Peugeot 401, 601 et 402 Eclipse : les idées révolutionnaires du héros Georges Paulin
Dentiste, inventeur de génie du toit escamotable, devenu designer automobile par passion chez Pourtout, puis résistant fusillé par les nazis au Mont Valérien, voilà qui était Georges Paulin à qui l’on doit les Peugeot 301, 601, 401 et 402 Eclipse : un homme de ressource, un homme de conviction, un homme d’engagement. Et grâce à lui, la série des Eclipse donnera un temps d’avance à Peugeot, qui lancera 60 ans après la dernière 402 la 206 CC (lire aussi : Peugeot 206 CC).
Un homme de conviction, en tout cas, c’est une évidence : malgré son statut de jeune dentiste, Georges consacre ses loisirs au dessin de carrosseries automobiles, et va se pencher sur la question du cabriolet. Peu satisfait de l’étanchéité et de la rigidité des cab’ à capote, il se dit qu’il doit bien y avoir un moyen de rouler les cheveux au vent sans perdre les qualités d’un coupé. De cette idée simple, il va accoucher en 1931 d’un projet fou : un toit escamotable en dur, qui plus est électrique, et donc automatique. Bien vu.
Homme de conviction certes, mais aussi de persuasion. Il va convaincre le carrossier Marcel Pourtout du bien fondé de son invention. Un premier proto sur base Hotchkiss verra le jour en 1933. L’affaire en restera là. Mais en 1934, le duo Paulin/Pourtout rencontre l’homme providentiel, Emile Darl’Mat, concessionnaire Peugeot. Conscient du potentiel d’un tel projet, il va confier un châssis de Peugeot 301 aux deux hommes, qui vont alors réaliser la première 301 Eclipse. Après un premier prototype, cette version va être commercialisée avec l’assentiment de Peugeot, qui regarde d’un œil bienveillant cette première tentative. Quelques exemplaires tout au plus seront livrés, mais le projet prend forme, et Paulin, Pourtout et Darl’Mat ne vont pas s’arrêter là.
La 601 Eclipse, encore plus rare que la 401Rapidement (toujours en 1934), Pourtout va produire pour le compte de Darl’Mat mais intégrées au catalogue Peugeot deux modèles : la 401 Eclipse et la 601 Eclipse, présentées au Salon de Paris 1934. Succès immédiat du système et de la ligne des deux voitures (à noter qu’une 601 « spéciale » Marcel Pagnol sera aussi réalisée, sur un joli dessin de Georges Paulin justement, sur le principe de la carrosserie Ponton).
La 402 Eclipse, avec sa ligne AirflowAprès 79 exemplaires de la 301, et 21 exemplaires de la 601, place à la 402 plus moderne, au style « airflow », aérodynamique, et pour tout dire sublime dans cette version. C’est celle que l’on connaît le mieux aujourd’hui, même si, nous le verrons, seuls quelques exemplaires auront leur toit électrique). Présentée en 1935, elle ne sera produite qu’à partir de 1936, et cette fois-ci à Sochaux, chez Peugeot.
Il faut dire que le premier contrat avec Peugeot (pour les 301 et 601) prenait fin cette année-là, et le nouveau contrat pour a 402, proposé par le constructeur sochalien, réduisait drastiquement la rémunération de Paulin. Il attaquera la marque en justice, pour finir par perdre. Peugeot obtenait alors quasiment gratuitement le droit d’utiliser les brevets de Paulin.
La 402 Eclipse, vue sa faible production, est aujourd’hui rare et chère. Et chère elle l’était aussi en 1936. Aussi pour abaisser les coûts de production, Peugeot va abandonner le système automatique électrique présent sur les premiers exemplaires de 402 Eclipse pour un système mécanique et manuel moins complexe : seuls 80 exemplaires de 402 seront «électriques », contre 500 « mécaniques ».
Malheureusement, la guerre va obliger Peugeot à stopper la production en 1940, faute de matières premières, d’ouvriers disponibles mais aussi tout bêtement de clients. Georges Paulin, de son côté, continuera sa carrière de designer chez Pourtout, réalisant notamment une superbe Bentley pour le banquier André Embiricos (nous y reviendrons sûrement). Si Paulin est plutôt pacifiste dans l’âme (admirant notamment les ingénieurs automobiles allemands), il n’accepte ni la défaite, ni l’occupation, ni le régime imposé par Pétain : sa mère était morte en 1918 lors d’un bombardement, lui donnant sans doute la rage de « résister ». Avec l’aide du MI6, il va créé le réseau de résistance et de renseignement Phill. Avec ses amis, il va notamment transmettre à Londres les plans et cibles potentiels des usines Renault à Billancourt. Pour couvrir ses activités de résistance, Paulin va reprendre un cabinet de dentiste : une couverture, mais l’heure n’est plus à dessiner des voitures.
Le réseau sera cependant démantelé en novembre 1941, et Georges Paulin arrêté. Pendant 8 jours d’interrogatoire rue Lauriston, Paulin ne livrera rien, ni informations, ni dénonciations. Jugé avec ses camarades le 20 mars 1942, après 4 mois de torture sans jamais rien lâcher. Ils seront tous fusillés au Mont Valérien le 21 mars 1942 : Paulin avait tout juste 40 ans. Il sera décoré à titre posthume de la croix de guerre en 1945, puis de la médaille de la résistance en 1969. Il sera aussi déclaré mort pour la France en 1964 et élevé au grade de lieutenant de l’Armée Française en 1967.
« Ne me vengez pas, je vous aime » seront ses derniers mots.
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Sur la 402 Eclipse: Le site de la 402 Eclipse