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IKARUS 55
IKARUS 66

Ikarus 55 et 66 : les rois hongrois du bus et de l'autocar

Par PAR PAUL CLÉMENT-COLLIN - 23/10/2018

En France, nombre d’entre nous ont été marqués par le Saviem SC10 dans les années 70 et 80, tandis qu’à Londres, l’AEC Routemaster laissait sa trace indélébile. A l’Est, et particulièrement en Hongrie et en RDA, l’autobus / autocar iconique, c’était le duo Ikarus 55 / 66 ! Né dans les années 50 et parfois encore en service après la chute du mur, l’Ikarus 55/66 aura marqué son époque et ses contemporains avec sa ligne si particulière.

l’Ikarus A58, prototype datant de 1952 préfigurant le 66

Dans les pays du COMECON, collectivistes, il existait bien entendu une industrie automobile mais le faible taux de motorisation rendait les transports en commun indispensables aux déplacements. Ainsi se développa dès l’après-guerre une industrie florissante de l’autobus et de l’autocar, avec Skoda en Tchécoslovaquie, ZIS, PAZ et LAZ (puis LIAZ) en URSS, mais surtout Ikarus en Hongrie. Née après guerre du rapprochement du fabricant d’autobus Uhri et du producteur d’avions Ikarus, la nouvelle société allait se spécialiser justement les activités du premier plutôt que du second. Dès le début des années 50, Ikarus s’implantait solidement en RDA et en Tchécoslovaquie avec son modèle 30.

L’Ikarus 55 fut le premier du duo à être produit à partir de 1955

Devant le succès du 30 et l’explosion de la demande pour des bus et des autocars à l’Est de l’Europe et même en URSS ou en Chine, Ikarus décidait de développer sa gamme de bus et de car avec une doublette : l’Ikarus 55 (destiné aux lignes longue distance, un autocar quoi) et l’Ikarus 66 (destiné quand à lui au transport urbain, un autobus en quelques sorte). Pour cela, l’entreprise réalisait un premier prototype en 1952, sous le nom de A58 puis un second en 1953, sous le nom de A60, sous la direction de György P. Horvath.

La compagnie aérienne hongroise Malev utilisait des Ikarus 55 pour le transport des passagers

L’idée de base était déjà là, et se confirmera sur les 55 et 66 à venir : repousser le moteur à l’arrière pour bénéficier de plus d’espace à l’avant (notamment pour la porte d’accès), et d’un meilleur confort : le moteur 6 cylindres diesel Csepel de 8.3 litres développant 145 chevaux s’avérait particulièrement bruyant, en le repoussant à l’arrière, on diminuait ainsi le bruit dans l’habitacle (et le préservant de tout gaz s’en échappant). Autre révolution, l’A58 disposait d’une caisse autoportante, au lieu d’une carrosserie sur châssis séparé comme beaucoup à l’époque.

Le parking de l’usine prouve le succès des 55 et 66 dans les années 60

En 1954, plusieurs prototypes d’Ikarus 55 et 66 furent exposés aux salons de Genève et de Paris, provoquant l’admiration des visiteurs, même à l’Ouest. Avec sa silhouette moderne, son arrière fuselé comme la turbine d’un jet, les Ikarus 55 et 66 avait bien belle allure, « à l’américaine ». Sans être identiques, ils rappelaient les Chaussons 521, APH et APU de la même époque : autant dire qu’ils firent sensation pour des produits « communistes », hongrois de surcroît (on avait vite oublié les traditions industrielles de pays comme la Tchécoslovaquie ou la Hongrie).

L’Ikarus 66 se distingue du 55 par ses 2 ou 3 portes à battant

C’est en 1955 que sortit en premier l’Ikarus 55 et il faudra attendre 1956 pour voir l’Ikarus 66 circuler dans les rues de Budapest. Au début, ces autobus/autocars furent fabriqués et livrés au compte-goutte, l’entreprise Ikarus ayant reçu l’ordre de fabriquer des produits de grande consommation en priorité. Mais petit à petit, les cadences augmentèrent afin de fournir les transports hongrois (lignes de bus avec le 66, lignes intérieures avec le 55), mais aussi la Tchécoslovaquie (110 bus Ikarus 66 circulèrent rapidement à Prague, marquant les esprits ave sa silhouette rappelant un cigare), et surtout la RDA et l’URSS.

L’Ikarus 55 Lux se distingue du 55 normal par son 3ème phare au dessus du pare brise : il sera essentiellement vendu dans les pays baltes

En RDA, la pénurie d’autobus et d’autocar se faisait sentir, d’autant que l’industrie automobile nationale n’était pas équipée pour en produire elle-même : la production locale se limitera au minibus, avec le Barkas à partir de 1961. Elle importa donc une importante partie de la production d’Ikarus 55 (2306 unités) et 66 (environ 6000 exemplaires). En URSS, ce fut surtout le 55 qui remporta son petit succès, avec 3762 exemplaires assurant les transports longue distance, et notamment dans les pays baltes ou le « Faros », petit surnom du bus en Hongrie (pour « fesse », rapport à son étonnant popotin), marqua durablement la population.

La production des Ikarus 55 et 66 dura de 1955 à 1972, date à laquelle un nouveau bus, plus classique d’aspect, le 250, prit la relève. Néanmoins les 55 et 66 restèrent en service tout au long des années 70 et 80. Il y avait leur aspect particulièrement marquant, dans la même veine que la Tatra 603, mais aussi et surtout le confort de ces bus et cars en comparaison des productions soviétiques.

Au total, 9290 cars 66 et 7425 bus 55 furent produits en Hongrie, contribuant à faire d’Ikarus une marque de réputation internationale, réputation qu’elle conservera jusqu’à la fin des années 90 et son intégration au groupe Irisbus (aux côté d’Iveco et des bus de Renault VI et Heuliez Bus). Iveco, devenu majoritaire au sein d’Irisbus en 2001, décida de fermer l’usine de Székesféhérvar en 2003. La marque fut alors rachetée par un magnat hongrois, le sulfureux Gabor Széles. Après une nouvelle fermeture en 2007, elle fut réactivée en 2010 (sur la base des bus Auto Rad Controlle). Dans le même temps, l’Etat Hongrois, sous la houlette d’Orban (dont Széles est proche), rachetait le fabricant de véhicules spéciaux Raba : l’idée d’Orban et de Széles étant de relancer la construction de bus en Hongrie sous la marque Ikarusbus en faisant collaborer les deux entreprises. De nouveaux produits ont été présentés, comme l’Ikarus V134 ou le E127, et les capacités de productions ont été portées « officiellement » à 3000 exemplaires par an : un chiffre qui paraît ambitieux (qui a dit exagéré?) mais qui colle avec l’idée du « bus national » prôné par Orban.

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