Talbot Tagora SX : l'autre haut de gamme français
Il est des raretés automobiles qu’on imagine pas. La Talbot Tagora SX en fait pourtant parti avec seulement 1083 exemplaires produits entre entre 1981 et 1983. Il s’agissait pourtant de la plus puissante et de la plus rapide des berlines françaises de l’époque grâce à son V6 PRV de 2,7 litres et 165 ch (144 ch seulement pour la Peugeot 604 V6, lire aussi: Peugeot 604). Plus largement, la Talbot Tagora dans toutes ses versions ne sera produite qu’à un peu plus de 20 000 exemplaires entre 1980 et 1983. Alors comment expliquer ce flop commercial ?
Le programme C9 (qui donnera donc naissance à la Tagora) est lancé en 1976 chez SIMCA, alors filiale de Chrysler Europe. L’objectif de SIMCA est clair : lancer un haut de gamme capable de rivaliser avec les berlines allemandes, rien que ça. Le développement est très abouti en 1978 lorsque Chrysler, en difficulté (c’est un euphémisme, la faillite étant toute proche), décide de se séparer de sa filiale européenne. Peugeot rachète le tout, et rebaptise SIMCA du nom d’une marque française prestigieuse disparue (et dont Peugeot possède le nom), Talbot (lire aussi : le rachat de Chrysler Europe).
En rachetant Chrysler Europe, Peugeot se retrouve avec le projet C9 sur les bras, alors qu’elle possède déjà un haut de gamme, la 604. Pourtant, la marque sochalienne va en poursuivre le développement, avec des modifications au projet initial pour des raisons financières. La Tagora récupère donc le chassis de la future 505, et si elle conserve en entrée de gamme des 4 cylindres Chrysler, elle obtient de son nouveau propriétaire un moteur diesel, et surtout le fameux V6 PRV pour son haut de gamme dénommé SX.
Mais il faut croire que la concurrence n’est pas bien vu au sein même de Peugeot. La 604 a déjà du mal à s’imposer sur le marché, et le lancement de la Tagora cannibalise les ventes de la grande Peugeot. Rien n’indique que Peugeot ait volontairement sabordé la Talbot, mais rien n’est vraiment fait pour la vendre. En outre la scoumoune semble poursuivre cette berline : des grèves dans l’usine de Poissy, où elle est fabriquée, perturbent sa production, et le second choc pétrolier achève de ruiner les ambitions de Talbot dans le haut de gamme.
La Talbot Tagora SX est pourtant un excellent haut de gamme. Elle possède un ordinateur de bord, la climatisation, les vitres arrières électriques, une sellerie cuir, des équipements encore rare en série sur une berline française. Enfin, la puissance de son V6 la démarque de ses rivales françaises. Mais rien n’y fera. Il faut dire que l’image de la Tagora est floue. Talbot est une nouvelle marque, le public a encore en mémoire SIMCA, et elle est en concurrence frontale avec 3 autres haut de gamme français, la 604 donc, mais aussi la Renault 30, et la Citroën CX, sans compter les allemandes que la Tagora n’inquiétera jamais malgré l’ambition initiale.
Sa ligne en outre n’arrange rien à l’affaire. Il est impossible de dire vraiment ce qui ne va pas dans son dessin. Mais quelque chose cloche. La Tagora semble en décalage : trop moderne en 1980, elle paraît très datée aujourd’hui. Cela résume assez bien la Tagora, qui n’aura jamais été à sa place.
Pour la petite histoire, une dizaine d’exemplaires ont été construits avec un V6 travaillé par Danielson développant 200 ch. La filiale anglaise de Peugeot-Talbot présenta aussi un unique prototype de la Tagora Présidence, sur base SX et dotée de tout le confort de l’homme moderne à l’époque (dictaphone, TV et magnétoscope, téléphone, la classe à l’époque). La carrière de la grande Talbot s’arrête dans l’indifférence générale en 1983, et les stocks furent bradés en Espagne.