Chrysler New Yorker : la fin d'une époque !
Mon rapport à l’automobile américaine est un peu compliqué. Je ne me vois pas conduire une américaine, mais je dois l’avouer : je suis fasciné par ces voitures qui pour moi respirent l’exotisme. Les goûts et les besoins des américains en matière d’automobile diffèrent tellement de ceux des européens que je trouve chaque modèle déroutant, étonnant, et même parfois drôle ! C’est le cas de l’éphémère Chrysler New Yorker, 10ème du nom, apparue en 1979.
Les années 70, pour les big three américains (GM, Ford et Chrysler), s’annonçaient dans la même veine que les années 60 : big cars, big blocks. Mais le premier choc pétrolier de 1973 changea un peu la donne. Les américains, soudainement, se mirent à faire à attention à leur consommation d’essence. Avec un temps de retard, les marques américaines se mirent alors à faire du downsizing, réduisant la taille de leurs plate-forme et la cylindrée de leurs moteurs, pour mieux coller à la demande des consommateurs et pour résister à l’arrivée des voitures japonaises économiques.
C’est dans ce contexte qu’apparaît en 1979 la dixième génération du porte étendard de la gamme Chrysler, la New Yorker. Pour la marque au Pentastar, il s’agit bien du haut de sa gamme, du top du top, sa limousine de luxe, sa vitrine quoi ! Par manque de moyen, ou par réticence à descendre trop en gamme, Chrysler fait avec la New Yorker du « demi » down sizing. Si elle diminue en taille en empruntant la plate forme de la Newport (« R Body »), elle conserve ses big blocks, deux gros V8 de 5,2 litres et 5,9 litres, dont la puissance culmine à 170 ch tout en étant particulièrement gloutons !
Mauvaise pioche : la sortie de la New Yorker correspond au second choc pétrolier. Du coup, difficile de résister à la concurrence de Ford ou GM, dont les moteurs ont subis une sérieuse cure d’amaigrissement, mais aussi (surtout?) à la concurrence européenne offrant luxe, performance et consommation raisonnable. Si en 1979, la New Yorker se vend à 54 640 exemplaires, ce chiffre tombe de façon vertigineuse dès 1980, à 13 513 exemplaires, puis à 6548 exemplaires en 1981. Il semble évident que Chrysler n’a pas fait le bon choix, et revoit sa copie dès 1982, en présentant une nouvelle New Yorker, plus économique et plus petite (plate-forme M body, moteurs 6 cylindres). Le résultat ne se fera pas attendre, et la 11ème génération repasse alors à 50 509 exemplaires.
Le look de la Chrysler New Yorker 79 était pourtant un petit chef d’oeuvre du baroque américain des années 70. Long capot avant, long coffre, phares escamotables, lunette arrière tarbiscotée recouverte de vinyle donnant l’impression d’un Landaulet, gros fauteuils, grande banquette, cuir à profusion, boiserie tendant vers le contreplaqué, tout y est pour exprimer la réussite à l’américaine. C’est encore plus vrai dans la version (encore plus) haut de gamme baptisée 5th Avenue. On peut dire qu’elle sera la dernière représentante de son espèce dans la gamme Chrysler, malgré l’apparition de la LeBaron Executive en 1983 (lire aussi : Chrysler LeBaron Executive).
La New Yorker de 11ème génération perd ses phares escamotables, diminue en taille et se dote de 6 cylindres !Plus je la regarde, plus je la trouve intéressante, à défaut d’être belle. Elle est représentative d’une certaine Amérique, ancrée dans ses certitudes, désireuse d’exhiber sa réussite, sûre d’elle-même, et finalement dépassée. Un jour peut-être, après avoir acheté toutes les voitures qui me font de l’oeil, je m’offrirai une New Yorker ?