Participer aux Mille Miglia pour la première fois
Il est six heures lorsque je me réveille dans ma chambre d’hôtel à Viareggio. C’est le matin, avec sa lumière jaune qui filtre à travers des lames des volets, mais sans le silence qui accompagne habituellement cette heure de la journée. J’entends distinctement le rugissement d’un grand nombre de moteurs qui démarrent et qui tournent, littéralement des centaines de voitures historiques qui chauffent leurs mécaniques après la nuit passée sur le boulevard du bord de mer. Ce sont donc les Mille Miglia, et la deuxième journée est sur le point de commencer. Il y a tout juste deux semaines, j’ai eu l’opportunité de suivre cette course de quatre jours. C’était la première fois pour moi, et même s’il a été immédiatement clair qu’il s’agissait davantage d’une fête que d’une compétition, j’arrivais à ressentir l’esprit des Mille Miglia anciennes dans l’air.
« La plus belle course du monde », c’est ainsi qu’Enzo Ferrari l’a décrite. Entre 1927 et 1957, ce fut sans aucun doute la plus importante de toutes les courses sur route ouverte. Maintenant, essayez d’imaginer. Visualisez le réseau routier d’un pays essentiellement agricole, comme l’était l’Italie avant les années 60. Pensez à la technologie des voitures à l’époque : ressorts à lames, freins à tambour, mauvais éclairage, aucune sécurité. Ressentez l’énorme effort mental et physique requis pour parcourir mille miles, en un seul trajet. Y parvenez-vous ? En 1930 déjà, le vainqueur a terminé la course en 16 heures, 18 minutes et 59 secondes, avec une vitesse moyenne de plus de 100 km/h : ne serait-ce pas imprudent, même sur les routes modernes ? Et ce n’était que le début d’une folle course à la vitesse, culminant en 1955 avec Sir Stirling Moss et Denis Jenkinson, déchirant l’Italie à l’étonnante vitesse moyenne de 157,651 km/h. En d’autres termes, cela signifiait quitter Brescia pour Rome juste après le petit déjeuner et revenir pour le dîner, avec suffisamment de temps pour une douche et l’apéritif ensuite. Facile ? Dangereux, plutôt — terriblement dangereux. La grande vitesse, associée à la foule nombreuse qui suivait les exploits épiques des pilotes, constituait un cocktail mortel. Et l’édition 1957, marquée par la tragédie de Guidizzolo, fut la dernière.
Aujourd’hui, les Mille Miglia profitent de leur seconde vie, sous la forme d’un rallye de régularité qui dure quatre jours et suit les mêmes routes de Varzi et Nuvolari (entre autres). La première étape, de Brescia à Viareggio, nous a emmenés de la sulfurante vallée du Pô à un climat méditerranéen plus confortable avec, en guise d’intermède, une palpitante ascension du col de la Cisa. Aujourd’hui, nous allons rejoindre Rome ; le départ de nos voitures (une Alfa Romeo 6C 2300B MM, une Maserati 150S, une Siata Fiat 1100 Coupé Vignale et une Porsche 356A Carrera) est prévu à huit heures. Nous les suivrons dans notre véhicule d’assistance, prêts à intervenir en cas de besoin.
La matinée se passe en douceur, car le convoi de voitures (il y a plus de 350 équipages…) traverse la côte toscane. La température est chaude, mais pas torride, et c’est un soulagement à la fois pour les vieux moteurs et pour les équipes de pilotes et de navigateurs, notamment ceux qui conduisent des coupés. La camionnette dans laquelle j’ai pris place est remplie de toutes les sortes d’outils imaginables, de la simple clé à la machine à souder : ce petit garage ambulant est très pratique pour s’occuper de véhicules de plus de 60 ans. Mais jusqu’ici, tout va bien ; nous nous contentons de suivre le parcours, entourés des participants. C’est un spectacle étrange de voir toutes ces voitures historiques en train de rouler au milieu de la circulation moderne, au lieu de les voir dormir ici ou là dans des musées. Les lignes simples des carrosseries en aluminium, façonnées à la main par des artisans qualifiés il y a des décennies, brillent par rapport au désordre des voitures modernes et ordinaires. En même temps, il est un peu effrayant de penser au manque total de protection que ces vieux bestiaux rapides offraient — et offrent encore — à leurs conducteurs. Mais c’est l’une de ces situations dans lesquelles l’émotion dépasse la raison…
Il n’y a pas que ceux qui conduisent : l’autre aspect des Mille Miglia, ce sont les spectateurs. Tout comme par le passé, la course attire une multitude de personnes qui s’arrêtent pour assister au passage des voitures, notamment dans les villes. Et comme par le passé, ils accueillent chaleureusement chaque conducteur, recevant en réponse un coup de klaxon ou un signe de la main et un sourire.
Les mécaniciens qui partagent la camionnette avec moi sont des vétérans des courses historiques : ils me racontent les endroits où ils sont allés, les réparations qu’ils ont effectuées sur le pouce et le nombre de fois où ils ont dû passer toute la nuit à réparer une voiture en panne. Juste après le déjeuner, l’une de nos voitures décide justement de produire de la matière pour de futures anecdotes : nous recevons un appel téléphonique du conducteur de la Siata, qui s’est soudainement mise à vibrer. Il s’est juste arrêté par précaution. En cinq minutes, nous atteignons l’endroit où la Siata a fait halte et, en quelques secondes, la petite voiture est soulevée et inspectée. Les mécaniciens vérifient tout ce qui a pu provoquer la vibration ressentie par l’équipage, constatant que l’une des pales du ventilateur du radiateur a disparu. Nous n’avons pas cette pièce de rechange, et nous n’avons pas le temps de la réparer avec le soudeur, alors les gars décident de l’équilibrer. Un essai rapide prouve que le correctif est efficace et la Siata est de retour sur la route. Moins d’une demi-heure après avoir reçu l’appel, nous reprenons notre route. Les mécaniciens sont contents et détendus : pour ce que j’ai pu constater, ce n’est pas un travail sans fatigue (parfois, ça doit être frustrant), mais c’est indéniablement passionnant et gratifiant.
Nous arrivons à Rome bien après le coucher du soleil. Nous sommes fatigués, mais l’adrénaline nous a tenus éveillés pendant tout ce chemin. Avant que la journée soit finie, intervient la vérification totale de toutes les voitures. Ensuite, nous serons prêts pour aller au lit et, à six heures demain, un autre jour sur la route commencera. C’est ça les Mille Miglia, et j’adore.
Texte & Photos : Tommaso Bertotti