Alfa Romeo 155 Q4 : un trèfle au coeur de Delta
Coincée entre une 75 vieillissante mais qui conservait l’amour des Alfistes en qualité de propulsion, et une 156 qui annonçait un renouveau stylistique pour la marque au trèfle, la 155 (type 167) n’aura pas connu la carrière qu’elle méritait. Elle aura pourtant fait rêver une génération de jeunes hommes impressionnés par ses versions GTA et DTM, et aura connu une intéressante version Q4 à transmission intégrale, à la diffusion pourtant limitée.
Présentée en 1992 à Barcelone, la 155 arrivait dans une période délicate. Le positionnement imparti à Lancia et Alfa n’était pas encore toujours respecté, Lancia conservant dans sa gamme de beaux joujoux, comme la Delta (lire aussi : Lancia Delta HF Intégrale). La marque au trèfle, rachetée en 1986, commençait à ressentir les bienfaits financiers des économies d’échelle, mais les amoureux de la marque le lui firent payer en boudant une voiture jugée trop Fiat.
Ses moteurs par exemple : mis à part le V6 2.5 litres de 166 ch issu de la GTV, les autres offres sortaient directement de la banque d’organe Fiat/Lancia, bien que retravaillées parfois à la sauce Alfa (Twin Spark notamment). La plate-forme (sacrilège, une traction) était tout bêtement la Tipo 3 (commune aux Fiat Tipo, Tempra, Lancia Dedra et à la future Delta 2). Bref, malgré un design plutôt sympa et original réalisé par l’institut I.DE.A, bien agressif et carré, avec son cul assez haut et cet avant ravageur, la 155 n’enthousiasma pas les foules. La preuve, de 1992 à 1997, seuls 192 618 exemplaires trouveront preneur lorsque la 75, entre 1985 et 1992, écoulait 375 257 voitures.
Malgré cela, un modèle sortait du lot : la 155 Q4. Ephémère version sportive de la gamme, non reconduite après le restylage de 1995, la Q4 s’approchait physiquement des versions « corsa » grâce à un kit carrosserie qui renforçait encore l’agressivité naturelle de la ligne. Pour palier l’abandon de la propulsion, elle s’offrait, comme sa grande sœur 164 Q4 (lire aussi : Alfa Romeo 164 Q4), une transmission intégrale : en fait elle réutilisait la plate-forme de la Lancia Dedra Intégrale, elle même utilisant l’expérience de la Delta 1 dans la transmission aux 4 roues. Bref, une plate forme relativement moderne, un système intégral éprouvé et de qualité, de quoi séduire. Le positionnement « sportif » d’Alfa par rapport à Lancia commence à se faire sentir : alors que la Dedra Turbo Intégrale culmine, avec le même 2 litres Lampredi, à 177 chevaux, la Q4 elle, s’offre 190 ch. Et la Delta 2, qui sortira un an plus tard, récupérera le même moteur en version HF, mais pas la transmission aux 4 roues (lire aussi : Lancia Delta 2).
Si la 155 Q4 n’est donc pas aussi puissante et sportive qu’une Delta HF Intégrale dans ses dernières évolutions, elle n’en reste pas moins une superbe machine à rouler. Avec un prix de 194 000 francs en 1994, elle restait tout de même près de 30 000 francs moins chère qu’une Peugeot 405 T16 (lire aussi : Peugeot 405 T16). Mais sa carrière sera brève.
Les ventes seront en effet décevante par rapport aux ambitions. Elle coûtait tout de même 25 000 francs de plus que la 155 V6 (7.196 ex), dotée du Busso plus « Alfa » et mieux équipée. Quand aux vrais sportifs, ils se rabattirent soit les dernières Delta HF « Evo », soit quittèrent la marque pour aller voir outre Rhin si l’herbe n’était pas plus verte ailleurs. Seuls 2701 exemplaires trouveront preneurs, dont tout juste 110 la dernière année (AM95).
Avec le passage à la 156 en 1997, Alfa ne reconduira pas la transmission intégrale. Mais en 2002 avec la GTA, la marque joua enfin sur ses qualités de motoristes, offrant aux fans une version vitaminée du V6 Busso (lire aussi : 156 GTA). C’est sans doute l’erreur de la 155 Q4 : être plus une Lancia qu’une Alfa. A l’instar des 155 V6 DTM, il aurait fallu jouer sur son V6 enchanteur, quitte à lui fourguer encore plus de chevaux, et tabler sur la fidélité au moteur plus qu’à l’efficacité pur d’une voiture qui ressemblait plus à un clone de Dedra un poil plus puissante.
Avec aussi peu d’exemplaires produits il y a de cela déjà plus de 20 ans, il ne sera pas évident d’en trouver un exemplaire en bon état, mais sa cote étant toujours basse (la 155, le cul entre deux chaises, est moins recherchée qu’une 75 ou qu’un 156, quelle que soit la version), il y a moyen de se faire plaisir avec une voiture attachante, au look atypique, et plutôt efficace : malgré tout, il y a un peu de la Delta là dedans, et si c’est pas Alfa, c’est pas non plus n’importe quoi. Enfin, pour les fous furieux qui recherchent vraiment l’originalité, il existe une version rarissime (à peine plus de 20 exemplaires), produite spécialement pour le Japon par Zagato, dotée du moteur non dégonflé de 215 chevaux et d’un kit carrosserie signé du Z (lire aussi : 155 Ti-Z et GTA-Z).