SGS 600 Royale : une Mercedes W126 dopée aux hormones de croissance
On a beau fouiner les archives du bizarre automobile, on fait encore des découvertes : si je connaissais l’existence de SGS (ou Styling Garage) qui oeuvrait sur les Mercedes W126 au début des années 80 à la façon d’un Mansoury aujourd’hui, j’en étais resté à sa principale réalisation, la 1000 SEL. Pourtant, cet « artisan du bon goût » avait aussi affublé la pauvre 500 SEC (C126) de portes « Gullwing », ou l’avait découpée à la disqueuse pour en dériver un cabriolet. Surtout, il avait livré un curieux héritage juste avant de faire faillite : l’étonnante SGS 600 Royale dont nous allons vous parler ici.
Peter Engel et Christian Hahn n’étaient, au tout début des années 80, que les propriétaires de Styling Garage, un atelier de réparation dédié à la marque Mercedes, mais reniflant le bon coup du tuning d’une part, et de l’explosion d’une clientèle extrême ou moyen-orientale richissime et décomplexée, les deux amis s’étaient diversifiés dans la réalisation de limousines sur la base du best seller Classe S W126 sorti en 1979 (lire aussi : Mercedes Classe S W126).
Une 500 Gullwing, dont Eddie Murphy fut friandAssez rapidement, la division « commandes spéciales », appelée SGS (Styling Garage Speciale) prit une ampleur incroyable en 1981 avec la commande par un prince héritier d’Abu Dhabi de 40 limousines de toutes les couleurs de l’arc en ciel destinées aux invités de son mariage. Dès lors, tous ces princes du pétrole passèrent commande d’un ou plusieurs exemplaires ultra-personnalisés auprès du petit spécialiste allemand devenu gros. Parmi les clients fidèles, le roi Fahd d’Arabie, ou l’inévitable Sultan de Brunei et son frère.
Les 1000 SEL (qui devinrent ensuite 1000 SGS) ne furent pas les seuls modèles de la firme. On l’a vu, SGS s’attaqua aussi au coupé SEC pour sa clientèle particulière, sous les noms de 500 Gullwing (avec ses portes papillon, et qui compta parmi ses clients la star du moment, Eddie Murphy) ou 500 Convertible (comme son nom l’indique). Au firmament de l’activité de SGS, la PME allemande employait jusqu’à 100 salariés.
la 600 SGS Royale était plus large, plus haute et plus longue qu’une W126 classiqueSGS décida alors d’en offrir encore plus à ses fantasques et richissimes clients. C’était bien beau de personnaliser et de rallonger des Mercedes, mais c’était finalement tellement convenu, d’autant qu’un sacré paquet de petites entreprises s’étaient lancées sur ce juteux créneaux. Il fallait aller encore plus loin. Rallonger, certes, mais aussi élargir et rehausser. C’est ainsi que naquit la très étrange 600 SGS Royale en 1985.
Cette limousine était certes disponible en version rallongée de 300 à 1200 mm selon les désirs, mais surtout élargie de 200 mm afin d’offrir un espace intérieur digne des palaces dans lesquelles descendaient les probables propriétaires. Cela nécessita de nombreuses modifications notamment au niveau des trains roulant et de l’essieu arrière, mais aussi de redessiner une nouvelle calandre adaptée à la largeur inhabituelle de cette voiture qui fait inévitablement penser à la Golf V8 réalisée par Artz à la même période (lire aussi : Golf V8 Artz).
Alors que Engel et Hahn s’engageaient dans ce coûteux projet, les deux lascars n’avaient pas vu arriver le retournement de situation. L’ampleur du tuning et de la préparation en Allemagne avait fait naître de nombreux concurrents, fragilisant l’entreprise. Surtout, la situation géopolitique d’un Moyen-Orient de plus en plus instable rendit plus prudente la clientèle traditionnelle de SGS qui, pendant un temps, cessa toute commande. Enfin, l’entreprise avait grandi trop vite, se retrouvant lourdement endetté au moment où il aurait fallu réduire la voilure. Sans compter la 600 SGS Royale qui ne trouvera en fait que très peu de clients : seuls 6 exemplaires seront fabriqués, dont 3 destinés à une seule et même personne, le Sultan de Brunei, pour le coût 3,5 fois supérieur à une W126 normale. La maison SGS fit, quand à elle, faillite en 1986, et ses fondateurs lanceront ensuite la firme Design + Technik.
Ces 3 exemplaires doivent sûrement se trouver aujourd’hui encore dans les réserves du Sultan, peut-être pourris par l’inactivité et des conditions de stockages inappropriées. Pour les 3 autres, nul ne sait où ils se trouvent. Il y a donc des chances de tomber un jour, par hasard, sur l’un ou sur l’autre de ces modèles, à l’occasion d’une vente aux enchères ou d’une balade dans les Pays du Golfe.