Nissan Judo : la tentation du 4x4 sportif et égoïste
En 1987, Nissan frappait fort au Salon de Tokyo, en présentant pas moins de 6 concept-cars rigolos ou plus sérieux. Au menu, la PAO par exemple, premier délire de la désormais fameuse Pike Factory (lire aussi : la Pike Factory), ou bien un drôle de monospace dénommé Jura. Mais c’est surtout le petit 4×4 Judo qui fera son effet lors de cette 27ème édition du Tokyo Motor Show.
La mode n’est pas encore aux SUV en cette fin des années 80, mais les constructeurs pressentent qu’il va se passer quelque chose, et que progressivement, le 4×4 pur et dur alors en vigueur donnera naissance à un nouveau marché, alors connu sous le nom de 4×4 de loisir. Nissan, plutôt en pointe dans l’expérimentation de nouveaux segments, va donc plancher sur un nouveau concept audacieux, mêlant 4×4 et coupé, le Judo.
Vous vous souvenez du Suzuki X90 (lire aussi : Suzuki X90) ? Le Judo présente un concept un peu similaire mais avec 8 ans d’avance. Il s’agit donc d’un véhicule 2 places (et pas une de plus), au look baroudeur certes, mais aussi sportif, aux lignes musculeuses et étonnamment modernes : on présenterait le Judo aujourd’hui, on n’y verrait que du feu. Certes, de nos jours, le travail des feux aurait été plus élaboré et sur ce point, les optiques rondes à l’avant et assez classiques à l’arrière datent véritablement le véhicule. L’intérieur aussi ! Mais pour le reste, le concept est toujours dans le coup.
Pariant sur une utilisation égoïste et sportive du 4×4, le Judo se contente donc de deux places. Visuellement, il peut prendre deux formes distinctes : 3 volumes en position « normale », et 2 volumes lorsque le toit est « retiré » vers l’arrière, offrant alors un T-roof permettant de partir à la plage les cheveux au vent. Un idée rigolote, et plus pratique que de retirer manuellement les panneau de toit d’une targa classique.
A cette époque, si l’on devine qu’un nouveau monde s’ouvre autour du 4×4 ou du « look 4×4 », on n’imagine pas encore vraiment quelle sera la carte gagnante. On explore donc les possibilités, et celle-ci est finalement à l’opposé de ce qui sortira du lot presque 20 ans plus tard. En cette fin des années 80, c’est le monospace qui émerge comme nouvelle proposition familiale, et l’on imagine plus volontiers le 4×4 comme un véhicule plus égoïste, à l’instar du coupé ou du cabriolet. Le Judo est donc une proposition opposée au Jura présenté en même temps que lui.
C’est toute la force de Nissan à cette époque, et encore aujourd’hui : savoir explorer les possibles, proposer des pistes de réflexion, et parfois même, comme avec la Pike Factory, sortir en série les propositions les plus incongrues. Pour le Judo, Nissan fait le pari du loisir pur et dur, du look plus que du pratique : seulement deux petites ouvertures pour un coffre riquiqui, mais une roue de secours bien présente (et participant du design baroudeur du Judo).
L’intérieur se veut, lui, sans chichi : on est pas dans le luxe, mais dans l’épure. Seul l’essentiel subsiste, renforçant encore le côté « loisir » de l’engin. Sans compter son toit rétractable hyper fun changeant totalement le look de la voiture. Bien entendu, l’engin est dotée d’une transmission intégrale (système Nissan ATTESA) et de 4 grosses roues renforçant, si c’était possible, son côté baroudeur.
Côté moteur, Nissan ose le sportif là aussi, avec un 4 cylindres Turbo de 2 litres et 210 chevaux (à l’époque, c’est une puissance très honorable), déjà vu sur les berlines Cedric et Gloria. Le ramage vaut donc le plumage, et on trouve véritablement des watts sous le capot du Judo. Look sportif, moteur sportif, nom sportif, la tendance était donnée.
Nissan, malgré sa capacité à tenter les choses en série à cette époque là (rappelez-vous de l’épisode Autech Stelvio, lire aussi : Autech Stelvio) ne donnera pourtant pas suite au Judo. On pourrait le regretter a posteriori, tant le concept était a priori séduisant. Sauf qu’entre temps, d’autres constructeurs ont exploré cette piste, notamment Suzuki, avec un succès plus que mitigé, le X90 faisant par exemple un flop. Nissan avait donc vu juste. Reste le souvenir d’un bel engin, moderne et encore dans le coup.