 

Changer de dimension, conquérir le marché

Pourtant, la direction a conscience que cette façon de faire ne pourra pas être éternelle. Le monde des années 60 bouge, la concurrence se fait plus agressive et il devient de plus en plus dur d’exister sur le marché avec un seul modèle, fut-il réussi. C’est ainsi qu’à Sochaux on finit par se lancer dans un ambitieux projet, sous le nom de D12. Pas question d’aller concurrencer les deux reines du marché, la toujours fringante 2CV ou la Renault 4 récemment lancée en 1961 : la révolution a ses limites. Il s’agit seulement de descendre d’une gamme sous la 404 pour élargir un peu la clientèle, augmenter les volumes. Pas question pour autant de faire acte de présence : la future 204 doit durablement conquérir le marché, transmettre à une nouvelle clientèle les valeurs Peugeot, et montrer le savoir-faire de la marque au plus grand nombre.

En réalité, Peugeot a en ligne de mire la Simca 1000 et la Citroën Ami 6 (lancées toutes deux en 1961), la Renault 8 lancée en 1962 puis la Simca 1300. La 1000 et la 8 sont encore dans la tradition du “tout à l’arrière” sur ce créneau et si elles rencontrent un franc succès, elles demandent du doigté et de la maîtrise pour rester sur la route. L’Ami 6, quant à elle, est une traction, certes, et bénéficie de l’image Citroën qui caracole en haut de gamme avec sa DS révolutionnaire, mais son style tarabiscoté et sa motorisation bicylindre n’aident pas à conquérir le marché. Enfin, si la Simca 1300 s’avère sérieuse et statutaire, elle reste une propulsion (mais au moteur avant). Peugeot va donc prendre une décision surprenante : réaliser une synthèse sérieuse et moderne des tendances de l’époque tout en restant conservateur dans l’approche.

Une approche résolument moderne

Ainsi, pas question de suivre les pas de Renault (Renault 4 mais aussi R16 en 1965) en optant pour un hayon trop peu statutaire aux yeux des dirigeants de Peugeot, malgré des qualités indéniables en termes de praticité. Pas question non plus de conserver la propulsion jugée peu convaincante sur les petits modèles (et encore moins d’envisager un moteur à l’arrière). Pas question enfin de proposer une motorisation anémique ou antédiluvienne. Place à une voiture sérieuse à trois volumes, avec un moteur à l’avant, un coffre à l’arrière et cinq places au milieu. Côté moteur, Peugeot fait le choix d’un tout nouveau bloc en alliage léger (ainsi que la boîte) de 1 130 cc développant la puissance très respectable pour l’époque et la catégorie de 53 chevaux. Ce dernier est placé de façon transversale (comme les Mini) permettant de gagner en volume dans l’habitacle. La boîte à 4 rapports est intégrée sous le moteur avec lequel elle partage la lubrification. Il dispose aussi d’une variante diesel, un carburant sur lequel Peugeot fait un pari, de 1 255 cc et 40 chevaux (un bloc qui connaîtra des problèmes de jeunesse).

La tenue de route et la sécurité ne sont pas oubliées : la 204 s’offre quatre roues indépendantes tandis qu’elle reçoit des freins à disques à l’avant, un raffinement encore peu courant. Le style, on l’a vu, reste volontairement statutaire et classique. Le dessin initial est conçu par le partenaire italien Pininfarina, mais largement remanié par l’équipe du style Peugeot. La “petite” 204 est donc une tricorps élégante et moderne, initiant un nouveau type de calandre bien différent de celui de la 404 d’alors : cette calandre évoluera par la suite sur la 504, la 304 jusqu’à la 505. Un style repris depuis sous l’impulsion de Gilles Vidal avec les 3008, 5008 ou 508

Peugeot rafle la mise

Cet aspect moderne n’est pas que technique ou stylistique, mais aussi marketing car le service de presse de Peugeot va organiser une large campagne de “teasing” puis de promotion de la future 204 à partir du 14 avril 1965, pour accompagner la clientèle jusqu’à la présentation officielle au Palais des Sports le 23 avril. Pour la première fois depuis la fin de la guerre, Peugeot surprend et séduit au delà de sa clientèle traditionnelle. Élégance, tenue de route de premier plan, performance (138 km/h), tout y est. La concurrence est ringardisée et mettra du temps à réagir (Simca 1100 en 1967, Renault 12 en 1969, Citroën GS en 1970). Entre-temps, la 204 s’installe sur le marché au point de devenir la voiture la plus vendue en France en 1969, 1970 et 1971, et ce malgré le lancement d’une concurrente au sein de sa propre gamme (et qui en est étroitement dérivée), la 304 en 1969.

En haut, le coupé et le cabriolet 204, ciblant une clientèle soit plus jeune, soit plus riche. En bas, la version break visant les familles nombreuses

Il faut dire que la 204 n’a pas ménagé sa peine pour atteindre enfin les sommets. En effet, comme à son habitude, Peugeot va décliner son modèle en plusieurs variantes afin de toucher la plus large clientèle possible : un break évidemment, une version “commerciale”, un coupé et un cabriolet. Avec la 204, Peugeot change véritablement de dimension et rebat les cartes sur le marché français. Elle restera en vente jusqu’en 1976, sa gamme fondant au soleil au fur et à mesure de l’élargissement de celle de la 304 (qui récupère dès 1970 les coupés et cabriolets) et du lancement de la 104 en 1972, permettant ainsi à Peugeot de couvrir enfin un large spectre sur le marché.

Une rareté désirable : la 204 Fourgonnette !

Avec 1 604 296 exemplaires, la 204 a véritablement fait changer de dimension la vénérable firme Peugeot qui, forte de ce succès allié à une gestion au cordeau, va même se permettre de racheter Citroën en 1974. Il aura fallu moins de dix ans pour changer la donne. En cela, la 204 est un tournant pour Peugeot comme pour l’automobile française en général. Voilà pourquoi son image faussement ringarde aujourd’hui est un trompe-l’oeil. D’ailleurs, certains collectionneurs ne s’y trompent pas et profitent encore de tarifs relativement attractifs (c’est moins vrai pour les versions coupé et cabriolet) pour s’offrir une icône sûre, fiable et confortable.

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