Skoda 110 "Ferat" Super Sport : le vampire tchèque
On connaissait Kit (lire aussi : K2000), ou bien la DeLorean DMC-12 équipée du convecteur temporel (lire aussi : DeLorean DMC-12), voire la Plymouth Fury du film Christine, de John Carpenter, mais sûrement pas la Skoda 110 « Ferat » Super Sport, héroïne du film tchèque, Upir Z Feratu, mêlant horreur et science fiction ! Je vous l’accorde, même cinéphile, on ne peut pas être bon partout, et connaître sur le bout des doigts les nanars tchécoslovaques du début des années 80. Et même les passionnés de bagnoles peuvent ne pas connaître cette Skoda « Ferat » à l’histoire pourtant passionnante.
En République Tchèque pourtant, la « Ferat » est bien connue, sorte de mélange entre K2000 et Christine (deux voitures héroïques postérieures, du moins au cinéma). Née en 1972 sous la forme d’un prototype de Rallye, elle paraîtra pour la première fois au cinéma en 1977 dans sa livrée originelle, une deuxième en 81 en temps que Ferat, et une troisième fois en 1986 : le cinéma tchèque aura bien abusé de cette voiture au look futuriste (un look vieillot aujourd’hui).
Le prototype présenté en 1972, avant de devenir une vedette de cinémaTout commence en 1969 avec le lancement du programme 724 : il s’agit d’offrir à la Tchécoslovaquie une voiture de rallye compétitive et moderne. Moteur arrière, propulsion, légèreté grâce à l’emploi d’une carrosserie en fibre de verre, elle va surtout offrir aux yeux des amateurs tchèques une plastique inédite de ce côté-ci du rideau de fer. Profilée, allongée, pointue, elle a la particularité d’avoir un habitacle accessible qu’en soulevant l’ensemble du « cockpit », pare-brise compris.
Le prototype 724 dénommé Skoda 110 Super Sport est prêt en 1971. Pour les premiers roulages, il est équipé d’un moteur de Skoda 1100, de 1147 cm3 et 73 chevaux, mais rapidement, il récupère le moteur de la version de rallye de la Skoda 120 S Rallye poussé à 104 chevaux. Cela paraît bien peu, mais la voiture ne pèse que 898 kg. Elle sera présentée au Salon de Bruxelles 1972, où elle provoquera plus l’enthousiasme que dans son propre pays : les lignes tendues de la voiture semblent rédhibitoires pour les tchèques. Sans compter sa rangée de phares rétractables futuriste, et sa nuée de feux ronds à l’arrière, qui déstabilisent une clientèle plus habitués aux formes classiques.
D’ailleurs, les ingénieurs de chez Skoda ne s’engageront finalement pas dans la voie ouverte par la 110 Super Sport. Ils s’orienteront finalement vers des choix plus classiques (en particulier en matière de style) qui donneront naissance à la 130 RS, une voiture qui damnera le pion à bien des voitures occidentales au début des années 80. La 727 rejoindra rapidement les réserves de la firme tchèque. Elle montrera à nouveau le bout de son nez dans un premier film tchèque, Zitra vstanu a oparim se cajem.
Mais c’est en 1981 qu’elle connaîtra la gloire en tant que rôle principal dans un film qu’on qualifierait de série Z en Europe de l’Ouest, mais qui connaîtra son petit succès en Bohème ou en Moravie, Upir z Feratu, littéralement, « le Vampire de Ferat ». Ne rigolez pas tout de suite, attendez de voir le pitch : inspiré de Nosferatu, et réalisé par Juraj Herz sur la base d’un scenario de Josef Nevsvabda (écrivain tchèque reconnu de science fiction), le film raconte l’histoire d’une voiture vampire, dont le moteur marche au sang humain et qui pompe ses victimes par l’intermédiaire de la pédale d’accélérateur tout en leur procurant un immense plaisir de conduite. Ca y est, vous pouvez vous moquer. Avouez que le scenario est assez cool non ?
Cette voiture Vampire, « Ferat », c’est donc notre bonne vieille 110 Super Sport déjà âgée de 10 ans. Histoire de rester dans le coup des années 80, ces années références pour le bon goût en matière de style et de mode, Herz va faire appel à célèbre peintre et créateur de costume, grand amateur de bagnoles devant l’éternel, pilote de rallye à ses heures perdues et pour l’occasion reconverti en designer automobile : Theodor Pistek.
Etrangement, l’ami Theodor ne va pas partir dans un délire néo-futuriste, mais nous pondre une bagnole bien eigthies, et finalement plus classique que l’originale. Adieu la rangée de phares ronds rétractables à l’avant, place à des feux très classiques et à une fausse grille de calandre (le moteur étant à l’arrière). Adieu la peinture blanche, place à un noir à liserés rouges qui sied mieux à son rôle de vampire. A l’arrière, les feux ronds sont conservés, mais la 110 « Ferat » Super Sport s’offre un aileron pelle à tarte qui pour une fois rééquilibre la voiture plus qu’il ne la dénature. Au chapitre des nouveautés, la Ferat récupère de belles jantes dorées type BBS « nid d’abeille ».
Je ne vais pas vous mentir, je n’ai pas regardé ce chef d’oeuvre de la science fiction sauce Comecon, mais pour vous faire une idée, j’ai retrouvé un petit florilège du film à voir en fin d’article. « Le Vampire de Ferat », bien que kitsch, aura son petit succès à Prague, faisant de la 110 Super Sport une voiture iconique, à tel point qu’elle est aujourd’hui pieusement conservée par le musée Skoda de Mlada Boleslav.