Fiat 128 Rally : la berline en survêt’
Au début des années 1970, tout roule pour Fiat qui a rattrapé son retard en matière de technique. Avec sa 128, consacrée Voiture de l’Année 1970, le constructeur entre la tête haute dans la décennie. Pour que son modèle à succès s’aligne sur toutes les tendances, il convient de l’encanailler. La Fiat 128 Rally fera partie de ces gentilles berlines timidement sportives qui écriront la préhistoire des GTI.
Sur de nouvelles bases
En présentant sa Fiat 128 en 1969, Fiat rattrape enfin son retard technique sur la concurrence européenne. En effet, ce nouveau modèle est la toute première production du Turinois équipée d’une traction avant et d’un moteur placé transversalement. De plus, le gain d’habitabilité que génère ce dispositif a été formidablement optimisé pour le confort des passagers qui peuvent disposer de 80 % de l’espace disponible tout en appréciant un habitacle baigné de lumière. Ajoutons à cela un excellent agrément de conduite et la 128 se retrouve élue haut la main Voiture Européenne de l’Année 1970. Fiat dispose donc d’un modèle de référence sur le marché et cette consécration permet au constructeur de développer différentes variantes l’esprit tranquille. Depuis plusieurs années, Fiat a su développer des petits coupés gentiment sportifs basés sur ses modèles populaires. Face à ce concept rentable et valorisant, Fiat lance, en 1971, son coupé 128, quelques mois après avoir présenté la 128 Rally basée sur la berline.
En tenue de sport
La nouvelle Fiat 128 Rally se cale dans un marché de niche émergent initié notamment par la Renault 8 S, variante édulcorée de la fameuse Gordini mettant à la portée de la clientèle un modèle à tendance sportive restant toutefois un minimum civilisé. L’accent est donc mis sur une présentation évoquant gentiment le sport automobile. Une bande adhésive noire souligne les bas de caisse, le pare-chocs est en deux parties reliées par un petit arceau et reçoit des projecteurs additionnels. Sur la face arrière, quatre feux circulaires ont remplacé les modèles rectangulaires. À l’intérieur, des sièges avant spécifiques en skaï noir à appuie-tête de série ont été installés et le tableau de bord s’est enrichi d’un compte-tours, d’un manomètre et d’un thermomètre d’eau. Le tout est surmonté d’un volant à deux branches ajourées. Au chapitre des options, seules des jantes alliage de marque Cromodora sont proposées. Côté motorisation, le quatre cylindres de 1116 cc d’origine a été gonflé à 1290 cc pour atteindre une puissance de 67 chevaux. Ainsi, la vitesse maximale est, pour l’époque, un correct 150 km/h et le 0 à 100 km/h est atteint en 13,4 secondes. La 128 Rally est uniquement proposée en version deux portes afin de revaloriser ce type de carrosserie quelque peu boudée par le public.
Pleine d’atouts
La Fiat 128 Rally rencontre son petit succès. Sa traction avant, sa suspension renforcée à quatre roues indépendantes lui confèrent un comportement sûr d’autant qu’elle est équipée d’un servofrein, un an avant que ce dispositif ne se généralise sur la gamme. Le confort demeure très bon et la 128 Rally est même équipée de vitres teintées, équipement encore rare à l’époque. À tout cela s’ajoute un prix d’achat défiant toute concurrence puisqu’il n’est que de 15% supérieur à celui de la sage berline lambda. La Rally trouve sa clientèle auprès des jeunes pilotes en herbe souhaitant disposer d’une base peu onéreuse et sûre, du jeune cadre dynamique qui commence à être furieusement en vogue ou du jeune couple qui n’est pas encore assailli par sa horde de bambini.
Un marché tout aussi sportif !
Sportive est aussi la guerre que ces petits modèles se livrent sur le marché car la tendance n’a échappé à personne. Simca fait fort en lançant ses confortables et polyvalentes 1100 Spécial et TI tout en proposant également une Simca 1000 Rallye aux sensations garanties et qui fera très vite parler d’elle. Peugeot s’aligne à sa manière avec sa bourgeoise 304 S tandis que Renault dégaine sa 12 TS. Au milieu de ce tumulte, la Fiat 128 Rally se retrouve pénalisée par son absence de portières arrière et de hayon.
Alors que le scorpion d’Abarth s’est auparavant chargé d’envenimer les petits modèles de la firme turinoise, celui-ci vient tout juste d’en devenir le département compétition. Ainsi, la 128 Rally n’est pas proposée en version Abarth pour la grande série et ne sera jamais officiellement engagée en rallye. Une alternative est alors proposée par Giannini. Le préparateur romain ne fait d’ailleurs pas les choses à moitié et propose même deux versions survitaminées de la petite berline encore trop sage. La Fiat Giannini 128 NP Rally voit sa puissance grimper à 81 chevaux pour une vitesse maximale de 170 km/h tandis que la 128 Rally 1600 voit sa cylindrée grimper à 1580 cc pour 93 chevaux et s’envole à 175 km/h en abattant le kilomètre départ arrêté en trente secondes. En corrigeant les lacunes de puissance de la 128 Rally de série, Giannini lui ôte en revanche l’attrait de son tarif abordable. Résultat, les deux modèles, aussi vertueux soient-ils, verront leur diffusion limitée. En octobre 1973, la Crise Pétrolière vient tout chambouler et les constructeurs automobiles se voient obligés de rationaliser leur gamme. Exit, donc, les frivolités et Fiat se doit d’homogénéiser son offre.
Emportée par la raison…
La nouvelle donne automobile invitant à plus de pragmatisme, Fiat décide de remodeler son coupé 128 pour donner naissance, en 1974, au coupé 128 3P. Celui-ci n’est en fait qu’une extrapolation du coupé original au compartiment arrière redessiné afin de pouvoir le munir d’un hayon. Cette nouvelle version gagne en versatilité et se trouve mieux armée face à une concurrence qui ne cesse d’innover face à une clientèle toujours plus demandeuse malgré un contexte morose. La 128 3P devient donc l’unique 128 à tendance sportive et la Fiat 128 Rally, à la carrosserie deux portes désormais désuète, quitte le catalogue Fiat courant 1975.
Le charme de son époque
C’est à partir de la seconde moitié des années 1970 que les petites sportives arrivent à maturité. En 1976, l’intelligente Volkswagen Golf lancée deux ans auparavant se mue en GTI et défraye littéralement la chronique. Les autres constructeurs ne tardent pas à lui emboîter le pas pour donner naissance à la fameuse saga des Bombinettes, turbulents petits modèles alliant finement prestations sportives et confort digne du grand tourisme. La 128 3P se retrouve vite à la traîne et Fiat, avançant à son rythme, ne répliquera qu’au début des années 1980 avec sa Ritmo 105 TC. Une version 128 Rally Abarth verra finalement le jour en 1977 mais passera quasiment inaperçue.
D’une certaine manière, la Fiat 128 Rally fit donc figure d’échelon dans cette évolution. Son intérêt aujourd’hui est multiple du fait de sa rareté, sa mécanique à toute épreuve et ses couleurs acidulées très seventies auxquelles s’ajoute son irrésistible charme de caisse à savon dévergondée. Suite aux foudres du démon de la corrosion, peu de survivantes sont à dénombrer et un exemplaire en bel état ne se trouve désormais plus à un tarif contenant moins de cinq chiffres…
Texte : Aurélien Charle