CAR Système JP4 : une Renault 4 tendance Buggy
Il est des voitures qui, malgré une diffusion confidentielle, réussissent le tour de force de marquer toute une génération de bambins (celle des années 80) et toute une région (le sud de la Bretagne). C’est le cas de la JP4 fabriquée par la société CAR Système, basée à Redon. Malgré 3 dépôts de bilan en 9 ans, et une reconnaissance tardive de Renault, la JP4 aura fait son petit effet une décennie durant, et encore aujourd’hui puisque son apparition sur les routes morbihannaises ou bauloises provoque encore l’étonnement des passants.
Devenir constructeur automobile relève sans doute de l’inconscience, et c’est par folie, jeunesse, insouciance et passion que deux jeunes bretons, Patrick Faucher et GéraLd Mailliard vont le devenir. En 1979, c’est par jeu qu’ils convertissent une Renault 4 pour l’un, une Renault 6 pour l’autre, en sorte de buggy à la française, histoire de rigoler, et surtout pour aller faire les kékés en Corse. Ils sont jeunes, ils sont beaux, n’ont pas vraiment conscience du danger (l’un des deux véhicules n’a pas été homologué à titre isolé), et surtout, se rendent compte sur place du succès d’estime des estivants ou locaux corses !
Les aventures naissent d’un détail, et ce petit succès fait tilt : les Renault Plein Air (lire aussi : Renault 4 Plein Air) avaient fait un bide à la fin des années 60, tandis que les Renault Rodeo 4 et 6 singeaient (mal) la Citroën Méhari déjà en perte de vitesse (lire aussi : Rodéo 4 et 6 et Méhari). Leur proposition, elle, semblait attirer le regard inévitablement : était-ce du au raccourcissement du châssis qui lui donnait un air râblé, presque musclé ? Ou tout simplement à l’arceau qui virilisait la silhouette tout en rigidifiant la caisse ? Sans doute les deux.
Raccourcie et découpée, décorée façon eighties avec des couleurs flashy, la JP4 a du style, et les deux compères que rien ne destinait à devenir constructeurs décident de lancer en 1981, après avoir peaufiner leur offre, la société Construction Automobile de Redon (CAR) Système. A l’époque, il ne s’agit pas encore de produire des véhicules neufs, mais de proposer une transformation sur la base d’une Renault 4 (ou d’une Renault 6, beaucoup plus rarement), le tout pour 15 000 francs. Chaque véhicule doit faire l’objet d’une réception à titre isolé, ce qui complique un peu l’organisation déjà très artisanale.
La Majorette de l’époque ! Il existait aussi une version bleue à sièges roses !D’autant qu’à l’époque, Renault ne semble pas très enclin à soutenir la petite entreprise : son partenaire, Teilhol, qui fabrique les Rodéo 4 et 6, vient de lancer un nouveau modèle, dans la même mouvance que la JP4, la Rodéo 5 (lire aussi : Renault Rodéo 5) basée elle aussi sur la Renault 4 et dotée du même moteur. En 1983, la société doit déposer le bilan, et Mailliard d’écouter la voix de la raison en retournant à son métier d’architecte. Faucher, lui, fait le tour du sud de la Bretagne et du Pays Redonnais pour trouver des investisseurs désireux d’investir pour relancer la machine. Contre toute attente, il va réussir à trouver de quoi poursuivre l’aventure, sans son compère.
La petite société est rebaptisée Car Système Style, et l’offre est « restructurée ». Trois modèles sont désormais proposés : la JP4 (la plus connue) et la JP5, une nouveauté un peu plus fun, tandis que la JP6 reste encore très confidentielle. Les finitions apparaissent, avec la Belle Ile (tiens tiens) de base, la Noeud Papillon, ou la Bebop (rien à voir avec le téléphone éponyme ou la Renault Clio des années 90). On peut même opter pour une transformation sur base 4×4 Sinpar, pour encore plus de fun.
Une JP4 à La Baule, juste à côté de l’annexe de Boîtier RougeIl faut rappeler que la JP4 (et dérivés JP5 ou JP6) n’apportent que des modifications esthétiques, si l’on omet le raccourcissement du châssis : tout le reste est d’origine, que ce soit la mécanique sous le capot, ou les suspensions, mais la légèreté de l’ensemble et les qualités naturelles de la R4 en faisait déjà un engin habile en tout-chemin (et pas tout-terrain hein!). Malgré cela, la mayonnaise ne prend pas suffisamment pour assurer la survie de la petite entreprise, qui dépose à nouveau le bilan en 1984, à peine un an plus tard. Etrangement, c’est sous la forme d’une coopérative lancée grâce aux primes de licenciement des salariés que Car Système sera le plus pérenne ! Relancée, la société obtient l’homologation de la voiture au niveau européen en 1985, grâce à son dynamique patron Yves Rousteau et son technicien Philippe Guillouet. Grâce à cela, Car Système va pouvoir fabriquer sa JP4 (le principal produit de la marque) à partir de châssis neufs. En outre, cette homologation lui ouvre (enfin) les marchés étrangers.
Coïncidence, Renault commence à s’intéresser à cette drôle de grenouille qui, malgré les difficultés, continue à séduire et à se vendre tant bien que mal. Non seulement la Régie accepte de « diffuser » la JP4 dans son propre réseau, mais sa filiale, Renault Italie, en commande 600 exemplaires pour son propre marché ! Enfin, le travail est récompensé, tandis que la célèbre firme Majorette produit une version miniature qui contribuera à la nostalgie aujourd’hui des bambins de l’époque.
Ottomobile a réalisé en 2017 une série limitée à 1500 exemplaires au1/18ème (lien en bas d’article)Pourtant, la Renault 4 n’en finit pas de vieillir, et Car Système réfléchit à proposer un produit plus moderne, plus à la mode, et sans doute un peu plus pratique. C’est la Renault Super Cinq qui va faire l’objet de toutes les attentions à Redon : le concept est différent, on parlera plus d’une découvrable là où la JP4 était un véritable buggy à la mode Manx (lire aussi : Meyers Manx). D’une certaine manière, Car Système s’embourgeoise, d’autant qu’avec les accords noués avec Renault, on ne peut plus trop se permettre de rester dans l’artisanat.
La mise en place de l’organisation industrielle permettant la fabrication en série (même s’il s’agissait d’une petite série) de la Renault 5 Belle Ile aura raison de la petite société bretonne en 1989, après seulement 160 exemplaires produits à Redon (lire aussi : Renault 5 Belle Ile). La société dépose le bilan, et le carrossier Gruau flairant la bonne affaire reprendra les actifs pour continuer à produire la Belle Ile à Laval. 500 exemplaires et deux années plus tard, il jettera lui aussi l’éponge.
La JP4, elle, aura été produite à – approximativement – 1500 voire 2000 exemplaires de 1981 à 1989 (Gruau signera l’arrêt du modèle). Elle reste encore largement méconnue, et reste accessible pour peu d’en trouver un exemplaire. On en voit régulièrement circuler en Bretagne sud (l’une des photos de cet article est prise à La Baule, propriété d’une commerçante proche du Casino et de l’hôtel Royal), plus rarement dans les petites annonces. Mais au lieu de s’astiquer sur une 205 GTI, partir en chasse d’une JP4 sera bien plus excitant, le sport en moins, le fun en plus !
La Car Système JP4 a aussi été réalisée au 1/18ème par Ottomobile en 2017 : La JP4 d’Ottomobile