Renault Clio 1 Baccara : "pas assez chère mon fils" !
Est-ce parce que le luxe et les équipements se sont multipliés sur les voitures même les plus courantes qu’une griffe comme Initiale n’arrive pas à respirer la distinction autant que son prédécesseur Baccara ? Ou était-ce parce que l’imaginaire entourant le Baccara (jeu de table au casino, à une époque où les tongs et le short étaient interdits dans un établissement de jeu) rimait beaucoup plus avec luxe qu’Initiale ? Toujours est-il qu’avec sa longue série de véhicules Baccara, Renault avait su, pendant une dizaine d’année, trouver sa place sur un créneau particulier unique en son genre : la voiture de luxe populaire (et vice versa).
C’était sans doute plus facile à l’époque, mais encore fallait-il en avoir eu l’idée. C’est avec la Super Cinq que la première Baccara était née (lire aussi : Renault Supercinq Baccara), rapidement rejointe par une 25 de grand luxe (lire aussi : Renault 25 Baccara), mais c’est avec la Clio (apparue en 1991 dans sa définition luxueuse) que Renault enfoncera véritablement le clou, obligeant même Peugeot à réagir avec la 205 Gentry qui n’eut jamais le même succès (lire aussi : Peugeot 205 Gentry). Etonnant de voir que c’est la marque la plus marquée « populaire » ou « de gauche » qui damait le pion sur ce créneau à celle la plus marquée « bourgeoise » voire « de droite » (lire aussi : Ta berline est politique camarade). La preuve qu’un nom bien choisi, et une antériorité sur le marché peuvent faire pencher la balance en sa faveur.
La Clio avait été lancée en 1990 en remplacement de la plupart des Super Cinq (qui restera un modèle d’entrée de gamme jusqu’en… 1996, avec ses fameuses séries Campus ou Carte Jeune, à l’opposé des Baccara) ! Basée sur le même (bon) châssis, la Clio offrait un style bien plus moderne, assez ramassé (je me souviens de son lancement et de la pub « transformer » (voir vidéo en bas d’article), rompant totalement avec la silhouette 5 et Super 5 initiée presque 20 ans avant ! Il était temps de contrer Peugeot et sa 205 triomphante avec un modèle plus en phase avec la société et ses aspirations.
Avec la Clio, Renault offre d’entrée de jeu ou presque une gamme dans la gamme, de la dépouillée RN à la luxueuse Baccara, en passant par la sportive 16s (lire aussi : Renault Clio 16S), en 3 ou 5 portes. Ne manquait plus que le cabriolet qui ne viendra jamais malgré les propositions du carrossier belge EBS. De quoi faire sacrément de l’ombre à une 205 déclinante que Peugeot ne voulut pas remplacer complètement : difficile de tuer le mythe qui se verra entouré des 106 et 306 pour sa fin de vie et qui n’aura de véritable descendance qu’en 1998 avec le lancement de la 206, offrant d’une certaine manière un boulevard à la petite Clio.
Avec la déclinaison Baccara, Renault reprend donc le concept éprouvé de la Super Cinq éponyme : offrir le luxe d’une grande berline dans l’habitacle d’une citadine. La seconde voiture idéale des beaux-quartiers (souvent la voiture de madame) en somme ! Il y avait le couple Renault 25 / Supercinq, il y aura désormais le couple Safrane / Clio, le tout en version Baccara of course ! Avec cette offre unique, Renault allait s’imposer (du moins en France) sur ce créneau de la « griffe de luxe » à la française sur des bagnoles de grande diffusion.
La Clio Baccara offrait un intérieur cuir (sièges, panneaux de portes et pommeau de boîte de vitesse), malheureusement gris, et non crème comme sur la Super Cinq et la 25, des inserts en ronce de noyer (y compris sur le cache auto-radio), des jantes alliage spécifiques de 14 pouces, ainsi que des bas de caisse lui donnant un look plus cossu. Les équipements sont nombreux : clim, toit ouvrant, ABS, Radio K7 (puis CD), direction assistée, alarme etc). Côté moteur, la Baccara n’est pas une sportive, mais ne s’en sort pas trop mal, avec tout d’abord le F2N 1.7 litre à carbu en boîte manuelle (92 ch) ou le E6J 1.4 litre à carbu en boîte auto (80 ch), puis à partir de 1993 le F3P 1.8 litre injection en BVM (95 ch) ou, légèrement dégonflé en BVA (90 puis 92 ch).
Mais il ne suffit pas d’avoir une bonne voiture, bien équipée, répondant à la demande. Encore faut-il le faire savoir. Ce sera le coup de génie de Renault et de Publicis : une publicité ne citant même pas le nom Baccara, mais dont on voit notamment l’intérieur luxueux, sur le thème « Elle a tout d’une grande »… et la fameuse réplique « pas assez chère mon fils » (voir vidéo en bas d’article). Qui, de cette génération, ne se rappelle pas de ce slogan, devenu phrase culte au même titre que certaines répliques de la Cité de la Peur sortie un peu plus tard.
Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin. Sous la pression de la cristallerie de luxe Baccarat, Renault devra cesser d’utiliser le nom Baccara en 1997, laissant place à celui, plus commun, d’Initiale. Tout le travail de marque effectué depuis 10 ans tombait à l’eau, juste au moment ou la concurrence se mettait à niveau avec des voitures toujours mieux équipées. Désormais, plus besoin d’une griffe distinctive pour oser rouler en citadine dans les beaux quartiers. C’est aussi à cette époque que commence la mode des petites néo-rétros, Volkswagen ouvrant le bal avec la New Beetle, bientôt suivie par la New Mini, puis la Fiat 500… Le « branché » remplaçait le « luxe » comme signe distinctif dans les capitales. Changement d’époque, ou le fun, le décalé, le vintage, remplaçait le « signe extérieur de richesse » tout en restant aussi ostentatoire. La Clio Baccara fut donc la dernière de son espèce, l’Initiale n’arrivant jamais à réitérer le succès. Aujourd’hui, Renault songe pourtant à en faire une marque alors que, 18 ans après le lancement de cette nouvelle griffe, elle n’a toujours pas autant marqué les esprits que Baccara !
La Renault Clio Baccara dans sa dernière version Phase 3 avant de devenir InitialeAujourd’hui, les Clio Baccara se trouvent relativement facilement, à tous les prix et dans tous les états. Comme d’habitude, la difficulté sera plutôt d’en trouver une complète, non modifiée, et en bon état.
Pub Clio « Transformer » :
Pas assez chère mon fils :
Merci à Hermann pour les photos de sa magnifique Baccara !