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PORSCHE

Porsche Carrera GT : dix cylindres pour un adieu

Par - 22/12/2022

« On l’aura compris, le V10 stuttgartois a connu un début de vie chaotique, un peu comme ces enfants longuement ballottés de foyer en famille d’accueil avant de trouver, sur le tard, un foyer leur permettant de s’épanouir ; et, indéniablement, le dix-cylindres aurait pu trouver pire point de chute que l’écrin de carbone de la Carrera GT »

La liste des supercars de la maison Porsche n’est pas bien longue : à ce jour, elle ne compte que quatre représentantes, et la Carrera GT n’est probablement pas la plus connue d’entre elles. Un peu comme la Ferrari Enzo, elle a sombré dans cette forme d’oubli paradoxal qui affecte bon nombre d’autos de ce calibre : croulant sous les éloges et les commentaires laudatifs lors de leur présentation, le plus souvent elles s’effacent peu à peu de la mémoire collective, car bientôt supplantées par des machines encore plus superlatives, voire rattrapées par les performances de modèles moins exclusifs. Bien qu’elle n’ait pas connu de successeur immédiat — la 918 Spyder ne fut commercialisée que six ans après sa disparition du catalogue —, la Porsche Typ 980 n’a pas échappé à ce destin en demi-teinte, sur la justesse duquel il n’est pas interdit de s’interroger…

Rien ne dure et pourtant rien ne passe

Six cent douze chevaux, 590 Nm, 330 km/h et le 0 à 100 en 3,9 secondes : des chiffres qui pouvaient impressionner le badaud au milieu des années 2000 mais que le temps écoulé depuis lors s’est chargé de banaliser. De nos jours, une 992 Turbo S pulvérise ces valeurs sans pour autant appartenir à cette catégorie si spécifique — depuis les 959 et F40, les supercars Porsche et Ferrari reprennent toujours peu ou prou les mêmes substrats : production limitée dans le volume et dans le temps ; usage immodéré de matériaux exotiques ; performances ébouriffantes ; innovations techniques propres à réjouir les amateurs d’ingénierie avant-gardiste ; et, bien entendu, un tarif stratosphérique susceptible d’alimenter les conversations de bistrot mais ne garantissant pas forcément la rentabilité de l’opération. Là n’est pas le sujet : tout comme son aînée des années 1980, la Carrera GT fut avant tout un manifeste technique ou, si l’on veut, un éblouissant démonstrateur des capacités de la marque. Comme le proclamait un vieux slogan de l’autre siècle, se dépasser est la seule course qui ne finit jamais et, de la sorte, les ingénieurs de Weissach ne pouvaient qu’être conscients de la finitude de leur projet, dont la suprématie serait inévitablement abolie à plus ou moins brève échéance. Cette fois cependant, il n’était pas question de réinterpréter une énième fois la partition de l’inusable 911 mais bien de repartir d’une feuille blanche (ou presque), histoire de se hisser une fois encore au niveau des créations les plus ambitieuses de Maranello !

La fonction dicte la forme

Le projet 980 avait démarré en 1998, après la victoire de la 911 GT1 au Mans. L’idée consistait à concevoir un prototype de route à la fois susceptible de rendre hommage au retour triomphal de Porsche dans la Sarthe et, possiblement, d’aboutir à un modèle commercialisable, fût-ce en série très limitée. À l’instar des auteurs de la 959 quinze ans auparavant, les concepteurs de la Carrera GT explorèrent des possibilités nouvelles, comme par exemple une structure monocoque en polymère renforcé de fibres de carbone (matériau également retenu pour les panneaux constitutifs de la carrosserie, jusqu’aux deux demi-toits amovibles), un embrayage en céramique, sans parler de recherches très approfondies quant à l’aérodynamique, élaborée pour générer jusqu’à 400 kilos d’appui sur le train arrière quand la voiture atteignait sa vitesse maximale. Vingt-deux ans après la présentation du concept-car à l’occasion du Mondial de Paris — le grand Walter Röhrl ayant majestueusement descendu les Champs-Élysées à son volant le 28 septembre 2000 —, se trouver en présence de l’auto suscite toujours autant d’émotion. J’aime la pureté et la sincérité de ce design dépourvu de toute aspérité gratuite et dont chaque détail est à la fois beau et utile, jusqu’à l’aileron arrière calibré pour s’ériger automatiquement à partir de 120 km/h. J’aime la simplicité formelle de ce cockpit où tout est pensé pour favoriser le pilotage, sans pour autant se départir d’une élégance qui séduit l’esthète. J’aime cette automobile parce qu’elle incarne l’apogée technique de son temps ; après elle, plus rien ne fut jamais pareil.

Fille de la course

Au cœur de l’engin, et plus précisément en position centrale arrière, on trouvait un V10 ; c’est-à-dire une architecture très peu répandue parmi les automobiles de route. On peut même la considérer comme l’une des victimes les plus significatives des désamours rapides : ainsi, on se souvient sans doute du V10 BMW S85, qui n’a fait que trois petits tours sur les M5 et M6 avant de finir dans les oubliettes de l’histoire, Munich ayant par la suite décidé de revenir au bon vieux V8, ou du groupe développé par Toyota pour l’éphémère mais captivante Lexus LFA. Toutes proportions gardées, il en est allé de même chez Porsche, aucun dix-cylindres n’ayant jamais plus animé aucun autre modèle de Zuffenhausen depuis que la Carrera GT a achevé sa très brève carrière. D’ailleurs, dans ses prolégomènes ce moteur n’avait pas été conçu pour une voiture de route, mais bien pour la course — plus précisément afin de remplacer le douze-cylindres maison utilisé sans succès par l’infortunée écurie Footwork Arrows au début de la saison 1991 de Formule 1. L’initiative demeura toutefois lettre morte et le projet de V10 ne commença de se concrétiser, sept ans plus tard, que dans le cadre du projet LMP2000 destiné à l’endurance, mais qui ne devait hélas jamais courir… On l’aura compris, le V10 stuttgartois a connu un début de vie chaotique, un peu comme ces enfants longuement ballottés de foyer en famille d’accueil avant de trouver, sur le tard, un foyer leur permettant de s’épanouir ; et, indéniablement, le dix-cylindres aurait pu trouver pire point de chute que l’écrin de carbone de la Carrera GT…

Humilité, mode d’emploi

Nous parlons d’une voiture de route, mais il suffit de prendre le volant de l’engin durant quelques kilomètres pour appréhender la radicalité de sa définition, et celle-ci la rapproche résolument d’une machine conçue pour flairer le bitume des circuits plutôt que celui des routes du quotidien. La polyvalence d’usage ou la facilité de pilotage ne faisaient assurément pas partie du cahier des charges de la Carrera GT mais n’est-ce pas, après tout, l’un des signes distinctifs des supercars ? Penchons-nous tout d’abord sur sa fiche technique : loin des pesanteurs camionnesques d’une Viper, le V10 Porsche, d’une cylindrée de 5,7 litres, délivre ses 612 ch à 8000 tours/minute (un exploit pour un moteur atmosphérique), dans une réjouissante vocifération dont la stridence tétanise le passager, tandis que le pilote doit exploiter tout l’étendue de son talent pour parvenir à maîtriser l’auto dès que la route (ou la piste) se met à tourner. Le moteur central combiné à un empattement relativement long (2,73 m) contribue à définir un équilibre particulièrement exigeant si l’on s’avise de pousser la voiture dans ses retranchements — d’autant qu’en dehors de l’ABS, les seules béquilles électroniques (entièrement déconnectables) se résument à un antipatinage et à un différentiel à commande automatique.

3.8sec0-100
612cvPuissance moteur
5.7LCylindrée

La Carrera GT, le fait est, n’est pas l’une de ces machines bardées de fonctionnalités intrusives vouées à pallier l’incompétence potentielle de leurs conducteurs. Bien sûr, si le cœur vous en dit vous pourrez toujours la lancer dans des périples routiers constitués de lignes droites et de grandes courbes, mais là n’est clairement pas la vocation du modèle. En revanche, si vous avez du goût, une âme de pilote et environ deux millions d’euros à votre disposition, vous savez ce qu’il vous reste à faire…



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