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Volkswagen Eos 3.6 : fin d'une époque et parfait sleeper

Par Cédric Pollin-Barré - 03/06/2020

Discussion autour de la machine à café :

« Hey, je viens d’acheter un cabriolet allemand, 2 places, moteur turbo central arrière, avec palettes au volant, une vraie bombe. »

Que le propriétaire de Smart Roadster qui n’a jamais fait cette blague lève la main !

Dans un autre registre, c’est un peu pareil pour le Volkswagen Eos 3.6, je vais y venir…

Le Concept C préfigure l’Eos

Nous sommes en plein cœur des années 2000, le groupe Volkswagen affiche fièrement son statut de numéro 1 et l’énorme gamme de véhicules qui compose son catalogue en est la preuve ronflante. Le moindre marché de niche est occupé et le nombre de modèles est décliné à l’infini, c’est le début des multiples variantes, berline, break, break-surélevé, coupé, berline-coupé… À cela s’ajoute la diversité des motorisations, les gammes de moteurs pour un même modèle se font de plus en plus larges, on assiste alors à des mariages incongrus à l’image des Passat W8 ou Touareg W12. Ce sont les années où Volkswagen veut monter en gamme et ne pas rester simple généraliste, ainsi les patrons de VW n’hésitent pas à marcher sur les plates-bandes de la marque aux anneaux en profitant d’une relative indépendance.

Ces goûts de luxe commencent en 2002 sous l’impulsion de Ferdinand Piëch avec la VW Phaeton puis quelques mois plus tard avec le VW Touareg ; à chaque fois le positionnement par rapport à Audi se veut un peu plus orienté confort, Audi gardant l’apanage de la sportivité. Après la limousine et le gros SUV, une autre carrosserie s’avère nécessaire à cette montée en gamme, le grand cabriolet.

La Volkswagen Eos apparaît en 2006

Or la période 2000-2010 marque le retour en force des découvrables et plus spécifiquement des coupés-cabriolets. Cette mode initiée sous sa forme moderne par le Mercedes SLK et la Peugeot 206 CC connaît son apogée à la fin des années 2000 ; même les plus petits modèles démocratisent ce format à l’image de la Micra CC ou de la Tigra Twintop. Et les accros à la bonne vieille capote en toile, telles les Mazda Mx5 ou BMW série 3, succombent à la mode du toit en dur entraînant avec elles la disparition du hard-top, objet qui doit paraître aussi exotique qu’une cassette VHS pour un jeune né après 2000.

Mais revenons à Volkswagen, la marque du peuple veut aussi son coupé-cabriolet. Dans le groupe Volkswagen ce mécanisme est encore inexistant puisque les Audi A3, A4 et A5 dans leur version cab font de la résistance avec leurs capotes en toile. La Golf cabriolet a quant à elle disparue en 2002, sachant qu’il n’y eut pas vraiment de Golf Mk4 cab puisqu’il s’agissait en fin de compte d’une Mk3 carrossée en Mk4, vous suivez toujours ?

Il y a bien eu l’arrivée de la New Beetle cabriolet en 2001, mais Volkswagen veut disposer d’un cabriolet 2+2 du segment supérieur, la Beetle cab, peu habitable, faisant office d’outsider dans son marché de niche du néo-rétro. C’est la plateforme commune de la Golf Mk5 et de l’Audi A3 Mk2 (de son petit nom PQ35) qui va servir de base à cette nouvelle venue. Le concept-car Concept C annonce la couleur au salon de Genève de 2004 avant qu’il soit présenté dans sa forme définitive au salon de Francfort de 2005. Il prendra alors le doux nom de Eos. Si vous connaissez bien votre mythologie et que vous maîtrisez la langue de Shakespeare, vous comprendrez aisément que la Rolls-Royce Dawn est l’héritière spirituelle de notre Volkswagen Eos.

Elle mesure plus de 4,4 mètres, les sièges arrière ainsi que le coffre revendiquent assez d’espace pour assumer son statut de cabriolet 4 places. Notre belle discrète est donc équipée d’un toit rétractable rigide, système confié à OASys (Open Air System). Pour la petite histoire, OASys était une joint-venture créée entre Pininfarina et Webasto en 2002. Mais en 2005 Pininfarina qui, comme d’habitude, n’est pas au mieux de sa forme, décide de céder ses parts à l’Allemand. OASys sera absorbé par le géant Webasto, l’Eos aura été sa dernière création en nom propre. Webasto gardera l’exclusivité de la fourniture de toits rétractables pour Pininfarina et par ricochet pour Ferrari et Maserati. Trêve de digression.

L’Eos est donc équipée par Webasto et non par Karmann, fournisseur historique de VW pour ses cabriolets. Son système de toit est particulièrement exotique puisqu’il est composé de cinq parties et reste à ce jour le seul toit rigide rétractable équipé d’un toit ouvrant. On peut faire coulisser juste la section de verre au-dessus de nos têtes tel un classique toit ouvrant sur une berline ou un coupé. C’est le premier projet de toit rigide rétractable de cet envergure pour Webasto et surtout le premier avec Volkswagen, l’enjeu est donc très important.

Ils décident de construire l’usine de fabrication de ce toit au Portugal, à côté de l’usine d’assemblage VW Autoeuropa de l’Eos. Malheureusement cette usine Webasto disparaîtra avec l’Eos en 2015. Au lancement c’est le grand écart au niveau des motorisations allant d’un petit 4 cylindres 1,4l essence au gros VR6 3.2 sans oublier un 2.0 TDI, époque oblige… Ce VR6 a une architecture moteur où les cylindres sont en V mais placés en quinconce, formant ainsi un angle très fermé. Ce moteur est apparu en 1991 sous le capot de la Corrado avec une cylindrée de 2,8l.

Lorsqu’il arrive sous le capot de l’Eos, la cylindrée est de 3,2l, la même que celle de la Golf R32 Mk5 ou de l’Audi TT 3,2 Mk1. Sauf que contrairement à ces dernières, l’Eos est une simple traction ! On a alors 250ch à faire passer sur les seules roues avant. Le pinacle arrive en 2009. Après seulement deux ans d’existence le VR6 3.2 est remplacé par son évolution en 3,6l. Cette fois-ci c’est 260ch et 350Nm à faire passer au sol, faisant de l’Eos l’une des trois Volkswagen traction les plus puissantes de la marque et ce encore en 2020.

Elle a l’honneur de partager ce moteur avec le Porsche Cayenne ou encore la Passat R36, alors programmée pour atteindre les 300ch. Cette Eos 3.6 ne fut produite que pendant un an et demi. L’Eos restylée arrive dès 2011, sans le VR6 mais avec le 2.0 TSI de 210ch comme version la plus puissante. Le Dieselgate et la rationalisation des gammes sont déjà une réalité. Que ce soit en 3.2 ou 3.6, la boîte de vitesses est la DSG6 DQ250, encore une fois la même que sur la Golf R32.

Cela donne des performances honorables, même si la vocation de l’engin et son poids d’1,6T incitent plus à une conduite coulée qu’à faire une spéciale de rallye. Si vous avez la chance d’en dénicher une, elle ne vous coûtera pas bien cher car coincée dans les limbes de l’occasion et pas encore reconnue pour sa rareté. Mais vous aurez la chance de rouler dans le seul coupé-cabriolet construit par Volkswagen, de plus équipé d’un V6 3.6 qui est sûrement un des derniers V6 atmosphériques de la production automobile. En effet comme le moteur atmosphérique, le cabriolet « grand public » est aussi une espèce en voie de disparition.

Après les années record 2004-2010 où les ventes annuelles de cabriolets en Europe dépassaient les 35 000 unités, en 2019 à peine 12 000 cab ont trouvé preneurs. Le tiers de ces ventes a été réalisé par la Fiat 500C, mais on ne peut pas parler de véritable cabriolet… Dorénavant, le marché des découvrables se concentre sur des voitures de luxe ou des pures sportives, les coûteux et lourds systèmes de toit rigide ayant eux aussi disparu car l’achat d’un cabriolet est devenu uniquement un achat de passionnés préférant la pureté de la capote en tissu.

Remercions nos amis anglais et américains, derniers fervents amateurs de conduite cheveux au vent, pour maintenir à flot les ventes de cette carrosserie si emblématique. Pourquoi ce désamour ? La rationalité l’a t-elle définitivement emporté sur un marché automobile de plus en plus uniforme ou était-ce un simple effet de mode, à vous d’en juger. En tout cas, la réalité est bien là, Volkswagen n’a plus qu’un seul cabriolet dans sa gamme et plus du tout de coupé-cabriolet ou de coupé tout court (disparition du Sirocco).

L’Eos reçoit un restylage plus consensuel en 2010

En effet, même si la Golf cabriolet renaît de ses cendres en 2011, basée techniquement sur la Golf 6 et avec exactement le même empattement que l’Eos (elle est cependant 20cm plus courte), sa carrière sera de courte durée car le modèle disparaîtra en 2016 tandis que l’Eos tire sa révérence un an plus tôt. C’est donc le T-Roc qui reprend le flambeau du cabriolet chez Volkswagen, les échecs du Nissan Murano et du Land Rover Evoque Cabriolet ne font pas peur au géant allemand.

Les modèles comme l’Eos 3.6 peuvent faire sourire aujourd’hui par leur douce inutilité, mais ils symbolisent un temps pas si éloigné où l’automobile n’avait pas été touchée par le scandale du dieselgate et où les coûts de R&D n’étaient pas tous investis dans l’électrification à marche forcée ou dans la connectivité de nos voitures devenues un prolongement de nos smartphones.

La prochaine victime est déjà désignée, la carrosserie trois portes…

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