Panhard CD Coupé : un bicylindre pas comme les autres
Conduire une voiture de course, ayant participé aux 24 heures du Mans, profilée comme un avion, française de surcroît et pourtant équipée d’un modeste bicylindre de seulement 848 cc, c’est possible : il suffit juste de se mettre en quête d’une rare Panhard CD Coupé, héritière des DB HBR5 des années 50 et fruit du schisme entre Charles Deutsch et René Bonnet. Avec son Cx record et malgré un physique pas forcément facile, la CD Coupé aura séduit les jeunes garçons de l’époque. Retour sur son histoire.
Charles Deutsch (l’ingénieur) et René Bonnet (l’autodidacte malicieux) s’étaient associés bien avant la guerre, mais ce n’est qu’au début des années 50 que leur petite marque, DB (leurs initiales) fit des siennes tant en compétition avec leurs barquettes et monoplaces que sur la route avec le Coach HBR5 ou le cabriolet Le Mans. Oui mais voilà, les associations ne sont pas toujours faciles sur la durée. Quand vient le temps des divergences techniques ou stratégiques, il faut savoir se séparer.
La Panhard CD participera au Mans 1962, avant d’être présentée en version « civile » au salon de Paris quelques mois plus tardFidélité à Panhard
C’est ce qui arrive à l’aube des années 60. René Bonnet souhaite inonder la France avec un petit coupé sportif à mécanique Renault, un cléon fonte qui réussit déjà fort bien sous les capot arrière des Alpine A106, A108 et A110. Bonnet envisage l’avenir et pense qu’une mécanique de plus grande série, plus récente et déjà abonnée aux petites sportives artisanales françaises. Charles Deutsch, lui, est un fidèle d’entre les fidèles. Malgré l’entrée au capital de Panhard par Citroën, il entend bien continuer sa collaboration avec le constructeur du quai d’Ivry, bien que le bicylindre fétiche de la marque arrive en bout de développement.
Car si le bicylindre reste dans le coeur des français, équipant certes les Panhard comme la récente PL17, la future 24 (qui sortira en 1963) mais aussi les Citroën 2CV ou Ami6, l’heure est tout de même aux modernes 4 cylindres, moins fragiles que les mécaniques pointues de chez Panhard et surtout plus puissantes. Deutsch est pourtant un homme d’amitié et de fidélité à Jean Panhard qui l’a toujours soutenu (et qui va continuer malgré l’influence de plus en plus sensible de Citroën).
Voiture de course sur route
Persuadé que la compétition doit passer avant la commercialisation, il engage aux 24 heures du Mans 1962 trois exemplaires de sa Panhard CD (à carrosserie aluminium et moteur 702 cc), dont l’une terminera 16ème au général et 1ère de la catégorie « moins de 850 cc » devant les Abarth 750. Dans la foulée, la toute jeune marque présente au salon de Paris la version routière qui s’offre quant à elle une carrosserie en fibre de verre réalisée chez Chappe & Gessalin, fournisseur “officiel” de carrosserie de ce type à quasi tout l’artisanat français, mais surtout un 848 cc Panhard de 60 chevaux (SAE) et une boîte 4 vitesses entièrement synchronisée.
Côté carrosserie, tout a été fait pour compenser la faiblesse du moteur mais absolument pas pour séduire. Il en résulte une drôle de ligne toute en longueur que la version route agrémente de pare-chocs en abandonnant le carénage des phares. Elle ne pèse que 580 kg et permet grâce à un Cx record de 0,19 d’atteindre les 180 km/h, dans un bruit assourdissant puisque le bicylindre demande à être mené à la cravache et haut dans les tours.
Diffusion confidentielle
Autant dire qu’en cumulant un prix de vente élevé (50% plus cher que la Panhard 24 qui sort la même année, en 1963), un confort très sommaire, une fragilité mécanique bien connue sur les Panhard de cette génération et une ligne pour le moins étonnante, la carrière semblait mal engagée. Malgré tout, Jean Panhard lui aussi est un fidèle et il intègre la CD Coupé au catalogue, bénéficiant d’une offre produit élargie à moindre frais alors que sa gamme se réduit comme peau de chagrin (PL17 et 24). Sans parler de la prise de contrôle totale de Citroën qui s’annonce de plus en plus (et qui sera effective en 1965).
La Panhard CD Coupé ne sera produite qu’entre fin 1963 et fin 1964 à 160 exemplaires seulement. Un échec pour Charles Deutsch qui se console comme il peut en constatant les difficultés de son ex-compère René Bonnet obligé de céder sa marque à Matra. Ce sera la seule et dernière CD et rien que pour cela, cette “presque” Panhard est désirable. Elle l’est aussi car elle représente bien cette période où de petits artisans tentaient de batailler avec les plus grands sur les circuits comme sur les routes.
Enfin, à l’heure de l’automobile standardisée, cette CD Coupé ayant oublié de séduire sur l’autel de l’aérodynamisme attire toujours autant l’oeil des collectionneurs avertis comme des amateurs de passage s’étonnant de cet étrange faciès et de cette arrière tout en longueur. Seul hic ? Il faudra convaincre un fou furieux de Panhard déjà propriétaire de vous la céder, avec un ticket d’entrée supérieur à 50 000 euros. A vous de voir.