Nissan Prairie (M10) : un temps d'avance
On peut toujours débattre sur l’idée du monospace, du Chrysler Voyager ou du Renault Espace (qui, tous les deux, sont liés, oui oui, lire aussi : les origines anglo-saxonnes du Renault Espace), de l’oeuf ou de la poule, mais je remarque une chose : parmi mes Majorettes de années 80 (lire aussi : Majorette), le seul « truc » du même genre vendu sur les étalages se paraissait d’un vert bouteille étonnant, et n’avait rien d’américain ou d’européen. Le Nissan Prairie n’était pas un monospace à proprement parlé, parce qu’il gardait un museau très conventionnel, mais son aménagement intérieur, sa « hauteur de plafond » et sa modularité le plaçait d’emblée dans la catégorie.
Au début des années 80, en France, une large frange des acheteurs de voitures regardait encore les japonaises de haut. Alors ne parlons pas des japonaises originales, comme la Prairie, au nom fleurant pourtant bon la France, et dont les publicités (japonaises) n’hésitaient pas à la mettre en scène devant le très germanopratin café des Deux Magots. Lancée en août 1982, soit deux ans avant le Chrysler Voyager et 3 avant l’Espace de Matra et Renault, la Prairie détonnait dans le paysage pourtant défriché un peu par la Matra Rancho (lire aussi : Matra Rancho).
Rendez-vous compte, un van qui n’en est pas un, à trois rangées de fauteuils, modulable, moderne, à plancher plat, carré comme un utilitaire, mais au look encore proche du break surélevé, disponible aussi avec garde au sol rehaussée, et transmission intégrale ? Vous avez là la recette du SUV d’aujourd’hui, en mieux (si l’on excepte le look).
Fallait oser sortir ce Prairie (connu aussi sous le nom de Multi, ou Stanza Wagon, selon les pays), mais au Japon, on savait proposer des trucs novateurs avant tout le monde (Sony et le Walkman, ça vous rappelle rien?). Honda sortait au même moment le Shuttle, sans doute avec moins d’audace, mais le mouvement était lancé dans l’Archipel, n’en déplaise aux chauvins persuadés que l’idée du « monospace » venait de Romorantin.
Le Graal : une version 4WD NordicaBon, on vous l’accorde, le style est fortement inspiré d’un dessin de Giugiaro destinée à Lancia, le Megagamma. Mais la Prairie, tout en en conservant l’esprit général, pousse le concept de modularité plus loin, ce concept qu’on retrouvera dans l’Espace : des sièges qu’on enlève et qu’on retire sur un plancher plat, pour dessiner l’espace à sa façon, et surtout des portes coulissantes à l’arrière, ce que le 806 n’apportera qu’en 1994.
Avec son 4 cylindres essence de 1500 cm3 développant 70 chevaux (une puissance tout à fait respectable pour l’époque), un poids réduit à 1020 kg et une multitude de configuration, dont la fameuse version 4WD précédemment citée, la Prairie avait tout pour plaire, et s’imposa suffisamment pour que la vénérable maison Majorette en offre une version à ses petits clients ! Mieux, elle s’offrira ensuite un 1800 cm3 de 102 chevaux, une flèche à l’époque ! Avant 1985, en Europe, la Prairie était par ailleurs badgée Datsun, avant de récupérer son nom nippon. Le tout distribué par les Etablissements Richard !
La Prairie M10 connaîtra une descendance à partir de 1988, sous le même nom mais au code différent (M11) : un vrai monospace dans sa ligne, mais rentré dans le rang par rapport à la concurrence, et qui sera produit pendant 10 ans. En 1998, place au M12, qui lui durera jusqu’en 2004 avant d’éteindre la lignée, l’heure n’étant plus aux monospaces.
On pourra toujours rire sur les japonaises des années 80, les décréter Merguez comme sur certains groupes Facebook, il faut bien l’admettre : elles innovaient, en donnaient beaucoup pour le même prix, et se firent surtout discrètes dans nos contrées à cause des quotas en vigueur à l’époque. Soyez sûr que sans ces limitations de volumes, Nissan, Honda, Toyota, Suzuki et consorts auraient envahi nos marchés comme ils le firent aux USA à la même époque.
Si vous désirez une vraie Youngtimer, originale mais aussi pratique (car c’est cela une youngtimer : une voiture qui roule, qui sert et dont on préserve l’espèce en attendant la collection), dotée d’un grand espace de chargement, de beaucoup de fauteuils, et valant de clopinettes, alors la Prairie est faite pour vous !