Renault/Eagle Premier : une française en terre américaine
Le jeu des « facelifts » pour répondre à la demande spécifique d’un marché, comme la Renault Safrane II (lire aussi: Renault Safrane 2) ne date pas d’hier. Déjà dans les années 80 Renault avait utilisé ce tour de passe-passe pour conquérir le marché américain. Si les Alliance, Encore (lire aussi: Renault Alliance et Encore) et Medallion (lire aussi: Renault Medallion) restaient relativement proches de leurs modèles européens (R9, R11 ou R21), la Renault (puis Eagle) Premier est quand à elle bien différente de sa sœur française, la Renault 25, mâtinée de 21.
Les français gardent encore un souvenir frais de la silhouette de celle qui représenta une certaine idée bien française du haut de gamme automobile. On en voit encore de nombreux modèles rouler encore de nos jours. Difficile de reconnaître ses traits en regardant sa version américaine. Il faut regarder les deux modèles attentivement pour tout à coup s’apercevoir que l’une est basée sur l’autre.
Dans les années 70, American Motor Corporation (AMC, propriétaire de la célèbre marque Jeep), est le quatrième et le plus petit constructeur américain, derrière GM, Ford et Chrysler. Mais pour survivre, dans le monde automobile moderne, il faut souvent atteindre une taille critique qu’AMC n’a pas. La fin de la décennie est catastrophique pour AMC qui, proche de la faillite, manque de cash pour renouveler sa gamme et relancer la machine, surtout que la concurrence des japonais se fait de plus en plus sensible.
Renault, qui malgré les tentatives n’avait jamais réussi à percer en Amérique du Nord saisit cette opportunité d’y mettre en pieds, et rentre au capital d’AMC en 1979 (5 % d’abord, puis 46 % en 1985 alors que la situation se dégrade encore). Renault ne réussira jamais à redresser AMC malgré le lancement des Alliance et Encore. En 1987, le constructeur français jette l’éponge et revend ses parts à Chrysler.
Pourtant, Renault avait décidé d’investir mais sa propre situation financière, et l’assassinat de son PDG Georges Besse, changea la donne. C’est dans ce contexte que naît la Premier. Renault est décidé à laisser un haut de gamme à AMC, et plutôt que de vendre une 25 « américanisée », il est décidé de créer une berline capable de séduire les américains en nombre, en renonçant au hayon pour un coffre plus conforme aux goûts locaux.
Fabriquée au Canada dans l’Ontario, la Premier ne conserve vraiment de la 25 que la cellule centrale, tandis que l’avant et l’arrière sont modifiés, et que le châssis emprunte aussi à la Renault 21. Si la ligne est plus classique que la française, elle en perd du coup toute originalité (on doit quand même sa ligne à Giugiaro). Lancée en août 1987, la Premier portera le nom d’une nouvelle marque lancée par Chrysler, Eagle, même si les premiers modèles porteront le losange Renault. Elle sera vendue aussi sous le nom de Dodge Monaco à partir de 1990.
En 1989, l’Eagle Premier sera déclinée en Dodge MonacoLa Premier ne sera fabriquée qu’à 139 051 exemplaires jusqu’en 1992, essentiellement dotée du V6 3 litres PRV de 150 chevaux, le 4 cylindres 2,2 litres d’origine AMC de 111 ch ne rencontrera pas vraiment le succès, et sera rapidement abandonné par Chrysler en 1989.