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Mercedes-Benz CLK : révolution à Stuttgart !

Par Nicolas Fourny - 11/07/2023

« Si l’on s’attarde sur les formes de cette carrosserie, on ne peut qu’apprécier l’impeccable maîtrise du dessin, totalement renouvelé mais néanmoins immédiatement identifiable comme une Mercedes »

Les visiteurs du Salon de Genève 1993 passèrent de longs moments sur le stand Mercedes-Benz, car une surprise de taille les y attendait. Sous le nom de Coupé-Studie, ils purent en effet découvrir un étonnant concept-car, aux proportions inusitées et au bio-design revendiqué, dont l’apparence contrastait violemment avec la gamme contemporaine du constructeur. Or, ce prototype n’appartenait pas à la famille des exercices de style un peu gratuits et sans avenir ; il annonçait très précisément à quoi les futurs berlines, coupés et cabriolets de la firme allaient ressembler. Par la suite, ce Vier-Auge Gesicht (littéralement, le visage à quatre yeux) se retrouva dès 1995 sur la Classe E de la série 210 puis, deux ans plus tard, sur la première CLK qui nous intéresse aujourd’hui et qui, on va le voir, présente de solides arguments, en dépit de quelques faiblesses…

C’est le K de le dire

La firme de Stuttgart ne révolutionne que très rarement son design. La plupart du temps, celui-ci évolue de façon modérée d’une génération à l’autre ; en partant d’un thème donné, les stylistes passent de longues années à le réinterpréter, à le moderniser et à l’adapter aux différents modèles. Ce fut par exemple le cas des doubles phares horizontaux introduits par la série 116 en 1972, qui essaimèrent ensuite dans quasiment toute la gamme et qui, sous des formats divers, auront perduré jusqu’en 1998. On peut en dire autant des quatre phares ronds, qui n’ont pas vécu aussi longtemps mais ont connu plusieurs avatars distincts — qu’il s’agisse par exemple des « cacahuètes » des Classe C W203 ou bien des paupières tombantes du coupé CL C215. C’est bien toutefois la Studie de Genève 1993 qui a inauguré l’espèce ; le règne de Bruno Sacco à la tête du style Mercedes était sur le point de prendre fin mais, à Untertürkheim, les chambardements allaient bien au-delà d’un simple virage esthétique. La multiplication des gammes, l’irruption dans des segments de marché jusqu’alors inconnus de la firme à l’étoile (que l’on songe à la première Classe A ou au roadster SLK), l’intensification de la concurrence (avec la montée en puissance d’Audi) et le calamiteux rachat de Chrysler conduisirent les dirigeants de l’entreprise à transformer en profondeur les process de conception comme de fabrication et les résultats de cette nouvelle approche n’ont pas forcément été heureux. À la suite de choix erronés dans l’élaboration des peintures et le choix des tôleries, les séries 210, 220 et 203 ont ainsi marqué le grand retour de la corrosion ; en particulier, les Classe E de cette période sont nombreuses à avoir été mises au rebut pour ce motif, ce qui n’a pas manqué de surprendre et de mécontenter les anciens possesseurs de la série 124, bien mieux construite à tous points de vue…

Du carbone à rats

Prenant, à partir de juin 1997, la succession des très appréciés coupés puis cabriolets 124, la CLK de première génération a pu déconcerter les amoureux de la marque, et pas seulement en raison de la rupture stylistique qu’elle incarnait. Son patronyme (Coupé Luxus Kurz) s’efforçait de la rattacher aux prestigieux coupés CL dérivés de la Classe S, mais la réalité technique était moins reluisante car, pour des raisons économiques, la plateforme de l’auto était très étroitement dérivée de celle de la Classe C apparue en 1993 — et qui n’était elle-même qu’une évolution de la 190. De la sorte, derrière un visage qui s’apparentait sans ambages à celui de la Classe E, on avait affaire à des composants moins sophistiqués et donc moins onéreux à produire. Bien entendu, cela ne signifie pas que la CLK doive être considérée comme un sous-produit ; le savoir-faire des ingénieurs de la Daimler-Benz en termes de liaisons au sol n’est pas contestable et, si l’on s’attarde sur les formes de cette carrosserie aux lignes moins tendues et aux galbes plus sensuels que ceux de ses devancières, on ne peut qu’apprécier l’impeccable maîtrise du dessin, totalement renouvelé mais néanmoins immédiatement identifiable comme une Mercedes, y compris par le béotien le plus insensible aux sortilèges de la chose automobile. Il n’en demeure pas moins que certains détails ont pu décevoir, comme par exemple le fait que les vitres arrière de la version fermée n’étaient plus escamotables, délaissant par conséquent le principe du pillarless coupé, si agréable en été et qui avait caractérisé les trois générations précédentes. L’habitacle n’était pas non plus à l’abri des reproches, même si son style n’était pas en cause : tout en respectant scrupuleusement l’identité de la marque, le nouveau mobilier tolérait une certaine souplesse dans les formes et se montrait moins austère que naguère, à l’instar des applications décoratives, pas toujours de très bon goût — le faux carbone aurait davantage eu sa place dans une Opel Astra —, ou des selleries en tissu aux motifs volontiers torturés, histoire sans doute de rajeunir la clientèle visée par le modèle. À la vérité, la CLK s’inscrivait dans la même dynamique que la Classe C dont elle émanait : le niveau général de la finition n’inspirait plus autant confiance, ayant perdu ce côté imputrescible qui avait rassuré tant de conducteurs prêts à de grands sacrifices financiers pour s’offrir une qualité de construction unanimement respectée.

La joie de vivre est en option

Avec le recul du temps, il est frappant de constater qu’au moment même où Audi installait et consolidait sa réputation en la matière, Mercedes mettait délibérément en œuvre un net recul dans le domaine de la sacro-sainte « qualité perçue ». La fiabilité mécanique, c’est évidemment un tout autre sujet, comme certains propriétaires de TT « 8N » ou de S3 « 8L » ont pu l’expérimenter à leurs dépens mais, indéniablement, les Mercedes de ce temps-là étaient devenues moins exemplaires et ne représentaient plus le benchmark absolu auquel nous étions tous accoutumés. La CLK ne fait pas exception à la règle et les versions les plus dépouillées (rappelez-vous les lugubres 200 « Sport » des premières années) ne proposaient pas une expérience beaucoup plus valorisante que leurs concurrentes généralistes : tissus quelconques, plastiques robustes et correctement assemblés mais sans cachet, commandes moins veloutées que jadis, etc. Naturellement, l’épaisseur du catalogue des options n’avait pas changé et, si l’on y mettait le prix, il restait tout à fait possible d’élaborer pour soi seul un coupé réellement luxueux, l’équipement de base demeurant plutôt minimaliste. De très beaux cuirs (notamment dans le cadre du programme designo) et des boiseries véritables pouvaient avantageusement remplacer les garnitures et décorations de série, aussi déprimantes que celles d’une Škoda Felicia. C’est la raison pour laquelle, comme bien d’autres Mercedes, cette auto peut délivrer des sensations très différentes d’un exemplaire à l’autre, d’autant que le panel de motorisations disponibles s’avérait particulièrement étendu !

Du déambulateur au safety car

Car si les clients les moins fortunés (ou les plus vermoulus) se voyaient proposer un quatre-cylindres deux litres de 136 chevaux sans agrément particulier, il suffisait de grimper dans la hiérarchie pour trouver un 2,3 litres à compresseur de 193 chevaux, déjà plus sérieusement charpenté — mais dont la sonorité plaintive pouvait agacer à la longue — et puis, surtout, un V6 et un V8 à trois soupapes par cylindre, issus de la même famille de moteurs modulaires inaugurée en 1997. Développant respectivement 218 et 279 chevaux, les CLK 320 et 430 n’amusaient pas le terrain et dominaient sans réserve leur catégorie, le huit-cylindres ne connaissant aucun équivalent à ce moment-là dans ce segment de marché, ni chez BMW, ni ailleurs. Quant au V6, sa douceur, sa régularité de marche et l’étendue de ses ressources le hissaient à un niveau très proche du M54 bavarois. Aujourd’hui encore, la conduite des CLK sommitales dispense bien des plaisirs et c’est en grande partie aux motoristes maison que nous le devons, sans parler de la variante AMG, nantie d’un 5,4 litres atmosphérique — mes amis, c’était le bon temps… — aussi puissant que musical. Ceux qui, à l’époque, critiquaient vertement les premiers systèmes de contrôle de stabilité pour leurs intrusions inopportunes dans le dialogue qu’ils entretenaient avec leur auto ont probablement été nombreux à changer d’avis après avoir conduit l’engin ; la CLK 55 AMG disposait d’une cavalerie confortable mais, à l’évidence, celle-ci débordait les capacités du châssis en certaines circonstances, ce qui pouvait être diversement apprécié de la part des conducteurs susceptibles, en 2001, de signer un chèque de 545 000 francs pour s’offrir les 347 chevaux promis par la fiche technique. Facile à maîtriser en ligne droite, y compris à grande vitesse (à condition de n’avoir pas fait preuve de radinerie au moment de choisir les pneumatiques), le coupé revu et corrigé par les sorciers d’Affalterbach (et que l’on a beaucoup vu sur les circuits de F1 dans son rôle de safety car, à l’époque où la McLaren-Mercedes de Mika Häkkinen dominait les débats) demandait un minimum de métier pour pouvoir être exploité comme il le devait dès lors que la route se mettait à tourner. Véritable muscle car à l’européenne, cette variante mérite le détour et offre un caractère très différent de ses sœurs de gamme, mais les spécificités de sa mécanique et le coût de son entretien doivent vous inciter à la vigilance : plus de quinze ans après la fabrication des derniers exemplaires, les 3381 unités produites ont largement eu le temps de passer entre des mains plus ou moins recommandables et un dossier d’entretien digne de ce nom constitue donc une condition impérative avant tout achat !

J’ai touché le fond de la piscine

À l’heure actuelle, les CLK de la génération 208 commencent à quitter le creux de la vague et semblent avoir achevé la traversée de l’inévitable purgatoire que connaissent les modèles de ce type et de cet âge. La demande étant encore inférieure à l’offre, les exigences des (nombreux) vendeurs n’ont rien de stratosphérique ; une mise de fonds raisonnable peut suffire pour repartir au volant d’une voiture en bel état et qui, par la suite, ne vous coûtera pas les deux bras en réparations diverses — nous sommes chez Mercedes, ne l’oublions pas et, si ces modèles sont devenus très abordables, leur maintenance demeure coûteuse si elle est accomplie dans les règles de l’art… Pour autant, le marché français a longtemps été tristement encombré d’autos martyrisées, pleines de bosses et de rayures à force d’avoir circulé et stationné dans les grandes villes, aux projecteurs opacifiés par le temps et dont l’habitacle ressemblait davantage à une porcherie qu’au cockpit d’un coupé ou d’un cabriolet de plaisance. Inutile de dire que ces bagnoles-là sont à fuir : une CLK à 2000 euros, c’est l’assurance d’emmerdements qui, pour reprendre une formule chère à feu Jacques Chirac, voleront toujours en escadrille ! Fort heureusement, le marché devient peu à peu mature et les beaux exemplaires refont progressivement surface… La décapotable a existé avec la même gamme de moteurs que la version fermée (hors AMG) et, à notre goût, c’est la carrosserie la plus désirable de cette série : ses quatre vitres s’escamotent complètement, la capote est de bonne qualité, le dessin de l’ensemble témoigne d’une élégance formelle et d’une simplicité très éloignées des outrances contemporaines. Si vous parvenez à vous emparer d’un cabriolet 320 bien préservé et aux options judicieusement choisies, vous détiendrez sans doute l’un des plus agréables daily drivers disponibles à un tel niveau de prix. Il n’est pas trop tard, la saison commence à peine !





Texte : Nicolas Fourny

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