Yugo Florida : 20 ans de carrière, 2 guerres, et des regrets !
Je vous avais déjà parlé de la marque Yugo et du constructeur serbe Zastava (lire aussi : Les Yugo américaines !). Cette petite marque de l’est ressemblait assez à la Yougoslavie de l’époque: certes « communiste », mais cherchant une autre voie, et conservant des relations avec l’occident. Sa tentative de conquête de l’Amérique montre son originalité. Et son nouveau modèle Florida, présenté en 1986 et produit à partir de 1988, prouve son envie de « changer » son image.
Si avec nos yeux de 2014 la ligne de la Florida semble dépassée, il faut tout de même remarquer un air de famille avec la ZX de chez Citroën, qui ne paraîtra qu’en 1991. Qui a dit que la Florida n’était pas moderne? D’ailleurs, son dessin est une « oeuvre » d’un designer célèbre, Giugiaro, preuve de la volonté de Zastava d’occidentaliser sa production. Bon en même temps, il ne s’était pas fouler, reprenant une proposition refusée par Fiat pour sa Tipo. Y’a pas de petits profits.
Les dirigeants de Zastava, forts de leurs liens avec Fiat (présent au capital), voulurent utiliser les moteurs modernes à injection 1,4 et 1,6 litres de la Tipo, mais essuyèrent un refus du géant turinois, craignant pour sa berline compacte. Cependant, devant les contacts engagés avec Nissan pour motoriser la Florida, les italiens durent changer d’avis et cédèrent : ainsi les moteurs de la Tipo purent trouver place sous le capot de la Florida.
La version tricorps fut un temps évoquée… et un prototype réaliséSon nom, Florida, indiquait clairement qu’elle devait prendre la relève de la Yugo GV aux Etats-Unis. Mais jamais pourtant elle ne foulera le sol américain, pour la simple et bonne raison que Zastava n’eut jamais les moyens de la mettre aux normes américaines, drastiques. Entre 1988 et 1991, 18 687 exemplaires de la Florida furent construits. Elles furent exportées un temps en Grande Bretagne sous le nom de Yugo Sana.
Pas beaucoup me direz vous ? Normal, puisque les choses se dégradèrent à partir de là. Car Zastava fait partie de ces constructeurs que l’histoire rattrape. La guerre éclate en Yougoslavie, et l’embargo empêche tout espoir d’exportation, tout en freinant l’importation de pièces détachées. La présentation d’une version 4 portes de la Florida (au look plutôt étrange) n’aboutira pas à une commercialisation. En 1993, la production ne sera que de 793 véhicules. Elle cessera pour ne re-démarrer qu’en 1997.
Alors que des négociations avec PSA étaient bien engagées pour produire des Peugeot dans l’usine, l’histoire frappe une deuxième fois : l’OTAN bombarde les usines Zastava en 1999, anéantissant les espoirs de la marque Serbe. L’usine ne sera opérationnelle qu’en 2000, et la production de la Florida pourra enfin reprendre. Mais un conflit avec Fiat et une dette fournisseur de 75 millions de dollars contraint Zastava à trouver un nouveau moteur pour sa Florida. C’est donc tout naturellement vers Peugeot qu’elle se tourne, et implante un 1,3 essence et un 1,9 diesel français sous le capot de ses Florida désormais aussi disponibles en break.
En 2002, une nouvelle version « restylée » entre en production. Suite à la résolution du conflit avec Fiat, elle récupérera des moteurs italiens à partir de 2003. Mais même avec ce subtil rafraîchissement, la Florida est dépassée, et Zastava commence à assembler des Fiat plus modernes à partir de 2006. Ca sent la fin pour cette voiture qui n’aura jamais pu conquérir l’Europe malgré ses qualités et son prix low cost à cause de deux guerres coup sur coup. En 2008, Fiat prend définitivement le contrôle de Zastava, et stoppe la production de cette deuxième série de Florida après seulement 29 250 exemplaires.
Si la Florida n’a jamais conquis les Etats-Unis, elle connut une autre vie, africaine cette fois. En 2002, à la recherche de devise, Zastava conclut un accord avec le constructeur égyptien El Nasr Automobive Manufacturing Company pour la production en CKD de la Nasr Florida, copie conforme de sa sœur serbe. Elle sera produite jusqu’en 2009 en Egypte, date à laquelle le constructeur égyptien renonça à produire des véhicules particuliers.
La Florida dans sa version égyptienne produite par NasrCette voiture au look moderne (à l’époque) est donc intéressante à plus d’un titre. Elle est à collectionner notamment pour son côté historique, elle qui naquit à un moment compliqué de l’histoire de la Yougoslavie (chute du mur, explosion du pays, guerre et re-guerre). Difficile de dire réellement, notamment à cause de la guerre, combien de Florida furent fabriquées au total (les chiffres donnés dans cet article sont parcellaires), et elle commence à se faire très rare. Bonne chasse !