"The Japanese Gentleman's Agreement" : pourquoi pendant 15 ans les voitures japonaises furent limitées à 280 ch.
Alors que je faisais paraître un article sur la marque Amati jamais lancée par Mazda évoquant le « Gentleman’s agreement » des constructeurs japonais limitant la puissance de leurs moteurs à 280 ch / 276 hp (lire aussi : Amati, la marque de luxe fantôme), un lecteur me demandait d’expliquer un peu cette mesure devenue mythique, notamment depuis le lancement de la série de jeux vidéo Gran Turismo.
Pour expliquer cet accord tacite, commençons par le commencement : une première mesure visant à lutter contre les gangs, les fameux bosozoku au milieu des années 70. Les courses poursuites dans les centres villes commencent à sérieusement énerver la police japonaise. A bord de puissantes voitures, ou de motos, ils narguent les forces de l’ordre en organisant des courses au milieu de la circulation.
En coopération avec la JAMA (Japan Automobile Manufacturers’ Association), il est alors décidé de limiter la vitesse des véhicules produits à un maximum de 180 km/h grâce à un astucieux système coupant l’arrivée d’essence au delà de cette limite. De toute façon, la vitesse maximale autorisée étant de 100 km/h sur l’archipel, personne n’y trouva rien à redire, d’autant qu’à part ces gangs, les japonais sont assez (très) respectueux des limitations et de la loi en général. Un premier pas venait d’être franchi vers l’auto-régulation. Une chose est sûre : à la fin des années 70, le phénomène bosozoku avait disparu. Effet des limitations de la JAMA ou de l’action de la police ? Un peu des deux sans doute.
En revanche, les années 80 virent un nouveau phénomène : l’explosion des accidents mortels sur la route, dépassant les 10 000 cas en 1988. Là encore, il fallait agir par le biais d’une mesure draconienne : limiter la puissance des voitures. Là encore, la JAMA fut mise à contribution. Comme les moteurs japonais de l’époque atteignaient au maximum la puissance de 280 ch, c’est cette limite qui fut arbitrairement choisie en 1989 pour satisfaire et l’opinion publique, et les autorités. Cet accord mutuel de ne pas dépasser cette puissance est dès lors appelée le Japanese Gentleman’s Agreement .
Un accord de dupe en vérité, puisqu’il s’agissait surtout de jouer les bonnes consciences. Dès lors, les voitures de sport japonaises indiquaient toutes sur leurs fiches techniques la puissance maxi de 280 chevaux… Tandis qu’en réalité, elles en développaient beaucoup plus qu’indiqué ! Chacun savait qu’une Nissan Skyline GTR pouvait largement dépasser les 300 ch tout en n’en déclarant que 280 ! Mais l’honneur était sauf, et chacun savait de quoi il en retournait vraiment.
Quoi qu’il en soit, le nombre d’accidents de la route diminua tout au long des années 90. On aurait pu dire que la mesure tacite acceptée par l’ensemble des constructeurs japonais portait ses fruits. Or en 2004, le directeur de la JAMA, Itaru Koeda fit une annonce explosive : il annonçait que la relation entre l’accidentologie et la puissance des véhicules n’était pas prouvée, et que la baisse de la mortalité routière au Japon venait plutôt de l’amélioration de la sécurité passive et active. Il mettait fin officiellement au Japanese Gentleman’s Agreement, sans doute aussi sous la pression des constructeurs désireux de pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents américains ou européens.
C’est ainsi que cette accord ne dura que 15 ans, et que désormais, les constructeurs japonais osent proposer avec talents des monstres de puissances comme aujourd’hui la Nissan GTR ou bien, pour les berlines que j’ai pu essayer, la talentueuse Lexus GS F (lire aussi : Lexus GS et RC F).
Il existe des théories plutôt fumeuses pour expliquer autrement cette limitation : une sombre histoire de sport automobile, notamment dans les différentes catégories JGTC, le championnat de voiture de tourisme Japonais. Je vous laisse juge, mais l’explication me paraît peu probable (lire aussi : La vérité sur la « mythique » limitation à 276hp selon ce forum).
Pour étayer mes propos, voici un article du Japan Times qui fait aujourd’hui référence et qui s’avère recouper beaucoup de sources que j’ai pu trouver à ce sujet, et qui m’a fortement inspiré : L’article du Japan Times