Alfa Romeo : gazelles et panthères au service de la police et des carabiniers
Pour qu’une marque s’installe dans le coeur des populations, il n’y a pas que la publicité, les records ou les exploits sportifs, il y a aussi la participation à la vie de la cité. Taxis, pompiers ou policiers permettent de véhiculer l’image d’une marque mieux que bien des spots télévisés, surtout auprès des enfants si prompts à se projeter dans une vie d’aventures. C’est le cas d’Alfa Romeo en Italie qui, des premières 1900 TI jusqu’aux très récentes Giulia Quadrifoglio, est devenu quasiment le fournisseur officiel des forces de police et des carabiniers. Une histoire d’amour qui fait partie de l’histoire de l’Italie et de l’image d’Alfa.
En matière automobile, Alfa Romeo ne produisait, avant-guerre, que des voitures de luxe et de façon quasi-artisanale. Mais à la fin des années 40, sous l’impulsion de son directeur de la conception, Orazia Satta Puliga, la marque italienne prend une nouvelle orientation. Pendant que la production des modèles d’avant-guerre reprend lentement aux côtés d’autres produits comme les cuisinières, les cadres métalliques, voire même les meubles. Mais pour Satta Puliga, hors de question de rester dans cet artisanat. Il lance alors Alfa Romeo dans une vaste réorganisation avec un nouvel objectif : produire une voiture respectant l’ADN de la marque, mais de manière industrielle cette fois.
L’Alfa Romeo 1900 TI Pantera, la fameuse « monture » de la Squadra VolanteLa 1900 séduit la Squadra Volante
Ce sera la 1900, première voiture à être produite en série par Alfa Romeo, à conduite à gauche et à carrosserie autoportante. Lancée en 1950, elle commence sa carrière de façon artisanale le temps que les dollars américains du plan Marshall permettent la mise en place d’une chaîne de montage à partir de 1952. C’est aussi cette année-là que commence l’histoire d’amour d’Alfa Romeo avec la Squadra Volante de la police. L’IRI, organisme d’état propriétaire du constructeur depuis 1933 n’a certes pas eu les moyens de financer la réorganisation industrielle, mais l’État ne compte pas abandonner son entreprise. Dès 1952, la 1900 TI, version sportive de la petite berline d’Alfa, est sélectionnée pour équiper la Squadra Volante, chargée des interventions rapides de la police.
La « Polizia » utilisera aussi des Giulietta TI, en attentand la Giulia…Spécialement équipée pour l’occasion, avec ses 100 chevaux SAE sous le capot, la 1900 TI se pare de noir pour ses fonctions policières. Rapidement, elle gagne le surnom de “Panthère” auprès des policiers comme de la population, marquant durablement de son image toutes les années 50. Elle devient un symbole de la construction de la République Italienne après la chute du fascisme et du royaume d’Italie. L’histoire d’amour entre les forces de police et Alfa Romeo peut commencer.
La Giulia TI des « Carabinieri » sera surnommée GazelleLa Giulia rejoint les carabiniers
Les petites berlines sportives restent l’apanage de la Squadra Volante durant toutes les années 50, mais avec le lancement de la Giulia, qui remplace la 1900, les choses changent : les carabiniers veulent eux aussi leur voiture rapide, et en particulier la Squadra Mobile. À l’instar de leurs homologues de la police, ils reçoivent en dotation, en 1962, la Giulia TI dotée d’un 4 cylindres de 92 ch DIN, une voiture vive, agile, rapide, qui reçoit rapidement son surnom : la Gazelle. Après la 1900 emblématique des fifties, place à la Giulia des sixties… Après la Panthère, la Gazelle…
Là encore, les Italiens se prennent d’affection pour “la petite fiancée de l’Italie”, y compris (ou surtout ?) sous les couleurs de la police ou des carabiniers ! À partir des années 70, l’identification devient moins marquée : des Alfasud, des Giulietta voire des Alfa 90 entrent en service, mais sans réussir à prendre une place aussi importante dans le coeur des Italiens, au fur et à mesure qu’Alfa Romeo rentre, de son côté, dans les difficultés industrielles et financières. Dans le même temps, les forces de police comme les carabiniers commencent à s’équiper aussi ailleurs, chez Fiat notamment.
L’Alfasud intégrera la police dans les années 70Retour en fanfare avec la 156 puis la Giulia
Il faudra attendre les années 90 pour qu’une nouvelle Alfa emblématique intègre les forces de l’ordre. Avec la 156, Alfa renaît de ses cendres : joliment dessinée, agile et puissante malgré le passage à la traction, elle s’offre rapidement une place de choix dans le coeur des Italiens mais aussi des policiers et carabiniers. Un retour en grâce qui durera quelques années encore, lorsque la 159 prendra la relève. Malheureusement, les errements de la marque du début des années 2000 accompagneront une plus grande variété de véhicules de toutes marques (y compris Jeep) au sein des forces de l’ordre. On trouvera bien quelques Giulietta chez les carabiniers, mais rien de bien excitant.
Une Alfa Romeo 156 de la police Vue en coupe d’une 156 des carabiniers (en haut) et Alfa Romeo 159 (en bas)C’est en 2016 qu’Alfa marque son grand retour : avec la Giulia Veloce, la Squadra Volante s’offre désormais 350 chevaux pour faire la chasse aux bandits, et fête son grand retour à la propulsion ! Mieux, les carabiniers reçoivent même deux exemplaires de la fabuleuse Giulia Quadrifoglio dont le V6 2.9 biturbo développe la bagatelle de 510 chevaux : une voiture qui s’illustrera lors d’un transport d’organe médiatisé, parcourant soixante kilomètres en quinze minutes, avec des pointes à 300 km/h.
L’une des deux Giulia Quadrifoglio de 510 chevaux des Carabiniers La Giulia Veloce de la Squadra VolanteAinsi, Alfa aura accompagné depuis 1952 tant la Squadra Volante que les carabiniers grâce à ses voitures sportives, agiles et adaptées aux utilisations policières. Un outil de travail pour les uns, un outil de communication pour les autres (ainsi que des débouchés bienvenus parfois) : de quoi marquer les esprits et les époques. En France, mise à part la célèbre Brigade Rapide d’Intervention, nous n’avons jamais eu au sein de nos forces de l’ordre, de véhicules emblématiques de ce style : les 4CV Pie ou les Renault 4 de gendarmerie ne firent jamais rêver.