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Fiat Coupé : le pari de l’originalité

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 06/01/2021

Aujourd’hui, à l’aube de son mariage avec PSA, la marque Fiat a perdu de sa superbe et sa gamme s’est réduite comme peau de chagrin, comptant sur la sempiternelle 500 pour assurer les volumes. Il n’en a pas toujours été ainsi : dans les années 90, la marque turinoise, présente sur de nombreux segments, n’hésitait pas à s’aventurer sur des créneaux de niche, avec le lancement en 1993 d’un coupé au look ravageur signé Chris Bangle dont la sobriété du nom, Coupé (tout court) vint contrebalancer l’exubérance de la ligne. Original, sympathique, performant, le Coupé Fiat est aujourd’hui un collector, particulièrement dans sa très réussie version à cinq cylindres. Retour sur son histoire.

L’échec de l’Allanté oblige Pininfarina à réagir

Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est à Cadillac que l’on doit indirectement ce Coupé. Au début des années 80, Pininfarina, qui n’est pas seulement un designer mais aussi un carrossier (rappelez-vous, les Peugeot 504 Coupé et Cabriolet sortaient de ses ateliers), noue un accord avec General Motors pour la production de la carrosserie d’un tout nouveau modèle dessiné par ses soins, la Cadillac Allanté. Cependant, l’usine historique de Grugliasco n’est pas assez grande pour une nouvelle production, occupée par la Talbot Samba Cabriolet puis la Peugeot 205 Cabriolet, la Ferrari 412 et quelques Testarossa ou bien encore le Fiat Campagnola. Devant les grandes ambitions de GM pour son cabriolet “à l’européenne”, Pininfarina se décide donc à construire une nouvelle usine à San Giorgio Canavese. En 1986, l’unité de production est opérationnelle et entame la construction de la Cadillac Allanté dès 1987. Tout aurait dû merveilleusement bien se passer, l’Allanté aurait dû bouter la concurrence européenne (Jaguar XJ-SMercedes SL R107) hors du marché américain, et Pininfarina enregistrer de juteux bénéfices. Pourtant, rien ne se passera comme prévu. L’Allanté, trop chère (notamment à cause du pont aérien reliant Detroit à Turin, trop fade aussi, et sous-motorisée dans ses premières versions, se vend mal et, dès le début des années 90, GM décide d’en stopper la fabrication pour l’année 1993.

Voilà pourquoi Pininfarina se met en chasse d’un nouveau client pour compenser le prochain départ de Cadillac de ses chaînes (les quelques Testarossa assemblées à San Giorgio et la prochaine Ferrari 456 GT ne suffisant pas à assurer la survie du site). C’est vers deux clients fidèles que le carrossier va se tourner : Peugeot, qui lui confiera la production de la 306 Cabriolet, et Fiat à qui il propose de réaliser et fabriquer un coupé. A Turin, on trouve l’idée séduisante. L’heure est à la diversification des gammes chez tous les constructeurs et le concours de Pininfarina permet de limiter les coûts et les risques. Si Fiat retient la proposition et l’idée d’un coupé basé sur le châssis évolutif de la Tipo lancée en 1988 puis produit à San Giorgio Canavese, elle va mettre en concurrence Pininfarina et son propre centre de style interne.

Un coupé fabriqué par Pininfarina mais dessiné par Chris Bangle

Contre toute attente, ce sont les dessins du jeune designer américain Chris Bangle qui sont retenus pour les lignes extérieures, Pininfarina ne conservant que le style intérieur. Bangle aime surprendre et casser les codes du moment ou de la marque pour qui il travaille : plus tard, il révolutionnera le design de BMW avec la série 7 (E65) puis la série 5 (E60), provoquant la controverse. Avec le Coupé Fiat, Chris Bangle ose un avant plongeant, un arrière tronqué, des coups de gouge à chaque passage de roue, des phares avant globuleux et des petits feux ronds à l’arrière, le tout suggérant un squale agressif. Le style décoiffe, divise, mais prouve l’audace de son constructeur et son renouveau. Le Coupé, lancé en 1993, s’intègre à une large gamme qui va de la petite Cinquecento à la grande Croma, en passant par l’inusable Panda, la Punto, la Tipo, la Tempra et même un monospace, l’Ulysse, en passe lui aussi d’intégrer la gamme. En préparation, la petite Barchetta produite, elle, chez Maggiora (aux côtés des dernières Lancia Delta Integrale) viendra compléter une offre comme on n’en avait plus vu chez Fiat depuis des lustres.

Si le style du Coupé est original, ce n’est pas son seul atout. La base de la Tipo est en soi réussie, mais elle est retravaillée pour offrir un comportement vraiment sportif. Sa tenue de route s’avère très satisfaisante pour son niveau de prix (à partir de 141 500 francs en entrée de gamme, 171 000 francs pour la version la plus huppée). Côté moteur, on trouve un 4 cylindres 16 soupapes de 2 litres décliné en deux versions : atmosphérique (142 chevaux) ou turbo (195 chevaux). Largement de quoi satisfaire les conducteurs “semi-sportifs”. Dès le premier modèle, on trouve en outre l’ABS tandis que le poids est contenu entre 1 250 et 1 320 kg selon les versions.

Succès commercial et tarifs abordables

Malgré son style décalé, le Coupé Fiat trouve rapidement son public, particulièrement sur son marché domestique, l’Italie. Résultat, pour le millésime 97, Fiat décide de passer à la vitesse supérieure en offrant de nouvelles motorisations. L’entrée de gamme s’ouvre désormais avec le 4 cylindres de la Barchetta, un 1.8 litre de 130 chevaux permettant un prix canon de 129 000 francs. Au milieu, on trouve un fabuleux 5 cylindres atmosphérique provenant de la Bravo GT, 2 litres, 20 soupapes et 147 chevaux (puis 154 chevaux) vendu 148 000 francs. Enfin, tout en haut se trouve le même 5 cylindres, mais doté d’un turbo portant la puissance totale à 220 chevaux (pour 186 800 francs). Pour comparaison, l’Alfa Romeo GTV Twin Spark de 150 chevaux se vend 193 800 francs tandis que sa version V6 commence à 215 000 francs pour 200 chevaux.

La production du Coupé durera jusqu’en 2000 (aux côtés du fabuleux Coupé 406 de chez Peugeot, de la Bentley Azure ou de la Lancia Kappa SW). Au total, 72 762 exemplaires sortiront des chaînes de San Giorgio Canavese, une réussite pour un véhicule de niche aussi décalé, ce qui permet aujourd’hui d’en trouver de nombreux exemplaires en circulation. C’est assurément un collector tant il est original tout en reflétant parfaitement son époque : les années 90. Les versions Turbo et 5 cylindres sont évidemment à privilégier (de toute façon, les motorisations d’entrée de gamme se sont moins vendues), et notamment le Graal du performant et enthousiasmant 5 cylindres turbo, malheureusement plutôt rare. Quoi qu’il en soit, cet adorable Coupé fera de vous un homme distingué et original dans votre quartier, surtout dans sa répandue couleur jaune.

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