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Jaguar MK2 3,8 litres : la première sports saloon !

Par Nicolas Fourny - 23/01/2024

« La sports saloon absolue, celle qui inaugure la formule « petite caisse/gros moteur », que tant de constructeurs reprendront par la suite, c’est elle »

De l’avis (quasi) général, la première Jaguar XJ est la plus belle berline du monde. Soit, mais la Mk2 ne vient pas tellement loin derrière, aussi emblématique de son époque que sa descendante l’aura été de la sienne. Machine archétypale s’il en est, cette automobile sans réel équivalent aura rassemblé, de son vivant, tous les ingrédients d’un typage unique – à la fois chic sans mais ostentation, sportive mais sans brutalité, joliment dessinée mais sans jamais tomber dans une gracilité excessive. Plus de soixante ans après sa première apparition, l’engin continue de fasciner les collectionneurs, qui l’ont statufiée depuis déjà plusieurs décennies. Toutefois, à l’heure où le phénomène des youngtimers relègue quelque peu dans l’ombre certaines gloires d’autrefois, il nous a paru intéressant de nous replonger une fois encore dans l’histoire, au demeurant plutôt brève, de cette icône vintage déguisée en voiture de luxe et qui, dans la variante 3,8 litres qui nous intéresse aujourd’hui, n’a pas fini de nous faire rêver…

La MK1 : un talentueux brouillon

Avant la MK2, en toute logique, il y eut la MK1 ; il s’agit cependant d’une dénomination rétrospective et officieuse, destinée à bien identifier les différences entre ces deux séries, techniquement semblables et esthétiquement très proches. De fait, quand vous les posez côte à côte, leurs différences concernent une série de petits détails – mais des détails qui changent tout. Première monocoque chez Jaguar, la MK1, présentée en septembre 1955 sous la sobre appellation de « Jaguar 2,4 litre », était une très élégante berline ; sa remplaçante, qui apparaît quatre ans plus tard, peut sans conteste être qualifiée de chef-d’œuvre. Que vous l’admiriez en photo ou que vous ayez la chance de la côtoyer et de vivre à son bord – cuir (pas toujours véritable…) et bois de rigueur –, cette auto semble avoir été avant tout pensée pour les contemplatifs irrécupérables. On chercherait en vain la moindre faute de goût sur cette carrosserie dont les volumes sensuels sont parvenus à retranscrire, sous une forme relativement compacte, l’esprit de la série XK en y adjoignant deux portes supplémentaires. La MK2 incarne elle aussi le « visage » des Jaguar de ce temps-là, défini par la première XK 120 dès 1948 et dont elle constitue l’ultime réinterprétation.

Le 6 cylindres monte en puissance

Si les premières MK1, nanties du moteur XK dans sa cylindrée la plus faible, ne proposaient que 112 ch SAE, la variante 3,4 litres présentée en 1957 a inauguré sans coup férir la catégorie des « sports saloons ». Et pour cause : en reprenant à l’identique le groupe monté dans les berlines MK VIII, la berline ainsi gréée disposait désormais de 210 ch (toujours selon la norme SAE, certes plus « généreuse » que la norme DIN, mais sans que cela puisse relativiser les progrès considérables engendrés sur le plan des performances chiffrées). Si la 2,4 litres semblait vouée à une conduite plus paisible qu’entreprenante, la 3,4 litres se montrait en tous points digne du célèbre slogan Jaguar – grace, space and pace –, proposant déjà des chronos hors de portée de toutes les autres grandes routières européennes de l’époque. Pour autant, le meilleur restait à venir, aussi bien en termes de puissance que de design ; dévoilée en septembre 1959, la MK2 allait, à tous égards, sublimer la formule établie par sa devancière…

Let the sunshine in

Ce que nous avons écrit plus haut pourrait se formuler plus trivialement : en somme, une MK2 n’est rien d’autre qu’une MK1 restylée. D’un modèle à l’autre, l’architecture générale est identique, les liaisons au sol n’ont pas changé dans leurs principes généraux, ni les dimensions générales. Ce qui saute aux yeux en revanche, c’est l’irruption de la lumière dans un habitacle qui, jusqu’alors, avait préservé un intimisme prude et allié des pénombres complices, typique de l’immédiat après-guerre. Dans son livre Jaguar : berlines et tradition (éditions EPA), Bernard Viart détaille l’ampleur des changements opérés à ce niveau par la firme : « Adieu les ouvertures chichement mesurées, le pare-brise s’ouvre au panorama, la lunette arrière prend 8 cm en hauteur et 15 cm en largeur, les glaces latérales prennent 3 cm en hauteur et 8 cm en largeur ». Aux montants de carrosserie épais et aux vitrages étriqués succèdent la finesse et la générosité autorisées par les encadrements de vitres latérales qui transfigurent le profil, lequel gagne encore en dynamisme lorsque les jantes en acier proposées en série sont remplacées par les roues « fil » Dunlop, bien entendu facturées en option selon la « bonne » tradition maison. Mais si ce lot de modifications a cristallisé un style devenu légendaire, la MK2 ne se contentait pourtant pas, loin s’en faut, de modifications esthétiques pour se distinguer de son aînée !

200 chrono… mais pas seulement

La sports saloon absolue, celle qui inaugure la formule « petite caisse/gros moteur », que tant de constructeurs reprendront par la suite, c’est elle : la MK2 3,8 litres, qui chapeaute la nouvelle gamme dès sa présentation, fascine immédiatement le public par la vertu d’un chiffre magique : 200 km/h ! Les plus jeunes de nos lecteurs auront sans doute un peu de mal à imaginer ce qu’une telle valeur, devenue si banale aujourd’hui, pouvait représenter il y a six décennies. Pour donner quelques points de repère, rappelons qu’à ce moment-là une honnête berline familiale telle que la Peugeot 404 n’atteignait pas les 150 km/h et était pourtant considérée comme une voiture honorablement véloce, tandis que, chez Jaguar, un coupé XK 150 ne se montrait pas plus performant que la MK2 dont il partageait la mécanique. Car le moteur 3,8 litres était déjà connu depuis 1957, notamment sous les capots des grandes berlines MK IX et de la D-Type de course. Dans la MK2, il développe 220 ch SAE à 5500 tours/minute – puissance absolument inédite pour une berline de ce gabarit – et, surtout, un couple de 33,2 mkg à 3000 tours. En 2006, dans les colonnes de Rétroviseur, le regretté José Rosinski écrivait : « On peut même s’amuser à enclencher l’overdrive sur le périphérique à 80 km/h, car le 3,8 l répond sans hésiter dès 1000 tr/min ! ».

Surannée et irrésistible

Je me rappelle fort bien la première fois que j’ai entendu parler de la MK2. C’était en juillet 1983, dans le n°35 d’Auto Rétro. La 3,8 litres de l’animateur de radio Harold Kay – qui s’en servait au quotidien et ne dissimulait pas l’amour qu’il portait à sa voiture – figurait en couverture de la revue, qui lui consacrait un copieux dossier. La production des dernières « vraies » MK2 s’était arrêtée une quinzaine d’années plus tôt, à l’automne de 1967, et cette « une » du premier magazine d’automobiles anciennes « grand public » français ratifiait, en quelque sorte, l’entrée du modèle dans le petit monde des voitures de collection. En dépit des freins à disques équipant les quatre roues, les archaïsmes que l’on avait pu lui reprocher au mitan des années 60 – essieu arrière rigide et ressorts à lames, boîte Moss solide mais pénible à l’usage, direction trop démultipliée et lourdingue en circulation urbaine – et qui avaient provoqué une chute prématurée des ventes n’étaient ni occultés ni oubliés mais, comme pour toutes les automobiles anciennes, ils avaient cessé d’être des défauts pour se muer en composantes d’un charme très particulier. En huit ans, 30 627 exemplaires de MK2 3,8 litres sont sortis des chaînes de Browns Lane. C’est à la fois beaucoup pour les capacités de Jaguar à l’époque, et relativement peu dans l’absolu. Les survivantes en bel état ne sont pas si nombreuses mais, fort heureusement, il y a déjà plus de vingt ans que la cote de l’auto a encouragé bon nombre de ses propriétaires à investir dans des restaurations de qualité. Si vous n’y avez jamais goûté, c’est certainement le moment de craquer !

3781 cm3Cylindrée
220 chPuissance
200 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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