Audi A2 : la faute de car(re) !
Qu’il est bon parfois de voir les meilleurs élèves de la classe se prendre des gadins. C’est injuste, pas très charitable certes, mais ça rassure un peu. Quand le bon élève se tape un 9/20, cela fait le tour de la classe, et tout le monde se moque. Quand le mauvais élève se tape un 10/20, c’est champagne. C’est un peu ce qui est arrivé à Audi avec son A2 pourtant promise à un brillant avenir ! Car si aujourd’hui la marque d’Ingolstadt imprime un rythme très élevé dans l’excellence depuis plus de 20 ans, faisant aujourd’hui rêver tout gamin fana de bagnoles, il lui est arrivé de se planter en beauté : ouf !
Si la montée en gamme n’avait pas attendu l’A8, c’est avec ce modèle, matrice du style Audi, que la marque aux anneaux enfonce le clou, et s’installe durablement comme une marque premium (lire aussi : Audi A8). La martingale, Audi pense l’avoir trouvé en mêlant style, technologie, luxe et… aluminium, permettant l’allègement de la voiture malgré la hausse des équipements embarqués. Fort de cette première expérience (concluante), Audi décide d’attaquer tous les secteurs du marché.
L’AL2 présentée en 1997 au Salon de FrancfortC’est en 1997 qu’est alors présenté le concept AL2 : sorte de petit monospace, positionné dans la catégorie des citadines, ayant recours massivement à l’aluminium. Si aujourd’hui on moque le design de cette voiture, il me semble utile de rappeler ici qu’elle est l’oeuvre de Luc Donckerwolke, à qui l’on doit aussi le restylage de la Lamborghini Diablo, la superbe Murcielago, et la « petite » Gallardo. Que cela soit dit !
Contre toute attente, cette étude sera quasiment inchangée lors du passage en série. Il faut dire que l’échec de l’A2 a fait oublié le succès rencontré en 1997 lors du salon de Francfort. Tout le monde criait alors au génie. Aujourd’hui, il est tellement facile de refaire l’histoire ! C’est en novembre 1999 que la production en série démarre. Grâce à l’aluminium, le poids de la voiture varie selon les versions entre 895 et 1030 kg, ce qui laisse rêveur aujourd’hui.
Pourquoi alors parle-t-on d’échec pour cette A2 qui semblait pétrie de qualité, avec ses petits moteurs 4 cylindres essence de 1,4 et 1,6 litres (respectivement 75 et 110 ch) et surtout ses très petits 3 cylindres diesel 1,2 et 1,4 litres (respectivement 61, 75 et 90 ch pour les deux 1,4 litres) ? L’objectif d’Audi : obtenir la meilleure efficience, grâce à son design fluide et sa légèreté. Voiture économique dites-vous ? A condition qu’elle soit relativement bon marché, et c’est sans doute là que le bât blesse, car le principal point noir fut son prix, délirant par rapport aux performances et à l’équipement offert.
En fait, il s’agissait d’un cercle vicieux dont Audi n’a pas su sortir (mais était-ce possible?). L’usage de l’aluminium se justifiait pour un modèle haut de gamme comme l’A8 dont le prix élevé permettait d’intégrer le surcoût de l’alu ! Mais pour un modèle d’entrée de gamme comme l’A2, l’utilisation de ce matériau devenait difficile à amortir sauf en produisant beaucoup. Audi chercha à baisser au maximum le prix de vente de l’A2, vendant même à perte, sans pour autant réussir à être compétitif.
Avec un prix trop élevé, l’A2 partait déjà mal. Mais surtout, la mayonnaise ne prit jamais, rendant impossible toute baisse de prix ultérieure rendue éventuellement possible par des volumes de production importants ! L’A2 en vérité pâtissait (paradoxalement) du succès d’Audi : trop décalée en terme d’image, de performance et de luxe, par rapport au reste de la gamme, elle ne faisait pas rêver. Et puis il ne fait pas bon avoir raison trop tôt : le downsizing, l’optimisation du poids, l’efficience, n’étaient pas des termes très à la mode à l’orée des années 2000. Son physique n’était pas assez « tendance » (la mode était au néo-rétro, façon Mini ou VW New Beetle), son prix trop élevé empêchait de rentabiliser les économies de carburant, sans compter une carrosserie fragile en condition urbaine, exposée au moindre choc.
En 2005, Audi décide donc de tirer un trait sur l’aventure A2, après seulement 176 377 exemplaires. Il faudra attendre 5 ans, en 2010, pour que la marque ose revenir sur le créneau inférieur avec une A1 très classique, jouant sur les qualités naturelles d’Audi : classicisme, sobriété, qualité perçue et sportivité. L’A2 restera un mauvais souvenir, un accroc dans un parcours sans faute. C’est donc une voiture à collectionner d’urgence !