Peugeot 504 4×4 Dangel : tout terrain à la française
Nous sommes en 1982, j’ai presque 7 ans et je me passionne déjà pour la chose automobile et le Dakar en particulier. Si la course est déjà devenue mythique, elle n’a pas encore pris des dimensions industrielles avec l’arrivée de Peugeot un peu plus tard. Pour moi, c’est donc l’occasion de découvrir bon nombre de voitures inconnues (à mes yeux d’enfant). Cette course permettait un aperçu sur une production automobile marginale : les 4×4 se faisaient encore rares sur nos routes, et relevaient souvent d’une utilisation très professionnelle. Aussi, mater le Dakar pour un gosse féru de caisse permettait d’améliorer ma culture. En cette année 82, on trouvait au départ des Cournil (lire aussi : Tracteur Cournil) et leurs descendants UMM (lire aussi : UMM Alter), des Fiat Campagnola, des Mercedes Classe G ou des Volkswagen Iltis (lire aussi : Volkswagen Iltis), et même une drôle de 4L découvrable appelée JP4 (lire aussi : Car Système JP4).
En ces années-là, on achetait encore les voitures par tradition familiale, et mon père était très « Peugeot », je l’étais donc aussi (lire aussi : « Ta berline est politique, camarade »), et si je m’intéressais de près à la formidable Renault 20 des frères Marreau, qui allait gagner l’épreuve (lire aussi : la Renault 20 4×4 des frères Marreau), je ne manquais pas de repérer d’étranges Peugeot hautes sur pattes au physique pourtant familier : des 504 4×4 Dangel. Pour la première fois, ces 504 rehaussées et dotées d’une transmission intégral inventée par Henry Dangel participaient au Dakar : au total 12 exemplaires de cette curieuse bête s’alignaient au départ, sur 236 participants. Je repérais aussi un 13ème modèle, hors course, puisqu’il s’agissait de la voiture de presse d’Europe 1 couvrant l’évènement.
Ce pick up n°228 sera le seul à atteindre DakarImmédiatement, je me mis à aimer ces voitures si familières et si différentes, respirant la puissance avec leur taille haute, et leur air agressif, leurs gros pneus et leur look baroudeur. L’armée et la Gendarmerie furent des bons clients, et l’on pouvait croiser (surtout outre mer) des képis bleus en Break 4×4 Dangel… plus rarement des commandos de l’air en pick up camouflés. Les pompiers, ou EDF, s’équipèrent eux aussi de ces 4×4 rustiques et français, ainsi que bon nombre de particuliers. Au total, 3168 pick ups et 1142 breaks furent fabriqués entre Juillet 1981 et novembre 1985, avant d’être remplacés par la 505 Break 4×4 Dangel plus moderne (mais sans version pick up, lire aussi : Peugeot 505 4×4 Dangel).
La voiture de presse d’Europe 1 était aussi une 504 DangelMalgré un territoire variée, rural et montagnard, la France n’aura jamais été un pays de 4×4, laissant les britanniques (avec Land Rover) ou les Japonais s’engouffrer dans ce créneau. Quelques hommes solitaires, comme Cournil ou Dangel, pensaient pourtant qu’il existait un marché pour ce type de véhicule, et qu’on pouvait proposer des produits de qualité pour un tarif raisonnable. C’est en tout cas l’idée d’Henry Dangel qui va développer et breveter un système de transmission intégrale adaptable à une propulsion. Cela tombe bien, puisque la 504 conserve cette architecture. Elle a déjà bien établi sa réputation de robustesse, et dispose de carrosseries break et pick up : c’est la voiture idéale pour adapter le système Dangel.
Peugeot va d’ailleurs rapidement voir son intérêt à travailler officiellement avec Henry Dangel : grâce à l’offre 4×4 Dangel, Peugeot peut à moindre frais proposer une solution aux professionnels encore sensible à l’aspect patriotique, et tenter de résister aux assauts des 4×4 japonais en Afrique. En 1980, et avec le soutien de Peugeot, Henry Dangel créé donc sa société en Alsace, et la production des versions 4×4 commence en juillet 1981. Pour promouvoir ce nouveau tout-terrain français, rien de tel que le Dakar, même si pour cette année 82, seul le pick up n°228 de Marty et Cazalot termine la course, à la 49ème place.
Peu importe, les 504 Dangel étaient désormais connus. Sur le terrain, avec leurs 2 litres essence de 96 ch ou 2.3 diesel de 70 ch, les Dangel faisaient des merveilles et rivalisaient avec de « vrais 4×4 ». Bien sûr, le train arrière demandait un peu de doigté (surtout pour la version pick up), mais les capacités de franchissement de l’engin prouvaient qu’il ne s’agissait pas de bricolage à la va vite dans un petit atelier. Le soutien de Peugeot permit d’ailleurs à la société Dangel de se développer : elle existe encore aujourd’hui et continue à transformer des Peugeot en 4×4 (essentiellement des utilitaires Partner). Mais l’organisation industrielle (les 504 était fabriquées par Peugeot puis transformées par Dangel) empêchait une réelle production de masse : les 504 restèrent donc confidentielles et cantonnées au monde militaire ou professionnel.
On en trouve facilement aujourd’hui, en plus ou moins bon état et avec des kilomètres au compteur. Beaucoup sont des véhicules militaires déclassés, et demanderont un certain travail de restauration. Mais l’avantage, c’est qu’il s’agit d’une 504 : c’est increvable, et la transformation Dangel, c’est du costaud. Bref, si l’occasion se présente, n’hésitez pas, histoire de vous faire plaisir, de posséder un véhicule relativement rare, et de regarder de haut la plèbe en berline et les parvenus en SUV de luxe.