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BMW 1M Coupé E82 : une voiture pour le couvre-feu

Par - 01/08/2022

Dans l’histoire des constructeurs les plus emblématiques, les plus aimés et les plus anciens, on peut toujours observer, à côté d’une certaine continuité historique dans le maquis des différents modèles et séries, des épiphénomènes, des coups de tonnerre, des efflorescences éphémères. Il émane de ces créations souvent isolées un parfum d’aventure fugace, à tel point que l’on se demande parfois, après les avoir conduites, si l’on n’a pas rêvé. Ainsi en alla-t-il de la BMW 1M, concept surprenant à tous égards, jusqu’à l’illogisme assumé de son appellation mais qui, observée depuis l’étau normatif de l’époque actuelle, scintille et résonne comme l’un des amers d’un paradis perdu. 

BMW 1M

BMW 1M Coupé E82 : une voiture pour le couvre-feu

Dans l’histoire des constructeurs les plus emblématiques, les plus aimés et les plus anciens, on peut toujours observer, à côté d’une certaine continuité historique dans le maquis des différents modèles et séries, des épiphénomènes, des coups de tonnerre, des efflorescences éphémères. Il émane de ces créations souvent isolées un parfum d’aventure fugace, à tel point que l’on se demande parfois, après les avoir conduites, si l’on n’a pas rêvé. Ainsi en alla-t-il de la BMW 1M, concept surprenant à tous égards, jusqu’à l’illogisme assumé de son appellation mais qui, observée depuis l’étau normatif de l’époque actuelle, scintille et résonne comme l’un des amers d’un paradis perdu. 

BMW 1M Coupé E82
BMW 1M Coupé E82

Descendre en gamme…

Lorsque la première BMW série 1 E87 fut dévoilée, en septembre 2004, les réactions des observateurs furent pour le moins contrastées. Après deux tentatives par trop pusillanimes, sous la forme de la série 3 Compact E36 puis E46, Munich se décidait enfin à investir sans ambages le juteux marché des compactes de luxe, huit ans après une certaine Audi A3 — et même vingt-cinq ans après la première Lancia Delta, mais c’est une autre histoire… Toujours est-il que, dessinée sous la houlette contestée de Chris Bangle (le seul designer automobile dont le destin a failli s’apparenter à celui de Salman Rushdie, étant donné l’invraisemblable haine que lui vouèrent longtemps bon nombre d’ayatollahs de la marque), la « 1 » première mouture ne risquait pas d’être confondue avec la première Golf venue. Avec son long capot et son habitacle comme rejeté vers l’arrière, l’auto revendiquait sa principale spécificité : il s’agissait bien d’une propulsion, ce que traduisaient précisément des proportions inusitées dans le segment auquel elle s’attaquait. Elle portait aussi les stigmates de la Bangle touch — ce flame surfacing constitué de plis plus ou moins noyés dans la tôle. Et de la tôle, il y en avait, réduisant d’autant la surface dévolue aux vitrages. S’éloignant résolument de tout consensus stylistique, peu porté sur ces valeurs triviales que sont l’habitabilité arrière, le nombre de porte-gobelets ou le volume du coffre, le modèle n’oublia pas les amateurs de conduite et, aux côtés des inévitables quatre-cylindres Diesel (il faut bien vivre…), au sommet d’une gamme particulièrement étendue, apparurent bientôt des six en ligne dont la musicalité n’avait pas grand-chose à voir avec le ronronnement plus ou moins banalisé des unités turbocompressées qui les ont supplantés.

… mais pas trop quand même

De la sorte, une 130i de 265 chevaux se chargea d’engager la conversation avec l’Audi S3 contemporaine qui, tirant une puissance équivalente de son quatre-cylindres turbocompressé, n’avait guère que sa transmission intégrale et une finition un peu plus aboutie pour pouvoir contester la suprématie de la BMW en termes de Freude am Fahren. D’une réjouissante discrétion dans sa version de base (c’est-à-dire sans le kit optique « M », option manifestement destinée aux patients du docteur Freud), la « 1 » ainsi gréée ne plaisantait pas avec le chronomètre. Pour autant, les motoristes bavarois n’étant pas réputés pour leur laisser-aller, on pouvait s’attendre à ce que la marque n’en reste pas là et, de fait, à l’automne de 2007, BMW dévoila simultanément une 135i de 306 chevaux et une carrosserie inédite — un coupé deux portes, codé E82, qui fit couler beaucoup d’encre, d’abord par une esthétique qu’il était permis de juger baroque, voire légèrement cartoonesque sur les bords, avec cet embryon de coffre et ce toit étonnamment rebondi qui évoqua aux plus anciens l’émouvant souvenir de la Salmson 2300 S ; ensuite par des dimensions très proches de celles d’une série 3 E30

Disponible, tout comme les berlines 3 et 5 portes, avec un large éventail de motorisations, le coupé série 1 n’aura joué qu’un rôle marginal dans la production globale du modèle (environ 5 % du total). À son sujet, il est difficile de parler de finesse ou de grâce mais il a eu le mérite d’offrir une proposition unique dans son segment de marché et aussi, aux yeux des conducteurs sportifs, une alternative intéressante à un coupé série 3 fréquemment accusé d’avoir cédé aux sirènes d’un certain embourgeoisement. Les mêmes conducteurs sportifs qui, tout au long de la carrière de la « 1 », n’eurent de cesse de reprocher à BMW de n’être pas allé jusqu’au bout de sa démarche avec l’attachant trio des 125i/130i/135i, auxquelles on ne pouvait reprocher un quelconque manque de brio mais qui, il est vrai, n’exploitaient que partiellement les possibilités qu’offraient alors les étagères de la firme munichoise, regorgeant de possibilités encore plus excitantes…

Je t’M, moi non plus

Évidemment, on peut comprendre qu’en considérant que les séries 1 et 3 partageaient bon nombre de composants, leur constructeur ait soigneusement veillé à ne pas laisser s’exprimer trop librement les ressources du plus petit des deux modèles afin de limiter les risques de cannibalisation. Néanmoins, bon sang ne saurait mentir et, à l’extrême hiver de son existence, la « 1 » reçut enfin l’onction du très respecté département Motorsport ! C’est, précisément, à la fin de l’année 2011 que les béhémistes patentés obtinrent — ou crurent obtenir… — la réponse qu’ils attendaient. La 1M Coupé avait tout du projet décidé en cours de vie commerciale, esquissé sur un coin de table par deux ou trois ingénieurs décidés à s’extraire des sentiers balisés par le marketing, puis validé, probablement de guerre lasse, par un board qui n’a jamais oublié que, si les ventes des M3 ou M5 demeurent anecdotiques, elles contribuent à entretenir l’image de la marque — et, par ricochet, à écouler bon nombre de 316d et de 518d à de braves pères de famille très peu acclimatés aux subtilités du contrebraquage… Toujours est-il qu’un peu à la façon des Audi RS à une certaine époque, la « 1 » connut donc une fin de vie couronnée de gloire, grâce à cette variante « M » dont les caractéristiques laissèrent pourtant comme un goût d’inachevé à la plupart des observateurs.

Tout d’abord, il y avait cette dénomination ; pouvait-on décemment, reprendre l’appellation « M1 », statufiée par les historiens et vouée pour jamais au vénéré coupé à moteur central de 1978 ? Poser la question, c’était y répondre et la 1M Coupé hérita ainsi d’un étrange sobriquet, sans aucune corrélation avec la nomenclature BMW usuelle. Ce n’était cependant rien à côté des reproches que reçut le moteur de l’engin. Naturellement, pour un propriétaire de Seat Marbella, la fiche technique avait de quoi impressionner : en partant d’une cylindrée de 2979 cm3, le groupe exhalait, sans se faire prier, 340 chevaux à 5900 tours/minute, tandis que le couple atteignait l’impressionnante valeur de 500 Nm, disponibles qui plus est dès 1500 tours ! Le rapport poids/puissance, de 4,4 kilos par cheval-vapeur, battait ainsi, de très peu, celui de l’Audi RS3 (typ 8P), dont le cinq-cylindres délivrait exactement la même puissance — c’était très probablement un pur hasard… Il n’empêche que, très vite, le « M » qu’arborait l’auto se trouva contesté par tout un régiment de puristes aux yeux desquels un moteur ainsi badgé ne pouvait être qu’un groupe à aspiration naturelle et friand de hauts régimes.


Fausse M, mais vraie merveille

Le moteur N54 n’avait en effet de « M » que le nom. On l’a d’ailleurs rencontré, dans des définitions très proches, voire quasiment identiques, sous les capots des 535i E60, des 740i F01 ou de la Z4 35is — des machines tout à fait recommandables, mais qui ne pouvaient revendiquer le pedigree très spécifique des voitures authentiquement motorisées par BMW Motorsport. Dans ces conditions, l’identité de la 1M a immédiatement été considérée comme bâtarde par les gardiens du temple évoqués plus haut, d’autant plus que le N54 était, sans ambiguïté, un moteur du XXIème siècle ; comprenez par là un groupe prêt à affronter des normes antipollution toujours plus drastiques et à vendre son âme aux bienfaits de la suralimentation. Et, de fait, la 1M embarquait bel et bien deux turbocompresseurs, lui conférant un tout autre caractère que celui du S54 de la M3 E46, à la puissance à peu près similaire mais au comportement bien différent.

Cela étant posé, et si l’on évacue toutes les encombrantes questions liées à l’héritage, à la nostalgie, au respect des traditions, aux paradoxes du progrès technique, aux saisons qui ont cessé de se ressembler et aux temps qui ne sont plus ce qu’ils ont été, près d’une décennie plus tard la démonstration reste très convaincante et le plaisir de conduite considérable. Ici, le turbo lag n’existe tout simplement pas et si, sur le papier, la plage d’utilisation peut faire songer à celle d’un Diesel, les sensations de conduite n’ont, comme on pouvait s’en douter, strictement rien à voir. En définitive, la disponibilité de la mécanique éblouit au moins autant que ses ressources théoriques et, si la tessiture du moteur apparaît plutôt étouffée en comparaison de ses devanciers atmosphériques, elle n’en est pas moins plus réjouissante que celle des quatre-pattes de 400 chevaux que l’on peut rencontrer çà et là de nos jours. Un six-cylindres BMW, ça reste un six-cylindres BMW, sapristi ! donc une espèce en voie de disparition accélérée désormais et, rien que pour ça, la 1M mérite le détour.

BMW 1M Coupé E82
BMW 1M Coupé E82

C’est une brute consolante

Peu de temps avant de se suicider, l’écrivain suédois Stig Dagerman publia un essai intitulé Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Comme il est mort en 1954, il n’a pas connu la 1M et quelque chose nous dit que quelques kilomètres à son volant auraient peut-être suffi à le faire changer d’avis. Avec son gabarit relativement réduit, sa boîte mécanique (seul choix possible), sa direction à assistance hydraulique (loin du feeling artificiel et couramment détestable des unités électriques), son différentiel autobloquant et son goût immodéré pour le drift — si toutefois vous avez les talents nécessaires — l’engin présente somme toute un typage à l’ancienne dont les particularismes semblent idéalement calibrés pour nous aider à survivre à la sombre période que nous traversons. De six à vingt-et-une heures — voire plus en zone libre —, ce coupé à la destinée éphémère (un peu plus de 6000 unités produites jusqu’à l’été 2012) et qui attire déjà les collectionneurs peut s’avérer un rempart très efficace contre toutes les formes de morosité. Il ne lui faut qu’un peu d’essence, des routes peu fréquentées, des virages, de la joie de vivre et de conduire. Sa physionomie ne s’encombre d’aucun maniérisme : grosses roues, voies larges, visage expressif et littéralement déchiqueté par les écopes de refroidissement ne laissent que peu d’illusions aux traînards congénitaux qui encombrent bêtement la file de gauche — pour autant, il faut bien en convenir, la 1M est aussi à sa place sur l’autoroute que Franck Dubosc dans un film de Xavier Dolan. Si vous aimez — vraiment — conduire, c’est le moment de craquer pour elle : aujourd’hui, sur le marché allemand, les plus beaux exemplaires dépassent couramment les 50 000 euros. À vous de jouer…



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