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Rolls Royce Silver Shadow : bienvenue dans la modernité (luxueuse)

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 27/08/2017

On ne s’en souvient plus, mais la présentation de la Rolls Royce Silver Shadow au Salon de Paris 1965 fit un choc encore plus grand que celle de la Phantom VII en 2003, première Rolls de l’ère BMW. Jusque là, et malgré l’adoption d’un moderne V8 sur la Silver Cloud en 1959, on ne pouvait pas vraiment louer Rolls Royce pour son modernisme. Contre toute attente, la vénérable marque anglaise osait lancer une berline alliant le luxe, la puissance mécanique et « nouvelles technologies » (de l’époque hein, gardons la raison) !

Je vous fais pas un dessin, mais au début des années 60, et malgré la renommée de ses propriétaires (lire aussi : La Rolls Royce Phantom V de John Lennon), les Rolls ne sont pas des modèles de modernité, que ce soit la Silver Cloud ou la Phantom V ! Il faut vraiment les repeindre façon John Lennon pour les rendre psychédéliques, car sinon, on frise la voiture de vieux… Vieux Lords certes, mais vieux quand même. Or l’argent, dans le swinging London des sixties, mais aussi partout dans le monde, ne se limite plus aux vieux aristocrates attachés aux traditions, mais aussi à tous ces nouveaux riches qui veulent l’aura des vieux riches, mais la modernité du monde qui s’offre à eux ! Le marché a parlé, il faut rentrer dans l’ère de la modernité !

Grande nouveauté de la Silver Shadow: une carrosserie Ponton, et une coque autoporteuse !

On aurait pu croire la vieille maison britannique engoncée dans ses certitudes, telle Bristol l’a été pendant les années 70, 80 et 90 (lire aussi : Bristol Blenheim). Et bien non. Plutôt que de devenir une marque marginale et sans avenir, Rolls a décidé de relever le défi : allier tradition et modernité, avancer sans se renier. Et pouf, voilà que la Silver Shadow apparaît en 65 comme un cheveux sur la soupe ! Un cheveux bien profitable puisqu’il s’agira de la Rolls la plus produite entre 1965 et 1980, avec 31 175 exemplaires sortis des ateliers de Crewe ! La Silver Spirit qui lui succèdera n’arrivera jamais à ce score malgré une carrière plus longue (19 340 exemplaires entre 1980 et 1998).

Bien que moderne, la Silver Shadow se conduit avec chauffeur, « of course »

Normal me direz-vous, il était difficile pour la Silver Spirit de franchir un « gap » aussi important par rapport à sa devancière que ne le fit la Silver Shadow par rapport à la Silver Cloud. D’un châssis séparé, on passait à une coque autoporteuse : c’était pas nouveau hein, la Citroën 7/11/15 l’était depuis 1935, mais c’était un sacré pari pour Rolls, car cela empêchait bien des « carrosseries » spécifiques réalisées par des carrossiers indépendants, dont sa clientèle naturelle était friande. Un risque assumé pourtant, pariant sur la standardisation du luxe (avec raison semble-t-il).

Si je comparais les coques autoporteuses Rolls et Citroën, ce n’était pas un hasard. Nos amis anglais voulaient le meilleur de l’époque pour leurs clients. Et le meilleur de la technologie en terme d’amortissement, de suspension et de freinage à l’époque, c’était bel et bien Citroën et sa fantastique DS (lire aussi : Citroën DS). Les Rosbiffs sont pragmatiques on vous dit. Contact est pris avec le constructeur français, trop content de faire rentrer de l’argent frais en revendant sa technologie auprès d’une marque non-concurrente, et plutôt discrète sur la provenance de ses composants. Voilà donc la Silver Cloud équipée d’une suspension à 4 roues indépendantes, d’un correcteur d’assiette, et d’un système de freinage hydraulique. Cocorico !

Après, fallait pas en demander trop à la Flying Lady : la ligne est sobre (mais de bon goût), conserve sa calandre de temple grec, et propose un intérieur digne du Centaur Club (les non bédéphiles ne verront pas le rapport). Cuir, moquettes épaisses, gros fauteuils, boiseries, et tout le raffinement possible pourvu que vous y mettiez le prix.

Sous le capot, on trouvera d’abord, jusqu’en 1970, le V8 dans sa version 6.2 litres, d’environ 200 ch. Oui parce que chez Rolls, on trouve ça vulgaire de parler de puissance : si on vous dit que le V8 suffit pour la Silver Shadow, vous devez le croire ! Bon, en 1970, le fameux V8 passe à la magique cylindrée de 6 ¾ de litres, pour plus d’onctuosité et de couple, et pour une puissance sans doute du même ordre. De toute façon, la Silver Shadow n’est pas une machine de guerre, mais une puissante berline, en tout cas suffisante pour doubler bien des autos pour vous amener du Manoir écossais à la City Londonienne sans cahots, sans souffrir des nids de poule, tout en continuant à lire le Times en fumant un cigare et buvant un whisky (oui, parce qu’en Rolls, c’est pas vous qui conduisez, n’oubliez pas).

Avouez que, à Piccadilly dans les 60’s, elle avait de la gueule (notez la Renault 4 à ses côtés) !

Avec un peu de pognon supplémentaire, vous pouviez opter pour la version longue, dite LWB. Histoire d’avoir un peu plus d’espace pour les jambes. En 1977, cette version prend le nom de Silver Wraith, tandis que toutes les Silver Shadow reçoivent quelques améliorations techniques (suspensions avant revues, direction à crémaillère, carburation améliorée pour faire baisser une consommation gargantuesque même pour les grands de ce monde). La belle finira sa carrière en 1980, remplacée par une évolution plus dans l’air du temps, la Silver Spirit.

La Silver Shadow dans sa version Corniche 2 doors (en haut) ou cabriolet (en bas)

Entre temps, elle aura fait des petits : Bentley T (alter ego chez la marque sœur), cabriolets et coupés sous le nom de Corniche, et même des versions break et Shooting Brake dues à des carrossiers facétieux et/ou mandatés par d’excentriques clients. Bref, il y en eut pour tous les goûts, sans pour autant perdre l’aura de la marque !

La Bentley T, soeur jumelle de la Silver Shadow à la calandre près !

Aujourd’hui, des Silver Shadow se trouvent à tous les prix, mais ils ont tendance à monter un peu (suivant la tendance de toutes les autres voitures). Fini le temps où pour 5 000 euros on repartait avec sa bagnole de luxe. De toute façon, il ne faut pas se faire d’illusion : même à bas prix à l’achat, la Silver Shadow reste une Rolls qui demande un entretien suivi et coûteux, tout comme les pièces ! Ne jamais s’embarquer dans une telle aventure sans avoir prévu un budget annuel conséquent, et je ne parle même pas du carburant. Une fois cela intégré, vous disposerez d’un salon roulant qui conserve un sex-appeal certain, voire même la bienveillance des badauds s’extasiant devant. Le luxe à portée de main quoi !

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