Rover 800 Vitesse : TGV à l’anglaise
Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. L’automobile en ce temps là comptait encore Rover jusque dans les concessions et si aujourd’hui la marque est dans l’oubli et ne paie pas de mine, j’ai connu la Rover série 800, sa ligne et son V6 nippon, propres à enchanter les quartiers bourgeois.
La première Rover 800 (type XX) avait succédé en 1986 à l’étrange, mais peu fiable, SD1 en s’appuyant sur le savoir-faire et la rigueur du Japonais Honda. La collaboration entre British Leyland et le Japonais avait commencé à la fin des années 70 et le développement de la Triumph Acclaim. Le modèle ne fut pas un succès, mais les avantages de cet accord sautèrent aux yeux des Anglais. Honda apportait une technologie que British Leyland (devenu Austin Rover Group en 1984 après la vente de Jaguar) s’avérait bien en peine de financer, mais aussi une nouvelle organisation de production censée pallier les manques des usines britanniques.
Des origines japonaises
Cette première mouture de 800 s’inspirait donc très largement de la Honda Legend de la même époque et rencontra un certain succès en Europe. Elle fut même vendue aux USA sous le nom de Sterling, mais avec moins de réussite il faut le dire. Alors qu’en 1990 Honda faisait évoluer sa Legend en un tout nouveau modèle, Rover décidait lui aussi de faire du neuf, mais avec du vieux. Délaissant la toute nouvelle plate-forme japonaise (il faut dire que les relations avec Honda devenaient de plus en plus difficiles), la nouvelle 800 préférait améliorer l’ancienne sous le nom de code R17 (rien à voir avec le coupé éponyme des années 70).
Malgré un manque de moyens évident, les designers firent pourtant des merveilles. La toute nouvelle 800 paraissait tout aussi moderne que la récente Legend tout en renouant avec une certaine tradition so british : celle de la calandre. Les lignes adoucies transformaient le modèle R17 en une grande berline désirable alors que la XX, pourtant très proche, paraissait datée et carrée. Les phares plus doux, la calandre plus statutaire, les galbes un peu plus généreux suffisaient à changer radicalement alors qu’en dessous subsistait la même plate-forme. Disponible en 4 ou 5 portes, la Rover 800 se déclinait aussi en un élégant coupé totalement inédit. Difficile d’imaginer avec ce gros replâtrage qu’elle conservait aussi la cellule centrale de l’ancienne 800.
Du luxe et des moteurs
Au lancement, l’offre était des plus simples : 3 moteurs seulement étaient disponibles. Un 2 litres (820 Si) de 136 chevaux d’origine Rover, un 2,5 litres Diesel (825 D ou SD) de 118 chevaux d’origine italienne (VM Motori) et enfin un V6 de 2,7 litres et 189 chevaux (827 Si et SC) provenant directement du Japon. À l’intérieur, la 800 conservait tout le charme des anglaises, y compris dans ses finitions basses. La moquette y était épaisse, l’atmosphère chaleureuse et le cuir abondant (à partir de la finition Lux). En somme, Rover cultivait encore de façon habile son positionnement juste en dessous de Jaguar et son inimitable style britannique, tout en se payant le luxe d’être un peu moins chère qu’une Renault Safrane ou qu’une Peugeot 605 à équipement et prestations équivalents !
Certes, la plate-forme s’avérait moins moderne, mais restait relativement récente (lancement en 1986). D’autant qu’à partir de 1994, la 800 gagnait une nouvelle entrée de gamme dotée d’un bouillant 4 cylindres turbo de 180 chevaux (820 Ti) disponible aussi sur les étonnants coupé 220 Turbo et berline 620 Ti. En 1996, rompant tout lien avec Honda depuis le rachat par BMW, Rover abandonna le V6 2,7 litres pour revenir à un moteur maison récemment développé, le KV6, de 2,5 litres de cylindrée et 177 chevaux.
Une carrière timide
Malgré ces nouveaux moteurs et un restylage mineur, la 800 ne réussit jamais à s’imposer en dehors de son île. Malgré des ventes encourageantes les trois premières années, la 800 retomba vite dans l’anonymat. Au total, 123 595 exemplaires sortirent des chaînes entre 1991 et 1998 avant qu’elle soit remplacée par une prometteuse Rover 75 et son pendant plus sportif MG ZT. Si la 800 connut un succès d’estime, elle restait sans doute moins rigoureuse que ses rivales en matière de châssis, de trains roulants et donc de tenue de route. Cependant, ses origines Honda lui garantissait un certain sérieux de conception.
Aujourd’hui, les 800 sont très abordables mais pas si courantes que cela. Les coupés commencent à être particulièrement recherchés, mais la berline reste dans les bas-fonds de l’occasion. Il y a donc des affaires à faire tant l’équipement et l’impression de luxe règnent, surtout avec une motorisation V6 Honda fiable et onctueuse. Relativement peu vendue en France, il faudra donc élargir ses recherches à l’Europe, voire accepter une RHD pour s’offrir la joie d’une 800 R17.