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FERRARI
ITALIENNE

Ferrari 365 GT4 / 512 BB : quand Ferrari remet tout à plat

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 08/08/2022

Enzo Ferrari était un homme de conviction mais il savait aussi ne pas rester fermé. Devant le succès de la Lamborghini Miura et de son moteur V12 en position centrale arrière, le maître de Maranello dut se remettre en question. Certes, la Ferrari 365 GTB/4 Daytona se vendait correctement avec son moteur à l’avant mais l’avenir semblait pencher vers l’arrière pour les sportives de haut niveau. Pour cette raison, l’étude d’une super-sportive basée sur ce type d’architecture fut lancée dès 1968, donnant naissance en 1973 à la Ferrari 365 GT4 BB, puis à ses descendantes 512 BB (1976) et 512 BBi (1981) : une légende était née.

La Ferrari P6 Pininfarina inspirera grandement la Berlinetta Boxer

Les premières bases du projet furent posées en 1968 avec la présentation par Pininfarina du concept-car Ferrari P6, dessiné par Leonardo Fioravanti. Si l’arrière ne survivra pas à l’industrialisation, l’avant inspirera fortement le dessin de la future Berlinetta Boxer et par la suite toutes les générations de Berlinetta (308, 288, 328, 348 jusqu’à la F355) : un style était né, immédiatement identifiable comme une Ferrari pour les 30 années à venir.

La Ferrari Berlinetta Boxer de 1971

Enzo cède au moteur central

Pourtant, en cette année 68, le projet d’une berlinette à moteur central “Boxer” n’était encore qu’une ébauche. La nouveauté du moment, c’était la Daytona, restant fidèle aux principes du Commandatore du moteur à l’avant. “Les chevaux sont faits pour tirer la charrette, pas pour la pousser” avait-il d’abord dit devant la Lamborghini Miura, preuve de son doute face à cette formule. Pourtant, “il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis” et Enzo était tout sauf un imbécile. Si, jusqu’à présent, il se refusait à utiliser une telle configuration sur une Ferrari, il n’avait pas hésité à le faire avec sa deuxième marque Dino, en hommage à son fils disparu. Ainsi, la Dino 208 GTS possédait-elle un V6 2 litres en position centrale arrière depuis 1967 (c’était une façon aussi de se différencier des Fiat Dino utilisant le même moteur, mais à l’avant).

La Ferrari 365 GT4 BB est la plus rare des BB, produite de 1973 à 1975.

Bref, on l’a vu, Enzo Ferrari, bien que dubitatif, testait déjà la formule et se laissait finalement convaincre de l’utilité d’une telle position pour le moteur, notamment en matière d’équilibre et de tenue de route. En revanche, il était urgent de ne pas se presser : le concept P6 ne donnera naissance à une version aboutie et réaliste nommée Berlinetta Boxer qu’en 1971, soit 3 ans après. Il faudra ensuite attendre 1973 pour voir la 365 GT4 BB sortir en série. Une longue gestation qui permit aux ingénieurs de Maranello de peaufiner leur produit et aux designers de jauger les réactions du public après la présentation du concept Berlinetta Boxer de 71.

Un V12 à plat dit Boxer

Autre nouveauté sur cette voiture et qui lui donne une partie de son nom, son moteur 12 cylindres à plat dit Boxer conçu par Giuliano de Angelis. En réalité, il ne s’agit pas totalement d’un moteur de type boxer, puisque ses pistons opposés se déplacent dans le même sens, mais peu importe (certains parlent de V12 à 180°). Ce moteur d’une cylindrée de 4,4 litres, doté de deux carburateurs triple corps, développait la bagatelle de 380 chevaux, une puissance respectable à l’époque. Accouplée au 12 à plat, une boîte de vitesses manuelle proposait 5 rapports au pilote. Ce moteur, premier 12 cylindres Ferrari équipé d’une courroie de distribution plutôt qu’une chaîne, offrait l’avantage non négligeable d’un moindre bruit mécanique.

Commercialisée en 1973, la Ferrari 365 GT4 BB tombait pourtant au mauvais moment : la crise pétrolière était passée par là. Or, son Boxer, tout performant qu’il fut, consommait énormément. Certes, la clientèle en avait les moyens, mais ce n’était plus très politiquement correct, tandis que l’évolution des normes anti-pollution aux USA obligeait à revoir un peu la copie.

De la 365 GT4 à la 512 BB

C’est ainsi qu’en 1976 paraissait une évolution de la 365, au nom évocateur de 512 BB : 5 pour la cylindrée, 12 pour le nombre de cylindres tandis que les initiales de Berlinetta Boxer étaient conservées. Passant de 4.4 à 5 litres, le 12 à plat gardait pourtant la même puissance mais obtenue à plus bas régime, pour plus de souplesse. Il récupérait un carter sec évitant les déjaugeages intempestifs. La 512 BB s’équipait en outre de 4 carburateurs triple corps Weber. A cette occasion, elle recevait un subtile restylage particulièrement visible à l’arrière, perdant ses 6 feux arrières en écho aux 6 sorties d’échappement pour deux doubles feux ronds, comme sur la 308.

En 1981, la “supercar” de chez Ferrari évoluait une dernière fois, devenant à cette occasion la 512 BBi. Il s’agissait encore une fois d’une évolution moteur essentiellement, avec le passage à l’injection mécanique K-Jetronic. Dépollution encore plus poussée et injection firent perdre à la 512 une vingtaine de chevaux. Avec 340 ch à l’appel, la Berlinetta Boxer restait pourtant très compétitive. Elle jouera ainsi les prolongations jusqu’à la présentation de la Testarossa en 1984.

Initiatrice des supercars des années 80

Au total, 387 exemplaires de la 365 GT4 BB, 929 de la 512 BB et 1 007 de la 512 BBi auront été produits (soit 2 323 unités) entre 1973 et 1984. Malgré un profil un peu déséquilibré avec un porte à faux avant trop important, cette formidable Ferrari aura marqué les esprits avec ses presque 300 km/h de pointe, ses participations en compétition (notamment en IMSA ou au 24 heures du Mans) et elle aura initié d’une certaine manière ce que l’on appellera les “supercars” dans les années 90 : 288 GTO, Testarossa ou F40.

Aujourd’hui, s’offrir une BB reste un cadeau de luxe : la cote s’établit à 330 000 euros pour les premières 365, les plus rares de toutes (selon LVA, en 2018). C’est certes 2 à 3 fois plus cher qu’une Testarossa mais sans commune mesure avec les 2,2 millions que demande une 288 GTO. En tout cas, elle offre ce magnifique 12 cylindres à plat et des performances à couper le souffle (pour l’époque) avec un 0 à 100 km/h en 6.5 secondes.

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