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DS 7 Crossback : dernière chance ou renouveau ?

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 27/05/2018

L’article que nous avions fait paraître le 9 mars dernier (lire aussi : DS, une marque en voie de disparition ?) avait non seulement rencontré un succès d’audience, mais avait fait aussi – semble-t-il – grand bruit au sein de la marque DS. Il est vrai que beaucoup d’observateurs ou d’amateurs se posent la question de l’avenir de la marque au sein du groupe PSA, et que le sujet passionne, de toute façon. C’est donc en toute transparence, et afin de pouvoir discuter tant de la stratégie que du produit, mais aussi de pouvoir le tester, que DS a invité Boîtier Rouge à essayer le nouveau DS 7 Crossback dans le sud de la France.

C’est dès le déjeuner du premier jour, à peine descendu de l’avion, que la discussion s’engage, déjà passionnante, avec Arnaud Ribault, directeur du marketing et de la communication de DS. Une conversation qui durera jusqu’à 1h du matin, entrecoupée par les essais du DS 7 Crossback, tout de même, on était là pour ça. Mais d’une certaine manière, le produit n’est qu’une des données de l’équation, mais pas la seule.

Dès le départ, Arnaud me confirme les chiffres de 2017 : avec 52 817 ventes l’année dernière, on est loin du carton mondial (surtout en Chine où les ambitions étaient pourtant grandes). Sans nier la faiblesse du chiffre, il me précise :

« on le savait, on n’est pas surpris. Lorsque Carlos Tavares a pris la décision dès 2014 (et effective en 2015) de créer la marque DS, il savait que les moyens disponibles pour renouveler la gamme ne seraient pas pour tout de suite. La priorité du redressement de PSA allait à la relance de Peugeot, puis de Citroën. Nous savions donc qu’il faudrait tenir un certain temps avec DS 3, DS 4 et DS 5 ».

Ce que me dit d’entrée de jeu Arnaud Ribault est la pierre angulaire du discours : Carlos Tavares tient au projet mais sait qu’il s’agit d’un défi de long terme. D’ailleurs, l’équipe de DS le rappelle tout au long du séjour :

« Le DS 7 Crossback n’est pas le produit de la dernière chance, mais le premier produit entièrement DS, le premier d’une gamme de 6 véhicules » !

Dont acte ! Voilà en tout cas la stratégie annoncée : marquer le coup avec un SUV du segment C, indispensable tant pour envisager un certain volume de vente que pour se positionner comme une marque premium. En attendant la remplaçante de la DS 3, qui sera vraisemblablement un SUV urbain branché dans la continuation de la petite berline et, comme l’annonce les anglais d’Autocar, d’une DS 8, berline équivalente à la 508. Vous l’avez compris, il ne s’agit donc officiellement par d’une relance, mais du vrai lancement de la marque DS avec ce DS 7 Crossback.

DS veut convaincre que le passé, sous l’égide Citroën, n’était que les prémisses de ce que sera DS dans le futur. Arnaud Ribault n’hésite pas à comparer avec la stratégie des petits pas d’Audi, avec la V8 qui donna ensuite l’A8 (lire aussi : Audi V8). C’était, certes, une autre époque, et aujourd’hui, il semble difficile d’axer son positionnement sur une motorisation multi-cylindres (comme on dit bizarrement pour tout ce qui possède plus de 4 cylindres). DS prend donc une autre tangente : sur des bases PSA (EMP2 en l’occurrence) et avec les motorisations les plus hautes (notamment en essence, où la DS 7 s’octroie le Puretech THP 1.6 225 chevaux qui n’équipe que le 3008 de chez Peugeot, mais pas la C5 qui s’annonce), l’idée est toute simple : apporter une finition et un raffinement qu’on ne trouvera ni sur le C5 Aircross, ni sur le 3008.

Ma question, alors, était toute trouvée : mais puisque Peugeot monte en gamme, de façon voulue ou non (une majorité des clients de 3008 choisit la finition la plus haute, GT Line), que reste-t-il à DS ? La réponse fuse :

«  Plus Peugeot monte en gamme, plus DS monte en gamme ».

Il faut bien l’admettre : le DS 7 en impose, même si ce n’est qu’en trompe-l’œil ! A voir comme cela, statique, il paraît relativement grand, au point que certains confrères le classaient entre une Audi Q5 et une Q7 : raté, avec 4,57 m, on est en face d’un petit gabarit (enfin, en comparaison) que les places arrières ne laissent pas paraître – au détriment du coffre qui semble plus petit que celui du C5 Aircross, à confirmer lors d’un test couplé.

Le design extérieur est ce qu’il est, dans la tendance DS depuis quelques années, et notamment les updates des DS 3, 4 et 5. Il y a de l’excellent, du bon et du moins bon. Le travail des feux est vraiment remarquable, à l’avant, avec ces « Apéricubes » qui tournent, mais surtout à l’arrière, avec ces écailles relevées qui se parent de rouge… Voilà des détails qui fleurent bon le haut de gamme de cette fin de décennie : c’est peut-être un détail pour beaucoup, mais pour moi, cela veut dire qu’il y a une vraie réflexion sur le détail. La calandre en revanche est difficilement cernable à mon goût : trop de crosses chromées qui ne fixent pas le regard, il en devient impossible de se la remémorer intérieurement. Par certains aspects (un peu manga, l’influence asiatique?) cela rappelle les Lexus : un design fort, mais difficilement identifiable par trop d’effets de style.

Dans cet hôtel grand luxe où nous ne dormions pas, le voiturier était prêt à prendre notre voiture, comme quoi, le sigle DS marche 😉

C’est à l’intérieur que tout se joue. Honnêtement, il n’y a pas grand chose à reprocher, surtout dans la finition Opéra qui nous était confiée : le cuir est superbe, la finition irréprochable (oui je le dis, tout à fait au niveau de certaines allemandes, voire supérieure en certains points), avec une présentation originale (même s’il faut s’y habituer). Les commandes chromées entre les deux sièges sont superbes, mais avec les reflets, on ne voit plus laquelle sert à quoi. Mais avouons qu’à la longue, on connaît sa voiture sur le bout des doigts.

En discutant avec Arnaud Ribault, mais aussi Laurent Petitfrère, chef de produit DS 7, on s’aperçoit que l’accent est vraiment mis sur la technologie : je ne dois pas être le bon client, car tout cela me laisse indifférent, non parce que ce n’est pas important sur le marché aujourd’hui (au contraire), mais parce que moi, j’aime rouler à l’ancienne. Cependant, au delà d’une conduite autonome de niveau 2 (ce qui n’est déjà pas mal), j’ai noté quelques technos intéressantes (oui j’ai déconnecté pas mal de gadgets qui m’énervent mais qui font vendre, je l’avoue).

En premier lieu, le capteur situé au dessus du moyeu du volant, ressemblant à un rubis, sert à mesurer ou l’endormissement, ou l’attention du conducteur. Dès que la discussion endiablée avec mon confrère Laurent Sanson laissait croire à l’ordinateur que je n’étais plus attentif, il me le faisait savoir. Et m’étant levé à 5h30 du matin pour me rendre à ces essais, avec 2h30 de route jusqu’à Orly, le dit ordinateur sut avant moi un certain état de fatigue, l’occasion de laisser le volant à Laurent, justement.

Autre techno utile : la vision infra-rouge de nuit, s’inscrivant sur l’instrumentation derrière le volant, permet de voir des choses qu’on ne voit pas d’ordinaire, jusqu’à 150 mètres environ. Nous avons testé avec nos chauffeurs, au retour du restaurant : c’est bluffant, car on voit tout de loin, extrêmement nettement, dès que cela dépasse la taille d’un chat. Habitant en province, et perdu dans les bois, ce système m’aurait permis d’éviter pas mal de freinage d’urgence. Autant de petits détails qui sont devenus indispensables (et peut-être plus que le moteur) dans une voiture haut de gamme, voire, comme c’est l’ambition, premium-luxe !

Côté suspension, les « pro-Citroën » qui espéraient en DS un système au moins aussi génial qu’ils le pensaient de la suspension hydro-pneumatique, les choix ont été différents : en effet, ce n’est pas tant la suspension qui est révolutionnaire que sa façon de l’adapter à la situation, grâce à tous les capteurs de la voiture, et à une caméra située dans le pare-brise, qui scannent la route et réagissent en fonction ! Le confort est réel, tant que l’on reste en mode confort justement. Les autres modes plus sportifs se dispensent de ce « service » mais il faut l’avouer : la tendance est à rester en mode confort, sauf à pousser la voiture dans ses retranchements, comme nous l’avons fait.

Parlons maintenant de la conduite. N’étant pas un expert, je ne serai sûrement pas le meilleur juge, mais la présence avec moi de Laurent Sanson, dont l’expérience n’est plus à prouver en Rallye, voire en Formule Ford, me permet d’avoir une vision plus large que si j’avais conduit tout seul. Commençons pas le commencement : avec cette motorisation 1.6 THP Puretech de 225 ch (une motorisation « haute » du 1.6 qu’on retrouve sur le 3008, mais aussi sur la 308), on est à la croisée des chemins. Le moteur est puissant grâce à son turbo, mais la cylindrée faible ce qui laisse craindre à beaucoup une fragilité dans le temps. N’étant pas devin, je me contenterai de ce que je teste à l’instant T ! Force est de constater que 225 chevaux suffisent largement pour mouvoir la bête, surtout que, malgré son aspect, elle ne pèse que 1420 kg !

Il faut s’arrêter sur ce point : 1420 kg aujourd’hui pour un SUV du segment C, c’est une performance, surtout avec ces technos embarquées, et que 225 chevaux, dès lors, sont nettement suffisants pour la plupart des utilisations que vous pourriez envisager. N’attendez pas une sportive, cela reste un SUV, mais franchement, ce poids « presque plume » permet de dire que l’on peut envoyer.

Voilà tout l’intérêt d’avoir un vieux briscard avec soi : Laurent est journaliste depuis des lustres (et je vous encourage à découvrir son site : Auto-mag), mais aussi pilote depuis autant de temps voire plus. Nos discussions insensées tout au long de la route (on se connaissait depuis longtemps mais nous étions co-équipiers pour la première fois) ont non seulement été géniales, mais m’ont permis de mieux comprendre la voiture, notamment lorsqu’il était au volant.

Sortis des Baux de Provence, sur les lacets de la route touristique encore vierge de tout autocar ou cycliste, l’ami Laurent reprit ses réflexes de rallyman : croyez-moi, il l’a poussé la bestiole et son seul vrai bémol ne fut ni la tenue de route, ni l’équilibre, ni la facilité à faire chanter le moteur, mais plutôt la boîte ne suivant pas vraiment ses talents de pilote. Une boîte EAT8 que j’avais trouvé totalement suffisante pour moi. Comme quoi.

J’avoue qu’en attaquant les virages, à 120, freinage roues droites, rétrogradage, coup de volant, accélération, à aucun moment je n’ai senti la voiture défaillir, partir, frémir, ou rendre son tablier. La base est bonne, et l’arrivée d’un Hybride Plug In 4×4 de 300 chevaux prévu pour 2019 laisse augurer le meilleur : on le savait mais la plate-forme EMP2 est vraiment ce qu’il se fait de mieux (ou presque). La plupart des acheteurs ne feront jamais ce qu’on a fait Laurent et moi, et c’est tant mieux, mais avouons que la DS 7 Crossback se démerde !

Bon, d’accord, mais quel défaut trouver à cette DS 7, mis à part le fait que cela soit un SUV, ce qui n’est rédhibitoire que pour moi (et quelques autres?), et qu’il n’y ait pas plus que 4 cylindres sous le capot ? En vrai pas grand chose, le design étant quelque chose de difficile à cerner. Les choses se joueront ailleurs : image, tarif, concurrence interne (3008) ou externe, communication, réseau (il semblerait que le réseau DS ait, selon Arnaud Ribault, sensiblement progressé ces derniers mois).

La com justement, parlons-en ! Après le coup de pub travaillé de la descente des Champs Elysées d’Emmanuel Macron lors de son investiture (lire aussi : la DS 7 de Macron), l’heure est à la publicité qui déferle sur vos écrans (voir en fin d’article)… Avant Garde, tel est le mot clé, avec en fond sonore la Marseillaise revisitée, et en fond visuel un Paris sublimé et sa Pyramide du Louvre (une photographie qui marque aussi le consommateur chinois, la Pyramide ayant été réalisée par Leoh Ming Pei, un artiste sino-américain, et cela a son importance). Je ne suis pas assez « marketeur » ou « publicitaire » pour dire si c’est réussi, mais une chose est sûr, j’ai vérifié, mon entourage pas bagnolard pour un sou s’en souvient.

L’essai de cette DS 7, les longs entretiens que j’ai pu avoir avec les membres de l’équipe DS, tout cela est bien beau, mais cela change-t-il la donne ? DS a-t-elle encore de l’avenir en tant que marque ? J’avoue ne toujours pas savoir. Connaissant Carlos Tavares, je pense que le discours d’Arnaud Ribault n’est pas formaté : « il y a une vraie volonté de laisser le temps à DS ». Mais il y a aussi la réalité. Si le redressement d’Opel ne se fait pas selon les plans, l’avenir de la marque pourrait être différent. Et au delà d’Opel, si le DS 7 peine vraiment à séduire les foules, ou du moins les cibles identifiées, lui laissera-t-on autant de temps ?

Affaire à suivre de près donc, d’autant que le « core business » n’est sans

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