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Renault Clio S : l'introuvable nostalgie

Par Nicolas Fourny - 15/10/2024

« Produite de façon relativement marginale, la Clio S se fait rare en bel état et il est paradoxalement bien plus facile de dénicher une 16s ou une Williams »

Chacun l’aura compris, c’en est désormais bien fini de la longue histoire des Clio sportives – et pourtant celles-ci ont profondément marqué l’histoire du modèle qui, parvenu à sa cinquième génération, se contente de singer ses devancières en exploitant assez vulgairement leur héritage par le biais d’une finition dite « Esprit Alpine ». Nous sommes cependant nombreux à nous souvenir qu’il y a une trentaine d’années, la toute première Clio ne proposait pas moins de quatre variantes à caractère sportif, chacune dotée d’une mécanique et d’un typage spécifiques. Toutefois, si la 16s et la Williams sont d’ores et déjà entrées au panthéon des collectionneurs, les deux autres patientent encore dans cette forme de purgatoire qui ressemble fâcheusement à un oubli pur et simple… Nous avons choisi d’évoquer aujourd’hui la plus humble d’entre elles – c’est-à-dire la S !

Sportive (mais pas trop)

La petite sportive accessible, soit celle au volant de laquelle les pilotes en herbe et impécunieux peuvent découvrir à peu de frais les joies de la conduite active sur route ouverte, a longtemps hanté les catalogues des constructeurs généralistes. Bien souvent, durant les années 80, à côté des modèles en vue comme la 205 GTi, l’AX Sport, la Supercinq GT Turbo ou la Fiesta XR2, l’amateur se voyait ainsi proposer des versions plus modestement motorisées, moins onéreuses à l’achat et à l’usage, plus acceptables par les compagnies d’assurance, mais soigneusement calibrées pour assurer un minimum de joie de vivre. De la sorte, les 205 XS, AX GT, Supercinq TS ou Fiesta Si compensaient leur déficit de puissance par un accastillage évocateur (les strippings et les logos suggestifs, ça ne coûte pas cher) et/ou quelques accessoires judicieusement choisis (c’est fou de constater à quel point une paire de projecteurs longue portée et des pneumatiques un peu plus larges que la moyenne peuvent enjoliver la plus morne des physionomies !). Bien sûr, leur tarif, s’il représentait une économie appréciable par rapport aux variantes sommitales des mêmes modèles, demandait tout de même un effort financier significatif aux jeunes conducteurs qui ne souhaitaient pas s’enfermer dans la grisaille décourageante des finitions de base. La formule remporta un succès suffisant pour que la génération suivante remette le couvert et, chez Renault, la Clio 16s se vit donc adjoindre, dès le millésime 1992, une petite sœur simplement dénommée « S », aux caractéristiques naturellement moins ambitieuses, mais dont le potentiel de séduction n’était pas niable…

Fille de TS

Quoi qu’on on dise, « S » est une lettre dont la résonance est sans doute usée jusqu’à la corde, mais néanmoins toujours évocatrice pour le pilote qui sommeille dans l’inconscient de tout conducteur lambda. Dans des genres très différents, la Porsche 928, la Peugeot 305 ou la Mini Cooper ont usé de ce suffixe censé illustrer un surcroît de performances et, chez l’ex-Régie Nationale, la R8 fut déclinée sous ce logo à l’intention de ceux qui n’osaient pas se frotter à la mythique Gordini. Il n’empêche que la présentation de la Clio ainsi nommée constitua une authentique surprise, d’abord en raison du typage particulier de l’engin, qui reprenait peu ou prou les substrats de l’éphémère Supercinq TS proposée de 1985 à 1987 : un moteur de série emprunté à l’une des versions courantes de la gamme, agrémenté de quelques aménagements techniques destinés à accroître le plaisir de conduite sans grever le prix de vente, auxquels s’ajoutaient les colifichets mentionnés plus haut. Et dans le genre, il faut reconnaître que la Clio poussait le bouchon plus loin que sa devancière. Établie sur une base de RN 1.4 en version 3 portes (c’est-à-dire une finition et un moteur de milieu de gamme), la S en reprenait la totalité des caractéristiques avec, en premier lieu, le quatre-cylindres « Energy » délivrant mêmement 80 ch à 5750 tours/minute – pas de quoi sauter au plafond, donc, même si Renault avait fait l’effort de raccourcir les rapports de boîte, d’où des reprises et accélérations en léger progrès.

La camomille ou la vodka

Pour autant, l’honnêteté nous commande d’écrire que les différences de comportement entre une Clio RN 1.4 et une S n’étaient pas flagrantes – et sans doute difficilement perceptibles pour un conducteur moyen. Justement, nous direz-vous, ce n’était pas à ce dernier que la S était destinée, mais plutôt à ceux dont nous avons précédemment esquissé le portrait, et qui allaient plutôt s’intéresser à la taille des pneumatiques (du 165/60 HR14 et même du 185 en option, Mazel tov !), au volant sport, aux freins à disques ventilés à l’avant ou aux tarages de suspension spécifiques de l’auto. Et, comme on pouvait s’y attendre, en partant d’un châssis aussi compétent que celui de la Clio, le résultat s’avérait tout à fait satisfaisant du point de vue des qualités dynamiques. Quatre-vingts chevaux, c’est certes tout juste la puissance d’une citadine d’entrée de gamme en 2024, mais la Clio ainsi gréée ne pesait que 880 kilos, d’où des performances honorables pour l’époque (plus de 170 km/h en pointe et le kilomètre départ arrêté abattu en un peu plus de 33 secondes). Agile sans jamais se montrer piégeuse, d’une stabilité exemplaire en ligne droite et capable d’accomplir de longs trajets sans jamais peiner, la S n’avait rien perdu des vertus de sa matrice et y ajoutait une (très légère) pointe de piment. Pourtant, la presse spécialisée (en particulier Sport Auto ou Échappement) ne manqua pas de lui adresser deux reproches majeurs : sa puissance limitée et son tarif, qui était exactement le même que celui d’une certaine Peugeot 106 Rallye dont, en comparaison, la joie de vivre, la mécanique, l’ambiance générale et les attitudes volontiers caractérielles en virage renvoyaient la Renault à sa posture de débutante trop timide et n’osant pas s’encanailler…

Dans l’ombre des stars

Pour notre part, nous n’adhérons toutefois pas à ce jugement – tout simplement parce qu’en réalité, la Renault et la Peugeot ne s’adressaient pas à la même clientèle. Infiniment moins polyvalente que la voiture de Billancourt, la fabuleuse 106 Rallye vous donnera le sourire en moins de cinq minutes de roulage sur n’importe quelle départementale sinueuse ; en revanche, vous risquez d’être moins épanoui à son volant après cinq cents kilomètres d’autoroute accomplis aux allures légales… Exigeante, dépouillée, bruyante, pure et dure, la Sochalienne ne pardonne pas les excès d’optimisme et ne se préoccupe guère du confort de ses occupants. C’est tout l’inverse avec la Clio, dont les insonorisants n’ont pas été sacrifiés sur l’autel de la sportivité et dont l’équipement, s’il n’est pas particulièrement généreux, comporte tout de même le minimum vital. Moins joueuse et plus sécurisante que la Rallye, la Clio S présente des chronos sans rapport avec ceux de sa soi-disant rivale. Et c’est tant mieux, car elle s’adressait en son temps à des débutants – ou, plus simplement, à des conducteurs désireux de se distinguer mais conscients de leurs limites –, quand la 106 avait été conçue pour des pilotes déjà aguerris, ce qui n’en a pas empêché bon nombre de finir dans un fossé… Produite de façon relativement marginale jusqu’en 1996, la Clio S, plus encore que ses sœurs, se fait rare en bel état et il est paradoxalement bien plus facile de dénicher une 16s ou une Williams. Un grand nombre d’exemplaires ont subi les ravages du tuning et sont irrécupérables. Si vous avez la chance de tomber sur une auto soignée et préservée, n’hésitez pas : l’auto s’avère bien plus plaisante à mener que sa puissance limitée peut le laisser supposer et sa philosophie en fait l’une des Clio les plus intéressantes à collectionner. Bonne chasse !

1390 cm3Cylindrée
80 chPuissance
173 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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